Le jeudi 13 juin dernier, Guillaume Ouédraogo, la trentaine bien sonnée, a été sauvagement haché à plusieurs endroits par deux agresseurs, alors qu’il vaquait à ses travaux champêtres. Pendant qu’il recevait des soins au CHR de Ouahigouya, des leaders d’opinion étaient à pied d’œuvre pour calmer les tensions et ramener les deux familles à privilégier la voie du dialogue à celle des représailles. C’est dans le village de Roumtenga, dans la commune de Yako. Nous y avons fait un tour le mardi 18 juin 2013.
Pour une des rares fois, lorsqu’il est question du foncier, ce n’est pas le débat sur la propriété de la portion de terre qui est à l’origine du drame. C’est plutôt un cas d’exploitation non autorisé qui fut mal réglé. Les propriétaires terriens, à qui personne ne discute leur identité, ont délibérément choisi la loi du talion au détriment du dialogue social pour affirmer leur primauté. Pour Koudtiga Ouédraogo, oncle de la victime, cette terre appartient effectivement aux frères Koudougou et Koudbi qui la détiennent de leur père. Dans ses explications, il a confié avoir exploité longtemps la même parcelle avant que les frères ne la reprennent à la saison 2012. Malheureusement, précise t-il, Guillaume Ouédraogo, qui est un « malade mental », s’est retrouvé sur les lieux sans que lui-même ne s’en rende compte. En effet, l’activité de Guillaume serait le taillage des briques. Néanmoins, Koudtiga Ouédraogo a marqué son accord pour la médiation entreprise par le président du Comité villageois de développement (CVD) et le chef du village en ces termes. « Nous avons interdit toutes représailles aux jeunes. Nous sommes tous de la même famille. Nous ne répondrons pas à la bêtise humaine par une autre barbarie ». Même s’il déplore l’attitude effroyable de ses frères qui se sont acharnés sur un malade mental et de surcroît sourd-muet. Du coté des agresseurs, on semble reconnaître ce dérapage marqué par une conduite plus que regrettable, surtout que les protagonistes sont tous de la même famille. Koudougou Boukaré Ouédraogo, un des agresseurs, lâchera que « c’est un malheur déjà causé » et que son souhait le plus ardent réside dans ‘’la guérison des blessés. En effet, l’autre frère, Koudbi, a eu quelques blessures, même si elles sont nettement moins graves que celles de leur protagoniste. La prochaine étape, selon Koudougou Boukaré Ouédraogo, sera de rentrer en contact avec les frères de la victime afin que « pareille circonstance ne se reproduise plus ».
En fait de dialogue et de concertation, les choses n’ont pas été aussi simples. Le président du CVD, Guétanaba Samuel Ouédraogo, sous la houlette du chef du village, a entrepris de jouer au médiateur entre les protagonistes. Selon le président, les intéressés se sont engagés à privilégier la voie de la raison. Après avoir pris des mesures drastiques pour empêcher la famille des agresseurs de mettre pied sur ladite terre avant le retour du blessé, les parents de Guillaume se sont ravisés au nom des liens séculaires qui unissent les deux familles Ouédraogo. Du coté des agresseurs, on s’est engagé à éviter toute provocation jusqu’à ce que les patriarches s’asseyent autour de la même table. Pour y arriver, il a fallu l’ingéniosité et les démarches inlassables des médiateurs. Puis au président de privilégier le règlement à l’amiable. « Dès le retour du patient de Ouahigouya, nous ne pouvons certainement pas empêcher la justice de faire son travail, mais nous allons intercéder pour que l’entente entre les deux familles prenne le dessus afin de ne pas provoquer un précédent dans le temps », a-t-il avoué. D’ailleurs rappelle le président CVD, c’est « la première fois qu’un tel drame se produit à Roumtenga entre frères d’une même famille ». Heureusement, « la vie de la victime n’est plus en danger au CHR, même s’il risque une invalidité physique prolongée », rassure le président. Comme l’on pourrait le constater, ce sont les mécanismes traditionnels de règlement de crise qui ont été appliqués à Roumtenga pour ramener la paix sociale. Si le drame s’est déjà produit, on peut tout de même se féliciter que l’esprit de vengeance ait été dissipé grâce aux tractations menées par des leaders d’opinons dans nos contrées, en l’occurrence Roumtenga. Il est utopique de vivre en communauté sans couac, mais il est toujours souhaitable que de telles initiatives se créent à chaque fois que besoin est, en attendant que le droit soit dit.