L’affaire est maintenant donc dans le sac, pour ne pas dire dans une des nombreuses poches de son immense boubou blanc immaculé.
Certes, la victoire de Mahamadou Issoufou n’est pas encore officielle, puisqu’il faut, pour qu’elle le soit, l’imprimatur de la Cour constitutionnelle. Mais ce n’est qu’une simple question de formalités pour celui qui vient de remporter le second tour de la présidentielle nigérienne avec un peu plus de 92% des voix. Tout aussi étonnant a été le taux de participation, de près de 60%, quand on sait que l’opposition et les syndicats avaient appelé au boycott du scrutin.
Si donc le candidat à sa propre succession a gagné sans coup férir face à un fantôme, d’abord sous les liens de la détention préventive durant le premier tour, puis hors du pays pour des raisons de santé pendant le second tour, oui, s’il a gagné sans coup férir, gouverner lui sera autrement plus périlleux.
C’est que l’opposition a appelé à la désobéissance civile à partir du 2 avril prochain. Une manifestation dont le choix de date n’est pas dû au hasard puisqu’elle intervient le lendemain de la fin officielle du premier mandat de Mahamadou Issoufou.
Il y a donc urgence à faire baisser la tension et c’est, sans nul doute, ce qui explique cette main tendue du chef de l’Etat à ses adversaires.
En effet, Zaki, comme on le surnomme à Niamey, a émis le souhait de former un gouvernement d’union nationale. « Je suis prêt à mettre en place avec l’opposition un gouvernement d’union nationale afin de faire face aux menaces auxquelles le peuple nigérien est exposé. Il n’y a pas que ce défi sécuritaire, il y a d’autres défis : le défi du développement économique et social. Tous ces défis nécessitent une union sacrée », a-t-il annoncé hier mercredi 23 mars 2016 lors d’un entretien accordé à l’AFP.
Généralement sous nos tropiques, lorsqu’un chef d’Etat appelle à la formation d’un gouvernement d’ouverture, c’est que son pouvoir est dos au mur. Si bien que cette volonté d’ouverture à l’opposition est perçue comme une bonne vieille recette : après avoir accaparé le morceau le plus viandeux, le premier magistrat jette un os à la meute de loups hurlant et bavant de colère.
Mais en l’espèce, l’offre de Mahamadou Issoufou peut procéder d’une bonne intention, car comme il l’a dit, bien des défis et des périls guettent le pays, et il ne faudra pas en rajouter avec une crise politique à l’issue incertaine.
Si du côté des ténors de l’opposition il y a peu de chances que la proposition du président trouve preneurs, on ne peut pas en dire autant des hommes politiques de moindre importance ou de certains leaders de la société civile.
C’est donc parti, et bien parti, pour une division de l’opposition qui ne présente d’ailleurs qu’une unité de façade. Certains de ses représentants refuseront le carton d’invitation, d’autres le saisiront au vol, peut-être dans une bousculade monstre.
Dommage donc pour le pays d’Hamani Diori qui, quoi qu’on dise, avait commencé à pousser des racines sur les terres de la démocratie.
Mais il faut se garder de jeter la première pierre à Mahamadou Issoufou. Car, quand bien même il faudrait reconnaître que le pouvoir a commis quelques maladresses dans la préparation et l’organisation des élections, force est d’admettre que l’opposition a fait dans la surenchère dans le secret et malsain espoir de provoquer une crise politique.
Alors, l’imbroglio politico-judiciaire dans lequel se trouve le Niger est moins imputable au président sortant qu’à Hama Amadou et Cie, ces stratèges du pire qui ont juré de rendre le pays ingouvernable. Quel qu’en soit le prix.
Alain Saint Robespierre