Une semaine après les attentats de Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, l’heure est au recueillement. En effet, sur initiative du ministère de la Solidarité, de la cohésion sociale et de l’indemnisation des victimes, il a été organisé, hier, 20 mars 2016, une journée d’hommage aux 19 personnes tuées lors des attaques du 13 mars dernier, revendiquées par Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Il s’agit d’une cérémonie des grands jours qui a drainé du monde sur la station balnéaire de Grand-Bassam ; histoire de dire aux djihadistes que les Ivoiriens ne cèderont pas à la peur. En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que les attaques de Grand-Bassam ont contribué à rassembler les Ivoiriens qui, faut-il le rappeler, étaient plus que jamais divisés depuis la grave crise post-électorale de fin 2010 qui aura laissé près de 3 000 morts sur le carreau. Les querelles byzantines auxquelles on assistait depuis lors, entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara semblent, pour l’instant, avoir fait place à l’union sacrée. Cela dit, il faut craindre qu’en focalisant leur attention sur Grand-Bassam, les autorités ivoiriennes, à leur corps défendant, ne jouent le jeu des djihadistes qui, dans ce concert d’émotions, pourraient frapper là où on les attend le moins. Certes, il est bon de rendre hommage aux victimes de Grand-Bassam, mais il en faut plus pour émousser la barbarie des fous d’Allah qui, de plus en plus, recrutent parmi les jeunes locaux. Le cas de Grand-Bassam est d’autant plus édifiant que les enquêtes ont établi la présence d’un Ivoirien parmi les trois assaillants abattus par les forces spéciales. Et ce n’est pas tout. Car, les djihadistes, à ce qu’on dit, ont séjourné pendant quelques jours à Abidjan avant de mettre à exécution leur plan macabre.
Aucun pays n’a suffisamment de moyens de faire cavalier seul
Toutes choses qui nous amènent à douter de l’efficacité du renseignement qui, face au péril djihadiste, doit opérer une mue profonde. Pourquoi ne pas envisager la stratégie de l’infiltration ou de l’immersion qui pourrait permettre de remonter la filière ? Certes, cette stratégie n’est pas sans risque, mais elle aura l’avantage de sortir le renseignement de son schéma classique devenu pour le moins inopérant. De toute évidence, ce ne sont pas des foras organisés à grand renfort de tapage médiatique, qui viendront à bout du terrorisme, mais plutôt des idées novatrices. De fait, ce genre de cérémonies dites d’hommage constituent une publicité sans frais pour les djihadistes qui n’en demandaient pas plus. Et c’est peu dire. Car, on donne ainsi la preuve que ces chevaliers d’industrie ont réussi à faire mal. Il est donc temps de surpasser nos petites émotions pour aller vers une synergie d’action qui, si elle est bien coordonnée, pourrait porter l’estocade à ces gens-là qui, friands de la mort, ont décidé de troubler injustement le sommeil des honnêtes gens. Et contre cela, il faut le dire, aucun pays n’a suffisamment de moyens de faire cavalier seul. C’est pourquoi dans l’intérêt supérieur de leurs peuples respectifs, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, dont on sait que les relations ne sont pas au beau fixe depuis l’émission d’un mandat d’arrêt international contre le président de l’assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, doivent surpasser leur ego, pour regarder dans la même direction dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Car il s’agit là d’une question de survie nationale.
Boundi OUOBA