La «Voix du pèlerin», vous connaissez ? Pour ceux qui l’ignoreraient, c’est la dénomination d’une association créée pour la défense des intérêts des candidats au hadj. Sa présidente, Hadja Kadidia Tiendrébéogo, nous dévoile dans l’entretien ci-après les ambitions de cette structure.
Dans quel contexte la «Voix du pèlerin» a été créée ?
• Comme vous le savez, l’organisation du hadj au Burkina Faso est en butte, depuis quelques années, à d’énormes problèmes. Mais c’est surtout le hadj 2012 qui a révolté plus d’un, car contrairement aux éditions précédentes, il y a eu 72 personnes qui n’ont pas pu effectuer le voyage en terre sainte pour accomplir leurs obligations religieuses. C’est donc dans ce contexte que la «Voix du pèlerin» a été créée. Normalement, même si c’est un pèlerin qui ne parvient pas à décoller, pour un problème non imputable aux formalités nécessaires, on devait le faire savoir à toute la oumma (communauté islamique). En 2012, il y a eu 72 personnes qui ne sont pas parties, et cela n’est pas passé inaperçu, parce qu’on a organisé une marche en direction du ministère de l’Administration territoriale pour dire non à cette situation. On n’avait pas à s’attaquer aux agences mais au département de tutelle et le comité de suivi qu’il a mis en place qui constituent la base même de l’organisation. C’est donc à partir de cet instant qu’on a estimé qu’il était temps de se constituer en association pour défendre les intérêts des pèlerins. Ainsi est née la «Voix du pèlerin».
En parlant de «on», vous faites allusion à qui ?
• Je fais surtout allusion à moi-même parce que c’est moi qui ai organisé la marche. Il y avait un groupe important qui pouvait nous accompagner au ministère, mais les gens ont eu peur. Il y en a qui ne voulaient pas se faire remarquer par les responsables d’agence ou de l’administration. Alors en employant le pronom «on», je fais également référence à ceux qui sont partis avec moi au ministère.
Qu’est-ce que votre association va concrètement apporter de plus à ce qui existe déjà ?
• Je peux dire que nous avons déjà apporté quelque chose avant l’organisation même du hadj 2013, à partir du moment où les autorités ont déjà prêté attention aux différentes propositions que nous avons faites. Il s’agit d’une quarantaine de points qui pourront aider à parfaire l’organisation du hadj. Et il y a déjà des points qui sont pris en compte. Par exemple, le regroupement des agences, la centralisation des inscriptions avec des numéros d’ordre pour organiser les vols. Ils ne sont pas encore bien avancés mais on sent qu’il y a beaucoup de points qui sont pris en compte. Nous savons que si toutes nos propositions sont prises en considération, cela va améliorer considérablement l’organisation de cette année.
Comment comptez-vous financer vos activités ?
• Nous sommes en train d’approcher ceux qui comprennent notre démarche pour nous aider dans la sensibilisation de la oumma. Pour l’instant, nous n’avons pas de financement mais avec notre bonne volonté, ce que Dieu va nous donner nous permettra de nous organiser.
Qu’en est-il donc des activités génératrices de revenus (AGR) dont vous faites cas dans vos textes ?
• Nous avons en effet parlé d’AGR dans nos textes parce que nous avons beaucoup de femmes membres de l’Association. Nous comptons entreprendre des activités qui nous permettront de financer nos actions. Mais cette année, nous avons besoin d’être épaulés. Pour le moment, nous n’avons pas déterminé une activité génératrice de revenus.
Nous tenons à préciser que nous n’avons pas créé l’association pour chercher de l’argent. Mais il nous en faut pour financer nos activités. Donc, quand nous parlons AGR… cela fait partie de nos objectifs parce que tant que nous ne serons pas autonomes, nous ne pourrons pas accomplir notre mission. Nous attendons de mettre en place nos démembrements dans les provinces et ensuite le bureau national pour voir ce que nous pourrons faire ensemble.
Votre organisation n’est-elle pas l'embryon d'une autre agence de voyage en gestation ?
• Non ! Non ! Nous ne pouvons pas vouloir une chose et son contraire.
N’est-elle pas aussi un comité de suivi parallèle à ce qui existe déjà ?
• En quelque sorte mais nous avons demandé au ministère de l’Administration territoriale de nous préciser notre statut. Parce que l’on ne peut pas se lever de but en blanc dire qu'on est une association et s'mpliquer dans tout. Il faut que le ministère nous implique dans l’organisation du hadj. Pour le moment, il nous a proposé de participer aux activités en tant qu’observateur. Nous avons demandé à être associés à toutes les discussions possibles. C’est une cause que nous voulons défendre et nous n’entendons pas qu’une décision soit prise sans notre consentement.
Depuis qu’on organise le hadj, les pèlerins ou la société civile n’ont jamais été représentés. Ce sont les agences et le ministère qui sont les organisateurs
Même la communauté musulmane n’y est pas partie prenante ?
• Ah ! Ce que nous savons vraiment, c’est qu’il n’y a jamais eu de défense des intérêts des pèlerins jusque-là. Quand vous parlez de la communauté musulmane, c’est qui ? C’est nous tous qui constituons la communauté musulmane. Si elle est représentée, s'il y a des problèmes et que personne ne manifeste, les concernés vont protester. Par exemple, si vous avez un directeur, s'il y a des problèmes au niveau du service et qu’il ne dit rien, ceux dont les intérêts sont menacés vont manifester.
Voulez-vous dire par là que la communauté musulmane ne joue pas son rôle au sein du comité ?
• Ce n'est pas ce que je dis. Seulement on a constaté l’absence de défenseur et on a estimé qu’il était temps d’élever la voix et dire que nous ne sommes pas contents de ce qui se passe. Sinon nous n’avons pas dit qu’elle ne jouait pas son rôle.
Quels sont vos rapports avec la communauté musulmane ?
• Nous avons écrit une lettre officielle que nous allons adresser au président de la Fédération des associations islamiques parce que la Voix du pèlerin, c’est une association comme toutes les autres qui se créent. Ce n’est pas parce que c’est le pèlerinage qu’on doit demander le consentement d’une autre structure pour la créer. Il y a plus de 300 associations islamiques au Burkina Faso. Aucune n’a demandé l’avis de qui que ce soit avant de se créer. Chacune d’elles a ses objectifs ; donc nous avons les nôtres pour l’intérêt de tout le monde.
Vous comptez suivre les pèlerins du Burkina en Arabie Saoudite. Comment cela va-t-il se passer ?
• C’est pour cela que nous avons demandé à l’Administration territoriale de nous aider à faire partie de cette organisation. Parce que si le ministère arrive à envoyer des gens en tant que membres du comité de suivi, je pense que nous devons être pris en compte aussi. Nous avons rencontré le ministre de l’Administration territoriale pour lui demander de nous aider à faire connaître notre association. Ce n’est pas son rôle, mais compte tenu de l’importance de l’opération nous pensons que notre soutien leur permettra d'améliorer l’organisation.