Le Centre de suivi et de prise en charge des enfants en situation d’handicap mental (CSPCESHM) est une structure qui accueille des enfants autistes et déficients mentaux. A caractère social, le centre dispose, en son sein, de psychologues et de monitrices qui accompagnent les enfants souffrant de troubles comportementaux, en vue de faciliter leur insertion et réinsertion dans leur milieu social.
Auxane Bambara, six ans, est élève dans une école maternelle de Ouagadougou. Jusqu’à l’âge de trois ans, il n’avait pas encore acquis la propreté du sphincter. Très agité et impulsif, il était pratiquement impossible d’inscrire le jeune garçon dans une école classique. Une situation qui a conduit ses géniteurs à frapper à la porte du Centre de suivi et de prise en charge des enfants en situation d’handicap mental (CSPCESHM) pour un suivi psycho-éducatif, afin de pallier, un tant soit peu, ce handicap.
Son passage dans ledit centre lui a, en effet, permis d’acquérir une certaine stabilité, à la grande joie de papa et maman. Ragaillardi par cette thérapie, ses parents, sur les conseils du psychologue, n’hésiteront pas à l’inscrire, l’année suivante, dans un établissement de la place, pour son renforcement psychopédagogique. Logé en moyenne section avec des camarades de son âge, Auxane Bambara s’y s’intègre progressivement. Autre exploit à son actif : le jeune Auxane Bambara est aujourd’hui capable d’écrire toutes les lettres de l’alphabet et même des phrases entières.
Malheureusement, comme ce gamin, ils sont nombreux les enfants qui souffrent de troubles de comportement empêchant du coup leur insertion dans la vie sociale. Responsable du CSPCESHM, le psychologue, Boukari Pamtaba, définit l’autisme comme l’incapacité pour l’enfant à développer des relations interpersonnelles très marquées, dans les cinq premières années. Il (l’autisme) se caractérise, dit-il, par un manque de réactivité et d’intérêt pour les autres, sans comportement d’attachement normal. « Par exemple, un enfant de deux ans est capable de partir vers ses amis quand il les voit. Il peut montrer sa préférence, en indexant un objet avec le doigt. Mais l’enfant autiste n’a pas cette capacité. Il reste indifférent à ces types de situation. L’autisme est en même temps accompagné de troubles de comportement. Soit l’enfant est hypersensible, instable, soit il est hypo sensible. Le langage est absent. Il construit son propre monde. De façon générale, l’enfant a une incapacité d’imitation. Pourtant, l’imitation est la base de tout apprentissage », étaye-t-il. C’est ce retard de développement que le centre essaie de combler, à travers la prise en charge des enfants autistes et déficients mentaux, en vue de les intégrer dans leur environnement social.
Situé dans l’arrondissement N° 10 de Ouagadougou (ex-secteur n°28), le CSPCESHM, avec le concours de l’Association burkinabè d’accompagnement psychologique et d’aide à l’enfance (ABAPAE) dont M. Pamtaba assure la présidence, a été créé en août 2011. Il accueille actuellement, 15 enfants autistes et déficients mentaux, âgés de trois à dix ans. Ces jeunes pensionnaires sont suivis par six psychologues, tous les matins, dès 7 heures, pour ceux qui n’ont pas encore acquis d’autonomie. Trois monitrices se chargent, quant à elles, de l’encadrement de ceux ayant besoin d’un renforcement de capacités en pédagogie, à travers l’initiation à l’écriture. « Plus l’enfant acquiert une certaine autonomie et qu’il a une notion de base très élevée, plus nous élaborons des demandes pour les insérer dans des écoles », précise le psychologue.
« Si les parents s’impliquent davantage, les résultats seront meilleurs ! »
M. Pamtaba et ses collaborateurs représentent, aujourd’hui, les « sauveurs » de cette catégorie d’enfants voire… de leurs parents ! Le regard de l’entourage est parfois cruel et dur à supporter. Mme Zabda Djamila, comptable de son état, ne tarit pas d’éloges à l’endroit de ce centre. Elle qui ne savait à quel saint se vouer devant le comportement anormal de son enfant. Elle affirme, en effet, que ce dernier ne pouvait pas prendre un objet de lui-même. Pire, il restait indifférent à tout ce qu’on lui disait. « Mais maintenant, il y a beaucoup d’amélioration. Il peut manger et boire de l’eau, tout seul. Il sait ce qu’il veut, il refuse ce qu’il ne veut pas », soutient-elle. En 2013, le CSPCESHM a permis à quatre enfants autistes de reprendre le chemin de l’école et aux dires de leurs enseignants, « nos quatre héros » tirent leur épingle du jeu. C’est le cas d’Elios Sana. Elève au cours préparatoire, première année au complexe scolaire « le Petit monde », il représente une fierté pour son institutrice, Salimata Diallo. « Il s’en sort bien. Il a une moyenne de 6/10 », se réjouit-elle, même si elle reconnaît que le rythme de progression n’est pas accéléré. C’est pourquoi la prise en charge se poursuit toujours, à travers des visites régulières à domicile et à l’école. Car pour le responsable du centre, l’objectif n’est pas de garder l’enfant au centre, mais de lui permettre de mettre en œuvre les acquis du centre et cela demande l’implication des parents pour sa socialisation. « Il y a beaucoup de préjugés autour de ces enfants dans les familles. Leur état fait qu’ils sont surprotégés dans leur famille. Plus ils sont entretenus de la sorte, plus il leur devient difficile de valoriser les acquis du centre. Si les parents s’impliquent davantage, les résultats seront meilleurs, parce qu’ils connaissent mieux leur enfant. Il faut que les acquis du centre puissent se transposer en famille, pour qu’on puisse parler de résultat », insiste-t-il.
Une intervention pluridisciplinaire
Compte tenu de la spécificité de la prise en charge qui demande une intervention pluridisciplinaire, le CSPCESHM a noué un partenariat avec l’Association psychomotricité sans frontière (APSF) de la Faculté de médecine de la Salpêtrière à Paris (France). Cette collaboration a pour but de partager des expériences entre le personnel du centre et l’association française. Ainsi, en 2013, trois équipes se relaient au centre pour une période de six semaines, afin d’échanger sur la psychomotricité et les actions dans la pratique éducative et thérapeutique des enfants autistes et déficients mentaux. « On arrive à proposer des activités qui parlent aux enfants et leurs réactions sont très intéressantes. Nous passons par le corps et les expérimentations sensorielles », indique Maud Kromholz, la présidente de l’association. Et la vice-présidente, Inès Herrera, d’ajouter que l’ambition de l’APSF, c’est de travailler avec le personnel du centre pour mettre en place, des méthodes de travail adéquates sans remettre en cause l’organisation et le mode de fonctionnement du CSPCESHM.Toutefois, les actions du centre tendent à être freinées par l’étroitesse des locaux. « Chaque psychologue doit avoir un compartiment, parce que l’enfant est pris individuellement », fait remarquer Pamtaba Boukari. Une autre difficulté et non des moindres est le « nerf de la guerre ». A en croire le psychologue, le centre vit en grande partie de la contribution des parents. « Il y a des parents qui font quatre ou cinq mois, avant d’honorer leur engagement. Nous, en tant que professionnels du domaine, nous ne pouvons pas chasser un enfant, parce que ses parents ne sont pas à jour. C’est vrai que nous faisons du social, mais il y a certaines charges que nous devons honorer au quotidien », relève-t-il.Pour lui, les autorités doivent accompagner cette jeune structure, étant donné que des centres de suivi spécialisés de ce type, pilotés par des psychologues, sont en nombre très insuffisant au Burkina Faso. D’où la nécessité pour les bonnes volontés et les autorités, notamment celles en charge de la Santé et de l’Action sociale, d’apporter tout soutien à Boukari Pamtaba et ses collaborateurs dans leur noble combat contre l’autisme et toute forme de déficience mentale.