Le premier acte de ce qui s’annonce comme une longue négociation entre le gouvernement malien et les rebelles touareg vient donc de s’achever de façon heureuse. Cette première phase, arrachée de haute lutte par le médiateur Blaise Compaoré aidé d’autres chefs d’Etat, avait quatre objectifs majeurs : obtenir un cessez-le feu entre les belligérants, permettre un cantonnement des groupes armés rebelles de Kidal, permettre le déploiement des forces de défense et de sécurité maliennes à Kidal et enfin ouvrir la voie à la tenue de la présidentielle de juillet. Tout est bien qui finit bien. Mais comme l’a dit le médiateur, les uns et les autres reviendront plus tard pour« des pourparlers inclusifs visant l’établissement d’une paix définitive, la sécurité sur toute l’étendue du territoire national, la réconciliation de la nation malienne avec elle-même, l’avènement et la consolidation d’une bonne gouvernance dans toutes ses composantes politique, économique, sociale et culturelle, vecteur de développement et de bien-être partagés. » En attendant, le défi immédiat, c’est d’obliger chaque partie à respecter sa signature. Ce qui n’est jamais chose aisée sous nos tropiques où les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
La crise malienne est du reste emblématique de cette violation permanente de la parole. Les nombreux accords précédents signés entre Bamako et les groupes rebelles touareg ont fait long feu. Ils ont tenu seulement le temps d’une tempête de désert en raison des turpitudes des différents protagonistes, Etat malien comme irrédentistes touareg. Le Mali, depuis son indépendance, a à son compteur au moins cinq vagues de rébellions. Sur le papier, en principe, rien ne justifie à nouveau tout soulèvement armé au Nord Mali. L’accord de Ouagadougou signé ce 18 juin 2013 règle, en une phrase, ce qui a toujours fondamentalement constitué le point d’achoppement entre pouvoir malien et certaines organisations touareg. Il n’est plus question d’indépendance pour qui que ce soit, et les termes de l’accord ne souffrent d’aucune ambigüité : « Le présent accord, qui marque la volonté affirmée des parties de préserver l’intégrité du territoire, l’unité nationale, la forme laïque et républicaine de l’Etat et de maintenir la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire national, entre en vigueur à compter de sa date de signature ».
Mais il y a une crainte dans la capacité des parties à respecter la parole donnée. L’influence des opinions publiques, des entourages ou de groupes de pression divers, n’est pas à négliger. Elle peut conduire d’une façon ou d’une autre à remettre en cause les engagements pris. Cela s’est vu par le passé, tant du côté gouvernemental que touareg. La politique aventureuse de Amadou Toumani Touré dans le Nord Mali, on l’a vu, a eu des effets néfastes en terme de développement du trafic de drogue et de prolifération de groupes armés incontrôlables. Entre-temps, l’implosion de la Libye a accéléré la déliquescence de la situation et fait perdre à ATT tout contrôle sur la partie septentrionale de son pays. Les Touareg en ont donc profité pour rallumer la flamme sécessionniste. C'est dire à quel point l’Etat malien a aussi une grande responsabilité dans le retour à une paix définitive dans le Nord. Il ne doit donner le prétexte à personne pour se dire marginalisé. Cela est tout aussi valable pour les autres régions du pays.
Mais tous les efforts du gouvernement malien seront vains si l’instabilité continue de régner au sein du mouvement touareg. Aujourd’hui, le Mouvement national de libération de l’Azawad et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad sont les interlocuteurs du Mali et de la communauté internationale. Ce sont ces organisations que l’accord engage. Qui peut jurer que demain, d’autres mouvements ne surgiront pas du désert malien pour remettre en cause ces acquis ? Personne, si l’on jette un coup d’oeil dans le rétroviseur. L’histoire de la rébellion touareg est faite de tribulations, d’alliances et mésalliances, de retournements tels qu’on ne peut préfigurer de l’avenir. Nul ne sait, dès lors, si le MNLA et le HCA, qui se disent représentatifs du peuple touareg, auront la poigne nécessaire mais aussi la volonté d’empêcher de nouvelles dissidences et de nouvelles remises en cause. Voilà la grande incertitude qui pèse sur les pourparlersde Ouagadougou qui ne sont pourtant qu’à leur début. La sincérité devrait donc être la valeur cardinale partagée par les différents acteurs. Cela, afin que l’étape de Ouagadougou ne soit pas une nouvelle fois du temps perdu, dans la longue marche pour une paix définitive au Nord Mali .