La Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC) a organisé, le 9 mars 2016, un point de presse en prélude à son colloque international prévu pour se tenir à Ouagadougou les 14 et 15 mars prochains, sur le thème « Alternances politiques en Afrique : défis et enjeux constitutionnels ». Cette rencontre technique qui connaîtra la participation d’une trentaine d’experts étrangers de la démocratie, de la bonne gouvernance et du droit constitutionnel, se veut un cadre de réflexion sur les solutions aux problèmes des Etats en situation d’alternance politique, comme le Burkina Faso, la Centrafrique... En rencontrant la presse à cet effet, le professeur Abdoulaye Soma et ses collègues ont voulu donner des informations précises à l’opinion publique en clarifiant les contours du colloque.
A travers le colloque à venir, « la SBDC veut apporter sa contribution républicaine aux efforts de recherche de solutions aux problèmes, difficultés et défis des Etats en cas d’alternance ». Cette précision du Pr Abdoulaye Soma, président de la SBDC, dès l’entame de la conférence, laisse voir l’intérêt d’un tel colloque pour le Burkina qui est un exemple d’alternance. Le constitutionnaliste a rappelé que le renouveau démocratique introduit par la nouvelle génération de constitutions des années 90, a fondé d’énormes espérances. L’évolution politique et constitutionnelle des Etats africains à partir de cette période révèle, de l’avis du conférencier, des trajectoires différentes. « Certains Etats semblent installés dans les vagues honorables d’une démocratie de référence continentale, voire mondiale », constate le conférencier qui cite le Bénin, le Sénégal, l’Afrique du Sud ou le Ghana comme des exemples dans ce cas. Il mentionne sur un autre registre des pays où « des résistances se manifestent… avec une restauration autoritaire par des coups d’Etat, des replis autocratiques par des révisions constitutionnelles neutralisant la limitation des mandats présidentiels ». C’est le cas du Cameroun, du Burundi, du Zimbabwé et de l’Algérie. Son analyse est que dans cette catégorie de pays, la tendance à la personnalisation et à la pérennisation d’un dirigeant ou d’un régime est amplifiée et « l’alternance patiente » alors que « le peuple s’impatiente, attend encore l’alternance », a-t-il fait remarquer. Citant l’exemple du Niger en 2009, la Tunisie en 2011 et le Burkina Faso en 2014, le conférencier a indiqué que dans les Etats où les résistances s’organisent, le peuple obtient l’alternance, soit, par la « faveur » ou le « salut » de son élite armée par un coup d’Etat, soit par soulèvement populaire ou encore par les urnes. « La Constitution est un enjeu de l’alternance en amont, en aval et au-dedans », a clamé Abdoulaye Soma qui s’est interrogé sur comment relever les défis politiques et juridiques que pose l’alternance. Il a soutenu que lorsque l’alternance ne s’opère pas, c’est que la Constitution a été permissive, révisée ou violée, et qu’une ou plusieurs dispositions constitutionnelles sont litigieuses quand il y a disputes sur l’alternance. Ce qui explique, de son point de vue, les tentatives ou tensions concernant la révision ou l’application de la Constitution en cas d’alternance. A entendre le Conférencier, le colloque des 14 et 15 mars va trouver réponse à un abondant questionnement en rapport avec l’alternance par la Constitution, au-delà ou en dehors de la Constitution ou tout simplement par la réforme constitutionnelle pour renforcer l’autorité de la Constitution dans l’alternance.
Bientôt un manuel de procédures sur les questions d’alternance
Pour le Burkina qui expérimente l’alternance avec des défis multiformes pour son développement, le colloque proposera, selon Abdoulaye Soma, des résultats immédiatement exploitables, notamment dans la perspective de la révision constitutionnelle annoncée. « La refondation constitutionnelle déterminera la nature de notre démocratie », a souligné Abdoulaye Soma. Le colloque aura une approche pragmatique des questions d’alternance et produira, a-t-il dit, un manuel de procédures sur le traitement des problèmes de l’alternance en tenant compte de l’expérience de chaque pays. Les débats au cours du colloque seront suivis de recommandations à l’endroit des Etats, des acteurs politiques, de l’armée et de la société civile. L’absence d’alternance est-elle synonyme de déficit démocratique et de mal gouvernance ? Existe-t-il un déterminisme entre « alternance et consolidation de la démocratie » et « amélioration de la gouvernance » ? Ce sont autant de questions d’intérêt qui seront abordées à travers « le débat sur l’alternance », le colloque en l’occurrence.