Depuis 1960, six des neuf chefs d’Etat qui se sont succédé au Burkina ont été des militaires, la plupart ayant accédé au pouvoir à la faveur d’un putsch. Après cinquante ans d’immixtion des officiers dans la gestion des affaires d’Etat, "le pays des hommes intègres" est à la recherche d’une armée républicaine et apolitique.
Mardi la Commission de réforme de l’Armée burkinabè installée le 8 décembre 2015 a officiellement lancé ses activités qui permettront au Burkina d’avoir une feuille de route pour faire de "la grande muette" une institution républicaine au service du peuple.
Pour se faire, une conférence publique marquant le début des travaux de cette commission a été organisée à l’attention des Forces de défense et de sécurité dans le but d’expliquer ce phénomène de l’emprise des militaires sur la politique au Burkina, à travers une approche socio-historique.
Pour le conférencier Augustin Loada, professeur de droit et ex-ministre de la Fonction publique et du Travail sous la transition (novembre 2014 à décembre 2015), cette immixtion des militaires s’explique par le fait qu’il y a une "division au sein de la classe politique qui n’arrive pas à réguler les conflits de leadership en son sein et qui a tendance à recourir à l’armée pour arbitrer".
"Un deuxième facteur est aussi lié à la performance socio-économique des régimes civils", a poursuivi M. Loada indiquant que "c’est important pour susciter une grande légitimité des régimes constitutionnels qui soit à même de générer des fruits de la croissance économique et de les répartir équitablement au sein de la société de manière à ce que les problèmes qui s’y posent ne servent pas de prétexte pour l’intervention des militaires".
"Nous devons tous nous remettre en cause", a soutenu Armand Ouali, diplomate à la retraite et ex-député, ajoutant qu’il faut "redéfinir les rapports entre pouvoir civil et militaire".
Une armée soumise au pouvoir public
Après une transition démocratique et des élections présidentielle-législatives (29 novembre 2015) "réussies", le Burkina Faso est en train de s’acheminer vers un recentrage du rôle de l’armée à ses missions classiques : la défense de l’intégrité territoriale et de la protection des personnes et des biens.
Ce recentrage de rôle, selon le conférencier suppose "qu’on prenne en compte un certain nombre de principes et de valeurs", notamment "la soumission de l’armée au pouvoir civil, légitime, issu des urnes et la reconnaissance d’une certaine autonomie de l’armée dans un certain nombre de domaine (nominations au sein de l’armée, conduite des opérations militaires)" par les civils.
Pour aboutir à une armée régalienne et qui se tient à distance de la politique, le président de la Commission de réforme, le colonel-major Alassane Moné, affirme qu’"il est opportun" que les membres de la commission puissent échanger avec les partenaires, militaires comme civils afin de recueillir le maximum d’avis et de contributions".
Le 8 décembre 2015, tout en dénonçant le manque de "discipline, cohésion, loyauté, intégrité éthique, respect de la hiérarchie et l’unicité du commandement" qui ont caractérisé les Forces Armées nationales durant "les 27 ans de règne du régime (de l’ex-chef d’Etat Blaise Compaoré)", l’ex-président de la transition Michel Kafando a souligné que la réforme qui doit être opérée devrait prendre en compte "l’interdiction définitive de l’implication du militaire dans la politique, le renforcement de la responsabilité et de la bonne gouvernance".
Créée par décret le 30 novembre 2015, la Commission pour la réforme des Forces Armées burkinabè qui se compose de 15 membres et cinq personnes ressources dont l’ex-chef d’Etat-major général des armées, le général Honoré Nabéré Traoré, a six mois pour rendre ses recommandations qui seront étudier au cours d’un Conseil d’administration.
DZO