Au Burkina Faso, se trouver un toit relève du parcours du combattant. Et ce souci est pratiquement celui de la plupart des catégories socio-professionnelles. Le résultat est que bien des Burkinabè sont obligés de se rabattre sur ces fameux celibatorium où ils sont livrés aux humeurs des marchands de sommeil. Ces derniers ne se font aucun scrupule pour augmenter, comme ils l’entendent et quand ils veulent, le coût du loyer. C’est dans ce contexte que le gouvernement a lancé en 2007 une politique de «logements sociaux et économiques» à l’effet de faciliter l’accès au logement aux Burkinabè, en particulier ceux d’entre eux dont les revenus, objectivement, ne leur permettent pas de s’acheter une parcelle et d’y édifier une maison. L’initiative donc du gouvernement était judicieuse et pertinente si bien qu’il convient de la saluer à sa juste valeur. Seulement, l’on peut faire le constat, aujourd’hui, 10 ans pratiquement après le lancement de ce vaste programme, que le remède est en passe d’être pire que le mal qu’il était censé soigner. Et pour cause. Premièrement, il y a les conditions à remplir pour accéder à ces logements sociaux et économiques. Elles excluent un bon nombre de Burkinabè qui, pourtant, sont dans un réel besoin de logement. En effet, non seulement l’on oblige tous les intéressés à ouvrir un compte dans une institution bancaire imposée, mais aussi de manière arbitraire, peut- on dire, l’on a fixé un seuil salarial au delà duquel personne ne peut postuler à ces logements. Et que dire des taux d’intérêt que cette banque applique aux malheureux postulants ? Franchement, il faut avoir le courage de le dire, ces logements sont loin d’être à vocation sociale. Deuxièmement, les sites sur lesquels ont été réalisés ces logements laissent à désirer. Les viabilisations promises et qui d’ailleurs figurent dans le cahier des charges, n’ont jamais été respectées. Pas d’eau, pas d’électricité, pas de voies d’accès. Ce décor est aggravé par l’absence de structures publiques chargées de veiller sur la sécurité des occupants de ces logements et l’inexistence criarde d’infrastructures socio-sanitaires.
Il faut plus que des visites conjoncturelles de chantiers par les autorités
Troisièmement, les logements livrés sont déjà dans un tel piteux état que l’on peut avoir l’impression qu’ils datent d’un autre siècle. Murs lézardés, chapes avec des crevasses hallucinantes, toits dont l’étanchéité est douteuse, portes et fenêtres qui se refusent à s’ouvrir et l’on en oublie. Pour aménager dans ces logements, l’on est obligé de se plier en huit pour entreprendre d’abord des travaux de réfections. Quatrièmement, les parcelles sur lesquelles ces logements sont construits sont d’une telle exiguïté que l’on peut avoir du mal à y garer le plus minuscule des véhicules. L’un dans l’autre, l’on doit à la vérité de dire que les Burkinabè bénéficiaires de ces logements ont été abusés et floués par le gouvernement. Sous Blaise Compaoré, l’on pouvait comprendre cela, car son régime donnait l’impression d’être de connivence avec certains opérateurs économiques indélicats impliqués dans la construction des logements sociaux, pour sucer le sang du peuple burkinabè. Autrement, comment comprendre que l’Etat n’ait pas voulu remonter les bretelles à tous ceux dont la responsabilité peut être aisément établie dans les ratés enregistrés dans la mise en œuvre de la politique des logements sociaux et économiques ? En tout état de cause, cette initiative doit être repensée de manière à répondre véritablement aux attentes des Burkinabè. Le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré doit prendre à bras-le-corps la question pour deux raisons essentielles. D’abord, il l’a inscrite en lettres d’or dans son projet de société que les Burkinabè, dans leur majorité, viennent de valider en l’élisant comme président. Ensuite, le droit au logement décent n’est pas négociable, puisqu’il est consacré par la Constitution. Mais pour que les choses s’améliorent, un bilan sans complaisance doit être fait à propos de tous les logements sociaux et économiques qui, aujourd’hui, sont pratiquement dans un état d’abandon, de manière à prendre les mesures correctives qui s’imposent et à châtier tous les acteurs du domaine dont le laxisme et l’incurie ont plongé les Burkinabè bénéficiaires de ces logements dans la désolation et le désenchantement. Et pour cela, il faut plus que des visites conjoncturelles de chantiers par les autorités à l’image de celle à laquelle l’on vient d’assister. C’est de manière structurelle et bien réfléchie que l’on peut trouver des réponses pérennes et appropriées à la question. En ce 21e siècle, cela n’est pas trop demander à un gouvernement qui a de la vision.
SIDZABDA