Dans cette tribune, le philosophe et chef de parti politique Etienne Traoré donne son avis sur la nationalité ivoirienne accordée à Blaise Compaoré et les mandats d’arrêt internationaux lancé contre l’ancien président du Burkina Faso et contre le président du Parlement ivoirien, Guillaume Soro.
« Mes chers amis internautes, je rappelle d’abord que nous avons des millions de nos compatriotes en Côte D’ivoire qui enrichissent notre pays tout en étant, de très loin, les principaux acteurs de la prospérité ivoirienne, une prospérité presque exclusivement basée sur l’agriculture: cacao, café, bananes, coton, hévéa, ananas…dont les champs sont entretenus à plus de 90% par nos compatriotes burkinabè depuis des décennies ! C’est dire que nos peuples ont des intérêts étroitement liés et qu’il convient de rappeler à nos dirigeants soucieux de ces intérêts, d’agir ABSOLUMENT dans ce sens.
Or, ces temps-ci, nos relations ivoiro-burkinabè souffrent de turbulences liées, moins aux intérêts de nos deux pays, qu’à des amitiés personnelles. En effet, tous les milieux informés savent comment notre aîné Alassane Dramane Ouattara est parvenu au pouvoir avec les soutiens déterminants de Blaise Compaoré et de Soro Guillaume, parrains de la rébellion de 2002, militairement formée chez nous, dans les parages de Guiaro. Aujourd’hui, ces deux parrains sont mis en cause et convoqués par la justice burkinabè pour leurs rôles soupçonnés, respectivement dans l’assassinat du Président patriote révolutionnaire Thomas Sankara et du coup d’état sanguinaire avorté du 16 Septembre dernier. Un coup d’état avorté principalement par nos forces démocratiques civiles, politiques et de défense.
Mais voilà que malgré les accords judiciaires qui lient nos deux pays, le pouvoir ivoirien refuse d’exécuter les justes et légitimes mandats d’arrêt internationaux lancés par notre justice contre Blaise Compaoré et Guillaume Soro! Un Soro, soupçonné d’avoir PERSONNELLEMENT (et non pas, jusqu’à preuve du contraire, au nom de L’Etat Ivoirien), contribué au coup d’Etat sanguinaire avorté de Gilbert Diendéré. Qu’est- ce à dire ?
Rien d’autre que les amitiés et reconnaissances personnelles priment encore sur les intérêts d’Etat! Que faut-il alors faire, à mon humble avis? Il nous faut prendre notre mal en patience car NOUS N’AVONS PAS D’AUTRE CHOIX AUJOURD’HUI. Et nous convaincre également que ces deux personnalités rendront compte tôt ou tard pour deux raisons principales :
1-La réal politique: nul part au monde, mêmes les États les plus amis, ne s’entendent sur toutes les questions. Ils divergent même sur de nombreuses questions. Mais cela ne les empêche point d’entretenir de bonnes relations en considération des intérêts de leurs peuples respectifs. C’est du réalisme politique ( réal politique) élémentaire qui oblige les Chefs d’Etat, même à un niveau minimum de patriotisme, à privilégier ABSOLUMENT les causes de leurs pays par rapport à leurs causes personnelles. Je suis, du reste, convaincu que tout Chef d’Etat qui l’ignore, sera, tôt ou tard, puni par son propre peuple dans des formes et des délais imprévisibles!
Je souhaite alors que la raison d’Etat (en lieu et place de l’émotion actuelle, appelée à se dissoudre d’ailleurs avec le temps) reprenne sa juste place pour respecter l’indépendance de la justice, respecter les accords internationaux, respecter notre souveraineté nationale… en peu de mots: promouvoir la démocratie. Je constate fort heureusement que les choses bougent dans ce sens avec l’extradition récente de dangereux putschistes par les autorités ivoiriennes. Mes chers compatriotes, cessez de penser que c’est du menu fretin. C’est bel et bien quelques importantes boîtes noires, entre autres, de l’intrusion du RSP dans l’insurrection populaire d’Octobre 2014 et du coup d’Etat avorté du 16 Septembre dernier.
2-Le refus par l’écrasante majorité du peuple ivoirien d’être instrumentalisé pour des intérêts particuliers au détriment de leurs intérêts collectifs, voire de la stabilité de leur propre pays. Je le vois d’ailleurs difficilement accepter une candidature, aujourd’hui possible, de Blaise Compaoré à la Présidence de la Côte d’Ivoire, celui -ci étant devenu pleinement ivoirien et jouissant donc des mêmes droits que les autres ivoiriens de sang et de sol.
Je termine en déplorant cette honteuse ivoirisation de Blaise qui veut échapper à la justice de son vrai pays: le Burkina Faso. C’est d’autant plus honteux que j’apprends par mon épouse moaga que dans leur coutume, il ne sied pas, à un époux, de se réfugier chez son épouse ! J’ajoute qu’au regard des fonctions suprêmes occupées par Blaise Compaoré depuis 1983, il ne devrait jamais se prévaloir d’une autre nationalité: il y va de la sécurité de notre pays et de son honneur personnel.
Que nos peuples restent vigilants pour ne pas tomber dans des pièges égocentriques et orgueilleux que les politiciens (pas les vrais politiques et hommes d’Etat) aiment à tendre, usant d’arguments populistes et régionalistes. C’est à ce prix que Dieu nous aidera. »
Ouagadougou, le 26 Février 2016
Etienne Traoré
Enseignant de philosophie morale et politique