Casablanca, au Maroc abrite, du 25 au 26 février 2016, la quatrième édition du forum international de développement. Ce forum doit permettre à plus de 1200 investisseurs de se pencher sur l’épineuse question de l’essor agricole et de l’électrification sur le continent.
Placée sous le thème « Agriculture et électrification : mobiliser les énergies », la quatrième édition du forum international de développement réunit 1200 participants [des opérateurs économiques pour la plupart et des institutionnels] qui vont explorer les opportunités d’investir dans ces deux secteurs suscités. Organisé conjointement par le groupe bancaire Attijariwafa bank et Maroc Export, l’organisme public chargé des exportations, ce forum entend franchir une nouvelle étape de la coopération Sud-Sud. Plus de 29 pays prennent part à cet événement qui, d’après les organisateurs a favorisé depuis sa création en 2010 plus de 13 000 rendez-vous d’affaires. Pour cette seule édition, près de 45 00 B to B sont au menu. Sept pays invités (Gabon, Sénégal, Côte d’Ivoire, Congo Brazzaville, Tunisie, Kenya et Togo) présentent leurs stratégies nationales de développement dans un espace dédié à cet effet : le marché de l’investissement.
D’éminents experts et spécialistes vont animer des panels divers comme celui portant sur l’entreprenariat en Afrique: libérer les énergies ou sur le modèle d’électrification pour le continent. Des personnalités comme le Français, Jean Louis Borloo, président de la Fondation Énergies pour l’Afrique ou le magnat nigérian Tony Elumelu sont présentes. « Je suis là pour la coopération économique. L’énergie et l’agriculture sont deux secteurs indispensables à la croissance en Afrique », a insisté Tony Elumelu. Le président du groupe UBA et de Heirs holding agit en philanthrope finançant à hauteur de 100 millions de dollars un programme pour les entrepreneurs africains vont participer aux débats. Sur le plan de l’électrification, le Maroc a une carte à jouer.
Paradoxe africain
Disposant de 800 millions d’hectares de terres arables, l’Afrique peine pourtant à nourrir sa population. Un paradoxe africain que le banquier marocain appelle ses pairs à transformer en opportunités. « Est-ce acceptable que de nos jours qu’un Africain sur deux souffre de malnutrition (500 millions de personnes), quand ces terres comptent plus de 800 millions d’hectares non exploitées? Considérons-nous suffisamment les nouvelles économies disruptives qui redessinent les frontières, voire les effacent et interrogent les modèles existants de création d’emplois? Autant d’enjeux, et autant d’efforts de construction engagés par les États et le secteur privé lequel traduit en opportunités cette réalité », signe-t-il dans un document de présentation du forum. Cela impose donc d’imaginer de nouveaux investissements pour saisir ces opportunités. Car d’après la Banque mondiale, le rôle de premier plan de l’agriculture à maintenir voire, à accélérer la croissance, n’est plus à démontrer. Et elle évalue le marché africain dans l’alimentaire à 1000 milliards de dollars d’ici à l’horizon 2030 alors qu’il n’est que de 313 milliards actuellement. En cela, le succès du Plan Maroc Vert initié en 2008 peut servir de catalysateur. « Avec lui, l’investissement public a augmenté en moyenne de 14 % dans le secteur agricole, ce qui a permis d’investir plus de 23 milliards de dirhams. Ce plan a changé le visage de l’agriculture marocaine avec une hausse de 43 % de la production », a déclaré le ministre marocain de l’Agriculture, Aziz Akhannouch.
Turbulences
« Notre forum intervient dans un contexte de turbulences marquées par la chute des cours du pétrole (moins 50 % en un an) et des matières premières, le ralentissement de la croissance mondiale alors qu’une quatrième révolution portée par le digital est en marche et va transformer les modèles économiques ». « L’Afrique ne peut plus se contenter d’être un relais de la croissance, elle doit changer davantage », a plaidé le président du groupe Attijariwafa bank, Mohamed El Kettani. Très ovationné par l’assistance, le banquier est d’autant plus optimiste pour l’Afrique que les projections tablent sur des niveaux de croissance de l’ordre de 5 % sur la décennie à venir.s
Club africain développement
Enfin, Attijariwafa bank et son partenaire Maroc Export ont lancé à l’occasion de ce forum le club Afrique développement pour promouvoir le label marocain et doper la coopération Sud-Sud. Ce club offre une plateforme d’informations et met à la disposition de ses adhérents des services de mise en relation et un agenda portant sur des thématiques économiques. « Ouvert aux opérateurs économiques, quelle que ce soit la nature de leur activité, le Club Afrique développement vous accueille à travers ses représentations en Afrique du Nord, dans la région CEMAC, dans la zone UEMOA, en Europe et dans les pays du Golfe », indique une notice de présentation. Appelant à pérenniser les acquis du Forum, El Kettani ne voit un meilleur cadre que ce Club dédié pour cultiver ce terreau fertile nourrir ces affinités et favoriser l’émergence de chantiers structurants.
Trois questions à Jean Louis Borloo
Il est avec le nigerian Tony Elumelu, l’une des vedettes de ce forum international sur le développement. L’avocat et homme politique français, Jean Louis Borloo vend partout son projet Énergie pour l’Afrique. Président de la Fondation , il a accordé un entretien à Sidwaya
Sidwaya (S) : Pourquoi, selon vous le Maroc doit être le pont entre la Cop21 de Paris et celle de Marrakech prévue cette année?
Jean Louis Borloo (J.L.B): Il y a d’abord un rôle institutionnel à partir du moment où il va y avoir une année de présidence marocaine dans les conventions climat. C’est un rôle d’impulseur, de coordonnateur et de régulateur absolument majeur. C’est vrai que Paris à abouti à des déclarations de principe, maintenant nous rentrons dans l’opérationnel à savoir, ce que demandent les États africains qui souhaitent avoir un instrument dédié au financement des énergies renouvelables en Afrique pour passer de 25 à 100 % d’énergie renouvelable en dix ans. Ensuite, les engagements pris à Paris, même s’ils n’ont pas été formellement rédigés sur le financement par l’Europe et les États-Unis de ce plan sur la partie subventions. Enfin, le pays doit assumer la coordination de l’ingénierie dans tout ça.
Par ailleurs, le Maroc a un savoir-faire reconnu en matière d’électrification rurale décentralisée.
S : Quel rôle le secteur privé africain peut jouer dans ce processus?
J.L.B : Ce sont eux qui vont réaliser l’électrification. Vous ne pouvez pas construire un barrage uniquement avec de l’emprunt ou de l’equity. Il vous faut une petite partie de financement public gratuit. C‘était vrai en France, en Russie, aux USA dans les années 1930. Croire que les projets peuvent s’autofinancer n’est pas viable. Le privé a besoin d’un partenariat stable, efficace et durable et de financement.
S : Où en êtes-vous avec votre projet d’électrification pour l’Afrique?
J.L.B : Il n’est pas le mien. C’est pour les 54 chefs d’État africains qui ont délibéré en juin 2015 à Johannesburg sur un texte d’analyse du projet. Le parlement africain aussi. Les chefs d’État ont désigné il y a quinze jours (Ndlr : l’entretien à eu lieu le 25 février) le président guinéen, le Pr Alpha Kondé pour piloter ce plan. Tout est prêt, il faut maintenant coordonner. Et c’est le rôle que le Maroc doit avoir dans l’année qui vient.
Propos recueillis à Casablanca par Saturnin N Coulibaly