Les magistrats sont en grève mais grâce aux réquisitions, un service minimum sera observé dans les cours et tribunaux. C’est ce qu’a déclaré le ministre de la Justice, René Bagoro, au cours d’un point de presse qu’il a animé, hier 24 février 2016, avant d’aller en Conseil des ministres. Il a également soutenu que nul ne remet en cause l’amélioration des conditions de vie et de travail des magistrats mais que ceux-ci devront patienter le temps que le gouvernement dispose de l’état réel des finances du pays avant de prendre toute décision.
Le Syndicat des magistrats burkinabè (SMB), le Syndicat burkinabè des magistrats (SBM) et le Syndicat autonome des magistrats burkinabè (SAMAB) ont, dans un élan unitaire, décrété une grève de sept jours allant du 24 février au 1er mars 2016. Aux journalistes, le ministre de la Justice, René Bagoro, a expliqué que ces syndicats veulent ainsi obtenir du gouvernement l’application des textes relatifs au nouveau statut de la magistrature qui affirment l’indépendance de ce corps. Parmi ces textes, il y a des décrets dont celui permettant une revalorisation des conditions de vie des magistrats, car «l’indépendance est un tout».
Le ministre a martelé que la question de la revalorisation salariale des magistrats est une préoccupation, mais que le gouvernement a également à gérer les soucis de 18 millions de Burkinabè. C’est pourquoi René Bagoro a déclaré que l’Exécutif a «besoin du temps pour évaluer les finances du pays et voir ce qui est faisable. On ne rejette pas les revalorisations, mais en l’état actuel on ne peut pas prendre des décisions sans connaître l’état réel de nos finances sinon on va prendre des décisions qu’on ne pourra pas appliquer sur le terrain». De plus, on vient de sortir d’un attentat, ce qui fait que le gros des moyens du pays est alloué aux mesures sécuritaires, a déclaré le ministre qui, citant les Grecs, a soutenu qu’ «il faut être en vie d’abord avant de philosopher ensuite».
A entendre le ministre, aucun accord définitif n’a été trouvé entre le gouvernement et les syndicats de magistrats. Il reconnaît qu’un travail technique avait été fait, mais qu’il ne constitue pas un accord. «Sous la Transition, il n’y a pas eu d’accord sur la question indemnitaire», a déclaré René Bagoro qui a révélé que «les mesures prises sous la Transition n’ont pas été budgétisées».
Le ministère a procédé à des réquisitions pour qu’un service minimum soit assuré dans les cours et tribunaux et cela dans le respect de la loi. C’est ainsi que les présidents et les procureurs ont été réquisitionnés. Cette mesure s’est étendue à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso au substitut du procureur et au un vice-président des juridictions en plus du doyen des juges d’instruction.
Au niveau de la chancellerie, les directeurs généraux et les directeurs ont été également réquisitionnés. Ainsi, un service minimum sera observé et devra permettre «la délivrance des certificats de nationalité et des casiers judiciaires mais aussi la réception des dossiers et le dépôt de plaintes».
Ne pas obtempérer à une réquisition expose l’auteur à une sanction qui peut aller au blâme voire à la radiation selon les dispositions de la loi. Quant aux grévistes non réquisitionnés, la loi leur sera appliquée, à savoir la retenue sur le salaire des jours non travaillés.
Le ministre René Bagoro a réaffirmé la volonté et la disposition du gouvernement au dialogue pour trouver une solution rapide. Avant d’aller en conseil des ministres, il a estimé que «ce n’est pas la grève qui pose problème mais c’est son opportunité. La grève est l’ultime arme or nous pensons qu’il y a encore de la place pour négocier».
Les syndicats avaient déposé un préavis avant l’installation même du gouvernement. Mais à cause des attentats du 15 janvier, ils ont levé leur préavis de grève. Une décision que le ministre a salué. Mais voilà, «aujourd’hui, les magistrats disent que le deuil est passé et ils ont remis leur préavis au goût du jour», a déclaré René Bagoro.
Au Burkina, le droit de grève est consacré par l’article 22 de la Constitution qui précise qu’il doit s’exercer selon la loi en vigueur. Celle en vigueur est la loi 45/60 du 25 juillet 1960 portant réglementation général du droit de grève des fonctionnaires et des agents publics de l’Etat (ndlr : franchement on devrait dire en Haute-Volta). Cette loi exclut d’ailleurs les magistrats du droit de grève. Mais comme c’est elle qu’ils ont pris comme base pour aller en grève, alors c’est en vertu de cette loi qui prévoit des réquisitions que le ministère de la Justice a procédé à la réquisition d’une catégorie du personnel de la magistrature. «Si vous appliquez un texte en ce qu’il vous favorise, vous ne pouvez pas refuser qu’on l’applique en ce il vous défavorise», a conclu le ministre René Bagoro comme pour couper court aux déclarations faisant état de l’illégalité des réquisitions dont certains magistrats font l’objet pour toute la durée de cette grève.
San Evariste Barro