Le département de gynécologie obstétrique du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHUYO), organise à la faveur du 8-Mars, journée internationale de la femme, une grande campagne de chirurgie réparatrice et intime en faveur de l’autre moitié du ciel. Lancée ce mardi 23 février 2016, elle prendra fin le samedi 5 mars prochain. Les femmes, qui n’hésiteront pas à s’y rendre, pourront avoir plusieurs prestations de la part des spécialistes tels le Pr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien à la maternité de l’hôpital Yalgado.
Dans l’un des couloirs de la maternité de l’hôpital menant au bureau de l’anesthésiste, une dizaine de femmes patientent avant d’être reçues par le maître des lieux. Mais avant d’en arriver là, il faut bien passer par la phase inscription et consultation auprès des médecins participants à la campagne.
L’une d’elle, qui a requis l’anonymat, accepte de nous livrer les raisons de sa venue: « Moi, je suis là pour la réparation de mon clitoris due à l’excision. On a fait la première consultation qui nous a situé sur le degré d’excision et après on nous a donné des examens à faire. Suites aux examens, on a vu l’anesthésiste qui a programmé le jour de l’intervention. Pour moi c’est aujourd’hui (mardi 23 février 2016, Ndlr). Naturellement je ne conçois pas l’excision. Je me dis que le clitoris est un organe naturel, raison pour laquelle on est né avec. Si on l’a naturellement, cela veut dire qu’il est utile. Aussi au fil du temps, on se rend compte que son absence joue sur l’épanouissement sexuel».
Comme cette patiente, plusieurs femmes n’hésiteront pas à fouler les pieds dans la section maternité de l’hôpital pour en savoir plus. A en croire le Pr Charlemagne Ouédraogo, l’un des responsables de cette campagne de chirurgie intime, cette activité vise à redonner goût à la vie aux femmes qui l’avaient perdu.
Et « cette nouvelle vie » est possible grâce à la reconstruction des clitoris de celles excisées, la réparation des séquelles de l’excision, la réfection des périnées pour améliorer le confort sexuel, l’injection au point G pour améliorer l’orgasme féminin, le traitement des incontinences urinaires d’effort et des conseils en sexualité.
« C’est notre manière à nous de participer à la lutte contre les mutilations génitales féminines qui constituent un crime, une agression et une violation grave aux droits humains en particulier ceux de la femme. Nous le faisons aussi pour rendre simplement hommage à la femme à l’occasion du 8-Mars », a expliqué le Pr Ouédraogo.
Pour l’heure, plus de 100 femmes sont déjà inscrites afin de bénéficier des services des médecins engagés dans cette campagne. Compte-tenu de leur nombre et du temps réduit, l’équipe de l’hôpital Yalgado est appuyé par une équipe du CHU d’Angers, en France, et ce dans le cadre d’un partenariat.
« Pendant les deux semaines de la campagne, nous avons bloqué deux salles opératoires rien que pour la chirurgie intime, laissant la seule salle restante pour les urgences et les césariennes. Ce qui nous permet d’aller à un rythme de 8 interventions par jour. Alors qu’en période normal, il est de 4 par semaine », a-t-il précisé.
Notre patiente anonyme, qui dit accorder une confiance totale aux spécialistes, ne semblait pas inquiète de passer au bloc. « Tant qu’il y a la possibilité de réparer ce qui a été gâté, il ne faut jamais hésiter. Surtout qu’avec les informations qu’on a eu, c’est sans risque. On nous a juste dit que c’est le manque d’entretien qui peut seulement occasionner des infections. Par ailleurs, on a eu à approcher quelques-unes qui avaient déjà fait cette opération. Ces dernières nous ont dit qu’en dehors de quelques douleurs, ça passe et qu’il y a aucun souci »
Pas de souci également coté financier car les actes de cette campagne sont au tarif de l’hôpital. De la consultation (2000 FCFA) à l’intervention proprement dite ( environ 10 000 FCFA), en passant par le bilan préopératoire minimum qui permet de contrôler l’état de votre santé, les tarifs sont subventionnés, même en période normale par le ministère de la Santé.
La présente campagne est destinée à toutes les femmes en activité génitale, qui vivent leur sexualité et qui n’ont pas peur des tabous comme notre interlocutrice du jour. « C’est vrai que la sexualité en général, c’est un tabou. Mais le sexe, c’est notre corps à nous, et on l’utilise comme on utilise l’œil. Il ne faut donc pas avoir honte de réparer ce qui est gâté. Si c’est l’œil qui ne voit pas bien, on va chez l’ophtalmologue, donc si on veut aussi avoir une vie sexuelle normale, on peut aller chez le gynécologue. Pour moi, c’est une question de santé et tous les organes de mon corps méritent bien que je les soigne », nous confie cette jeune dame, l’air convaincue.
Quant au Pr Charlemagne Ouédraogo, il a invité toutes les femmes à sortir du tabou de la sexualité pour en parler aux médecins, car c’est ensemble qu’ils trouveront la solution au problème, que cela soit par des conseils ou par intervention chirurgicale.
Notons que c’est en 2006 qu’a démarré cette campagne de chirurgie intime avec la possibilité de reconstruction du clitoris.
Dimitri Kaboré