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Tenkodogo : des funérailles dignes d’un roi
Publié le mardi 23 fevrier 2016  |  L`Observateur Paalga




A peine rentré de Marrakech où s’est joué le tour préliminaire de la coupe CAF (Cf. notre édition du mardi 16 février 2016) me voilà pour trois jours à Tenkodogo, dans le Centre-Est, où devait se dérouler ce week-end les obsèques de Sa Majesté Naaba Saaga, Dima de Zungran-tenga. La ville, comme on s’y attendait, a pris un air de grandes retrouvailles car on est venu de tous les bans et arrière-bans de la région, pour rendre un dernier hommage au défunt roi. Le palais royal a été l’épicentre de toutes sortes de manifestations. L’après-midi du 19 février 2016 a connu le rituel tour du marché avec l’héritier présomptif qui, tenez-vous bien, n’a que trois ans. Cette partie a soulevé beaucoup d’enthousiasme. Mais…


Lors des fêtes de fin d’année 2015, j’avais fait un bref séjour à Tenkodogo. Avant mon départ, j’en avais profité pour rendre visite à Naaba Saaga le 2 janvier 2016. Le vendredi 19 février, soit un mois dix-sept jours, me voilà à nouveau dans cette ville. Mais, cette fois, pour ses obsèques ! Le Dima de Zungran-tenga, on le sait déjà, a rejoint ses ancêtres le 29 janvier 2016. C’est à Bangkok, en Thaïlande, où il s’était rendu accompagné d’un de ses frères pour des soins, que le destin en a décidé autrement.

Le 7 février dernier, la dépouille royale a été rapatriée et l’inhumation a eu lieu dans la plus grande intimité coutumière tard dans la nuit de dimanche à lundi 8 février vers 2 heures du matin (Cf. l’Observateur paalga du mardi 9 février 2016).

Je suis donc reparti pour les honneurs suprêmes, lesquels ont commencé le jeudi 18 février la veille de mon arrivée. C’est aux environs de 5 heures du matin que je suis parti de Ouagadougou et vers 8 h, j’étais à Tenkodogo. J’aurais pu parcourir la distance (185km) en deux heures, mais ce n’était pas possible avec la réfection du tronçon Koupéla-Tenko (45 km).

Outre cet état de fait, j’étais aussi confronté à d’autres difficultés : déviations à n’en plus finir, nombreux ralentisseurs ou « gendarmes couchés » dont certains, à dire vrai, sont ’’debout’’ et rébellion de quelques villageois qui ont érigé des barricades sur des pistes parce qu’ils cohabitent avec la poussière. Mais peu importe, je suis arrivé à bon port et pour moi, c’est ça l’essentiel. Je n’ai pas fait un tour chez moi pour déposer quelques affaires. Je me dirige directement vers la cour royale.


Le préfet de Kpendjal


A la rue 3.5, je cherche une place pour me garer. Quand je sors de la voiture, une foule grouillante aux abords du palais. Des vélos et des motos sont rangés en un seul endroit et à proximité, un espace a été aménagé pour les véhicules. Des policiers sont dans les parages et observent tout ce qui se passe. A l’entrée du palais, qui est sans portail, cinq ou six hommes font office de vigiles et portent chacun une écharpe pour se différencier des autres. C’est dans un désordre bruyant qu’on se bouscule pour être à l’intérieur. Je pénètre dans la cour sans difficulté après m’être présenté ; et puis certains me connaissent. Je trouve sur place des confères, lesquels ont l’air affairé.

Il me semble que j’arrive à point nommé. Des personnalités sont arrivées quelques instants avant moi et elles ont pris place. En face d’elles, des membres de la famille dont la plupart sont les oncles du défunt roi. On prête une oreille attentive au porte-parole de l’étranger. Je m’informe et j’apprends que c’est une délégation venue de la Région des Savanes (Kpendjal, Taodjoaré et Cinkansé). Peu de temps après, celui qui parlait est conduit vers une petite table sur laquelle est posé un cahier de condoléances. On prend soin de reculer une chaise et en moins de trois minutes, il rédige quelques mots. Je regarde subrepticement le cahier en question et je vois qu’il a signé : commandant Youa Yacoubou, préfet de Kpendjal. Avant de se retirer, lui et sa suite suivent des notables qui les accompagnent vers la tombe de Naaba Saaga. La presse se met en mouvement, mais elle se voit intimer un ordre : elle doit rester sur place pour éviter d’être mise dehors. Un ton on ne peut plus autoritaire.

A 8 h 46, après le départ de la délégation togolaise, l’évêque du diocèse de Tenkodogo, Mgr Prosper Kontiébo, fait son entrée accompagné de deux prêtres. Les hommes d’église échangent une quinzaine de minutes avec la famille et vont à leur tour faire des prières où repose le Dima. Il en sera de même pour le gouverneur du Centre-Est, le colonel Ousmane Traoré, qui a accompagné des illustres visiteurs.


L’envoyé du roi de Gambaga


A un moment, je regarde sur une autre table la photo de Naaba Saaga encadrée de celle de La Vierge et de deux bouquets de fleurs. Chose étonnante, c’était à l’endroit même où il avait l’habitude de s’asseoir avec une vue sur la rue. La photo date sûrement du début de son règne, et on sent en lui un air de majesté. Il y a là des souvenirs d’un temps ancien.

Je promène mon regard sur un nouveau bâtiment à deux niveaux en construction et qui attend des ouvertures et autres matériaux de finition. Non loin de là, on a dressé une tente où sont assis quatre hommes pour ne pas dire des cerbères. Des briques superposées forment une espèce de rempart. C’est par là qu’il faut forcément passer pour aller voir la tombe royale. Vais-je retourner à Ouaga sans satisfaire ma curiosité, me demandais-je ? Je quitte un moment le lieu où la famille reçoit les condoléances pour dégourdir mes jambes.

Tout à coup, j’entends un roulement de tambours et les fusiliers se mettent en action. Les tam-tams résonnent à des rythmes réguliers et devant la porte, le cortège d’un haut personnage. C’est le représentant du roi de Gambaga, Abdul Rahamani Kpati, qui avait à ses côtés le chef de Bakou et des notables d’autres localités. Habillé en tenue traditionnelle et portant un long bonnet rouge, il esquisse des pas de danse aux sons des tambourins. Une grande effervescence règne au palais. On chante, on danse, on applaudit à tout rompre. C’est extraordinaire ! Le Grand chef a des gestes exubérants. Ceux qui l’accompagnent sont d’un certain âge. C’est sous une tente qu’ils vont s’installer, faisant l’objet de tous les regards.


Les abatteurs


Dans une partie de la cour où je prends du plaisir à me promener, je me retrouve fortuitement à un endroit où les femmes sont les plus nombreuses. Sont-elles là pour consoler l’épouse royale ? Je cherche à vérifier cela quand quelqu’un m’interpelle et me demande de rebrousser chemin. ’’ Votre place n’est pas ici et d’ailleurs, avez-vous l’autorisation du Daporé Naaba’’ ?, me questionne-t-il. Je suis dans la plus complète perplexité et après avoir marqué un temps d’hésitation, je lui réponds que je vais de ce pas voir le Daporé. Celui-ci, que j’ai rencontré plus tard, m’a tout simplement dit : ’’ Mon frère, c’est interdit parce qu’il s’y déroule une cérémonie spéciale. Il y a des rites secrets et c’est mieux de rester de l’autre côté ’’.

Depuis la disparition de Naaba Saaga, en tant que Premier ministre, c’est lui qui assure les affaires courantes. J’ai ouï dire qu’il a toutes les clefs du palais, et il veille à ce que tout se passe bien.

Cela fait plus de trois heures que je suis à l’intérieur du palais et l’affluence ne cesse de grossir. Des gens continuent de venir, qui avec des animaux à deux pattes, qui à quatre pattes. A ce manège s’ajoutent des caisses de boissons de toutes sortes et des centaines de sachets d’eau qu’on décharge. Un peu à l’écart de la foule, des abatteurs sont en pleine activité. Les bêtes égorgées ne se comptent pas et les vautours naturellement s’invitent à la fête.


L’héritier présomptif


Ce vendredi 19 février est traditionnellement jour de marché et les commerces n’ont pas fermé. Chacun vaque à ses occupations en attendant sans doute, le moment propice pour se rendre au palais. Dans l’après-midi, aux alentours de quinze heures, comme le veut la tradition, des hommes, des femmes, des jeunes gens, des jeunes filles et des personnes du troisième âge ont fait trois fois le tour du marché comme la veille au palais.

Le centre d’intérêt, c’est le fils du défunt roi vêtu d’une petite tunique de guerrier et porté sur les épaules d’un archer qu’encadraient des gardes du corps. Une interdiction formelle a été faite au départ de faire des photos et un comité veillait au grain. A chaque tour, des cris fusaient. On imagine que toute cette scène amuse l’héritier présomptif, lequel n’a que trois ans seulement. On le voit, ce n’est pas une intronisation et il fallait respecter à la lettre les us et coutumes. Tout bien considéré, il n’est donc pas de plein droit le successeur de Naaba Saaga. Selon des sources concordantes, c’est à l’issue des obsèques qui ont pris fin hier dimanche 21 février 2016 que se fera l’intronisation du nouveau roi. Le choix de la personne pour accéder au trône, sera fait par la famille et non par les ministres du roi, de même que les proches parents ou les oncles. Contrairement à ce qu’on dit, la succession ne se fait pas automatiquement de père en fils et la famille choisit celui qui est sage, patient et tolérant pour gouverner. La succession de Naaba Saaga est donc ouverte et d’ores et déjà, deux noms circulent sur toutes les lèvres : Charlemagne Sorgho et Etienne Sorgho. Le premier cité est le frère cadet de Naaba Saaga et le second son demi-frère. Le vendredi 26 février prochain, qui des deux enfants de Naaba Tigré sera le 29e roi de Tenkodogo ? Dans la cité de Zungran-tenga, les supputations vont bon train comme chez les turfistes passionnés.

L’heure est venue pour moi de quitter Tenko pour Ouaga. Je repars en revoyant le lieu où Naaba Saaga repose à jamais : derrière le bâtiment en construction à quelques mètres d’un vieux baobab. Une tombe fraîche sur laquelle est élévé un tertre. A proximité de là, les tombeaux de Naaba Tigré (son père), de Naaba Kiba (son grand-père) et de Naaba Kom (son arrière grand-père). Ils sont réunis jusqu’à la fin des temps !



Justin Daboné
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