A Bamako, les regards sont résolument tournés, optimistes, vers la présidentielle annoncée du 28 juillet 2013. En témoigne l’investiture, ce week-end, d’Aïssata Haïdara Cissé dite «Chato», députée du Bourem, Nord Mali, et seule femme parmi les dirigeants politiques en lice.
A Ouagadougou, les yeux sont rivés, pessimistes, sur Kosyam, le palais présidentiel, où se jouent les négociations intermaliennes. En témoignent les nouvelles exigences du pouvoir malien.
De ce qui sortira ici dépend ce qui se prépare là-bas.
Est-ce que le Mali va se réveiller ce matin avec enfin un accord entre le pouvoir et la coalition des groupes armés ouvrant ainsi la voie vers une élection sur l’ensemble de son territoire ?
Au moment où nous mettions sous presse la présente édition, aucune fumée blanche ne s'était élevée de Kosyam. Preuve, s'il en est, que le modus vivendi entre les protagonistes ressemble à un véritable mirage : plus on s’en rapproche, plus il s’éloigne.
Depuis près d’une semaine de cela que l’on attend la signature de cet accord ouvrant la voie à la tenue de la présidentielle sur toute l’étendue du territoire malien. Donc y compris sur Kidal, occupé par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). C’est que le projet d’accord, proposé par la médiation burkinabè et accepté par les groupes armés, est rejeté par Bamako. Le séjour mercredi dernier du ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibrill Bassolet et de représentants de la Communauté internationale n’y changera rien.
«Nous voulons une paix, mais une paix qui défende les intérêts du Mali», a martelé Tiébilé Dramé, chef de la délégation du pouvoir, jeudi à Ouagadougou. Son retour dans la capitale burkinabè avec, pour la première fois, des officiers militaires préfigure-t-il une fumée blanche au-dessus de Kosyam, le palais présidentiel ? Rien n’est sûr même si l’émissaire de Bamako le laisse entrevoir : «C’est pour participer à la définition des modalités concrètes du déploiement de l’armée malienne à Kidal en cas de conclusion d’un accord».
Mais sur quoi donc peuvent bien achopper ces pourparlers directs qui n’en finissent pas d’aller de rebondissements en rebondissements ?
Selon de sources proches de la médiation, le blocage tient de la position du pouvoir malien sur le calendrier du cantonnement et du désarmement des combattants touaregs, et de son refus de la suspension des poursuites judiciaires engagées contre les chefs rebelles. En outre, Bamako rejette toute mention du terme «Azawad» dans le texte.
Si sur ces points, le gouvernement intérimaire estime que les propositions faites par le médiateur ne prennent pas en compte «les intérêts du Mali», nul ne doit le contraindre à les accepter. Le pays est certes confronté, depuis 2012, à la plus grave crise de son histoire politique. N’empêche, il reste un Etat souverain, donc libre de ne pas entériner les traités qu’il juge contraires à ses choix politiques ou économiques.
Mais n’en déplaise aux internautes de malijet.com, qui nous ont traités de tous les noms d’oiseau pour notre article «Bamako aurait tort de trop tirer la corde» (1), un accord, même à minima, vaut mieux qu’une confrontation militaire à l’issue incertaine. L’armée malienne a beau être regonflée à bloc, rien n’indique que sans le soutien de la communauté internationale, elle pourra venir à bout des groupes armés touaregs qui l’avaient humiliée et repoussée jusque dans ses derniers retranchements au Sud. Mais nous n’en sommes pas encore là. Et notre appel à une solution politique de cette crise, contrairement à ce que pensent les visiteurs du site malijet.com, ne vise aucunement à donner un soupçon de «légitimité au MNLA». Bien au contraire. Nous avons été et nous sommes toujours de ceux qui ont critiqué l’irrédentisme de mauvais aloi des «Azawadien», rejeté ses revendications territorialistes et dénoncé la bienveillance suspecte de la France à l’égard de «ces hommes bleus». Nous en sommes venus à appeler la Communauté internationale à faire plus de fermeté face au «MNLA qui nous roule dans les sables mouvants». Un article qui a été largement repris par la presse malienne et la teneur partagée par bien de Bamakois.
«Un accord est une rencontre entre deux arrière-pensées», a écrit avec pertinence notre confrère «Jeune Afrique» dans sa dernière livraison. Pour dire qu’autour de toute table de négociation exhalent une atmosphère de méfiance et de petits calculs visant à tirer les marrons du feu. Mais il est des moments où il faut savoir transcender les falbalas, sans pour autant faire dans la compromission, pour obtenir l’essentiel. Car pour s’élever, il faut faire un effort et pour se rabaisser, il suffit de se laisser aller. C’est cette grille de lecture que nous avons voulu partager avec nos frères maliens, mais qui malheureusement nous a valu des procès en tous genres.
Mais passons pour terminer en disant que les négociations de Ouagadougou doivent être perçues comme une étape de l'éprouvante quête d'une solution définitive à cette crise. Elles visent à permettre la tenue du scrutin présidentiel crédible sur toute l’étendue du territoire malien. Après quoi le prochain pouvoir légitime devra examiner, dans le cadre d’un dialogue inclusif, l’éternelle question des populations du Nord qui s’estiment à tort ou à raison être les oubliées de Bamako.