Il fallait vraiment être lui pour penser sincèrement que l’on pourrait réformer ce « machin ; lui qu’on a souvent présenté comme un «travailleur infatigable et exigeant» doté d’une volonté d’acier.
Une volonté d’acier qui n’aura hélas pas eu raison des réticences américaines quand il fut le premier Africain à occuper, entre 1992 et 1996, le poste de Secrétaire général des Nations unies.
Il voulait changer l’organisation, créée, on le sait, en 1945 sur les ruines de la seconde guerre mondiale, pour l’adapter aux réalités et aux exigences du monde contemporain, son monde. Il avait ainsi entrepris de ramer à contre-courant de l’évangile officiel de Washington selon lequel le Secrétaire général ne devait être qu’un modeste garçon de course arpentant la planète pour prêcher la paix, éteindre çà et là quelques foyers de tension et dispenser des programmes de développement où besoin était. Plus secrétaire que général, selon le méchant mot de la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Allbright qui aurait préféré un simple VRP à ce révolutionnaire venu bousculer la confortable inertie des puissants.
Pas étonnant donc que celui qui était devenu le poil à gratter de l’administration Clinton n’ait pas eu droit, comme il est souvent de coutume, à un second mandat. Il sera remplacé par le Ghanéen Kofi Annan.
Ses illusions, Boutros-Boutros Ghali les a définitivement perdues. Il s’est en effet éteint hier 16 février 2016 à 93 ans après une vie, on devrait dire des vies bien remplies ; car comme le chat, il semble en avoir eu neuf.
Secrétaire général de l’ONU bien sûr, puis de l’organisation internationale de la Francophonie, enseignant, journaliste, président du Conseil égyptien des droits de l’homme sous Moubarak, s’il vous plaît ! Mais c’est surtout en tant que ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères de 1977 à 1990 que ce copte se révèlera au monde. Et à ce titre il aura été l’un des artisans du rapprochement israélo- égyptien, notamment avec le voyage historique s’il en fut, de Sadate à Jérusalem le 19 novembre 1977, puis deux ans plus tard du traité de paix de Camp David signé entre les deux Etats le 26 mars 1979.
C’est finalement l’immense bâtisse de verre et d’acier de Manhattan qui lui aura servi de prison dorée ; une véritable gangue de sa volonté et de son idéalisme qui se seront altérés au contact de la réalité onusienne et des égoïsmes nationaux. Et pour son malheur, l’ONU n’a pas toujours été, contrairement à ce qu’il le souhaitait «au service des damnés de la terre».
H. Marie Ouédraogo