Le site d’orpaillage artisanal de Tindangou dans la commune de Pama, ouvert seulement il y a 2 semaines, suscite déjà des inquiétudes sur le plan environnemental et social, avec l’arrivée par milliers de personnes, à la recherche du métal jaune. Situé seulement à 3 km de la forêt classée qui regorge la plus grande population de buffles en Afrique de l’Ouest, la ruée vers l’or ne sera pas sans conséquence pour cette réserve faunique.
Plusieurs milliers de personnes ont envahi le site d’or de Tindangou, localité situé à seulement 7 km de la ville de Pama. Le site s’étend déjà à plus d’un km avec une population qui s’accroît à une vitesse exponentielle. Pour ce jeune orpailleur, il ne faut pas s’attendre à ce que le rythme des arrivées diminue. « Dans le domaine de l’or, l’information passe de bouche à oreille. La nouvelle de la découverte de l’or s’est répandue comme une traînée de poudre. Sachez que ces gens ne vont pas repartir tout de suite car ils ont les informations selon lesquelles des gens gagnent », confie un orpailleur venu tenter sa chance.
Cette migration massive des populations depuis l’ouverture de la mine inquiète. En plus des orpailleurs venus des autres localités à la recherche du métal jaune, les populations riveraines ont complètement déserté leurs villages pour la course à l’or. Les femmes et les jeunes, ont cessé toute activité et ont rallié les trous pour se faire une richesse. Les premières estimations des responsables de SAVOR SA, « titulaire du permis de recherche », parlent de plus de 3 000 personnes sur le site avant de préciser que l’afflux va continuer. « Comme des gens gagnent l’or, il faut savoir que nous allons toujours enregistrer des arrivées massives », laisse entendre le responsable de SAVOR SA, Issa Sankara. Les faits lui donnent raison. Les camions et les autres mini cars continuent sans cessent de convoyer des dizaines de personnes à tous les instants. « Parler de contenir la population est un rêve. Les gens viennent chercher à manger à cause de la pauvreté. Le nombre de personnes et la taille du site sera fonction des gains. C’est vraiment risquer de dire qu’on peut arrêter la population de venir et de prévoir les limites du site », renchérit un autre orpailleur. Les sites d’orpaillage artisanaux des localités voisines se sont vite vidés de leurs occupants au profit de celui de Tindangou. Une poussée humaine qui va impacter négativement sur la faune et la flore, si rien n’est fait.
La réserve faunique de Pama menacée
L’arrivée massive des orpailleurs à seulement trois kilomètres de la plus grande réserve forestière et faunique du Burkina Faso, trouble le sommeil des acteurs de l’environnement. Ils estiment que cette activité de l’orpaillage avec ses conséquences va exterminer les populations de buffles et les éléphants qui sont à quelques encablures du site d’or. Si le directeur provincial de l’environnement, Bernard Bingo se veut rassurant, l’inquiétude est palpable chez les concessionnaires de chasse qui voit mal les animaux sauvages et des orpailleurs en bons voisins. Déjà, les éléphants naguère visibles au bord des voies ont disparu des radars. « Dès que nous avons été informés de l’arrivée massive des populations pour l’exploitation anarchique de l’or, nous avons mis sur place une équipe pour lutter contre la coupe abusive et protéger les ressources fauniques qui sont situées à 3 km du site d’orpaillage. Du coup, tous les éléments sont mobilisés. Ils passent 24h sur 24h dans la brousse. Ils dorment ici pour que des gens ne pénètrent pas dans la réserve », ajoute M. Bingo. Dans un optimisme qui cache une grande inquiétude, M. Bingo souligne que le directeur régional a dû dépêcher une dizaine de forestiers du chef-lieu de la région, Fada-Ngourma, pour soutenir l’équipe de Pama en vue de sauver le dernier bastion de la faune et de la flore dans l’oriental burkinabè. « Si la situation devient intenable, la hiérarchie envisage de faire appel à l’armée nationale afin de sauver cette réserve qui constitue le poumon du Burkina voire de l’Afrique de l’Ouest. Là aussi, il faut des moyens», confie une source proche des autorités sur place. Du côté des concessionnaires, l’heure est grave et le gouvernement doit mettre tout en œuvre pour ne pas vendanger ce patrimoine menacé de disparition sur l’autel du métal jaune. « Nous avons été surpris de la marée humaine que nous avons trouvée. Nous tentons avec l’administration de circonscrire les lieux pour les contenir dans leur site. Mais nous sommes inquiets…», signifie le concessionnaire Benjamin Basono. Pour lui, le patrimoine est sérieusement menacé. En moins de deux jours, ils ont appréhendé plus d’une dizaine de personnes dans la réserve interdite pour la coupe de bois. « C’est une situation assez critique et il faut tout faire pour sauver le seul bloc de faune qui reste en Afrique de l’Ouest », soutient M. Bassono. Pour lui, il faut purement et simplement fermer ce site. « Cette installation des activités des orpailleurs est une très grosse menace pour la faune ouest africaine. La survie des animaux sauvages est menacée. Nous sommes très inquiets », poursuit-il.
L’utilisation du cyanure n’est pas exclue
La grande inquiétude des défenseurs de la faune reste sans doute l’usage imminent du cyanure et du mercure qui pourrait intoxiquer les rares points d’eau fréquentés par les animaux sauvages. A cela, la probable souillure de la nappe d’eau souterraine qui va décimer les troupeaux de buffles et autres animaux sauvages qui peuplent la réserve de Pama jusqu’à la zone présidentielle de tourisme cynégétique. Une inquiétude bien réelle quand les orpailleurs eux-mêmes n’excluent pas l’usage du cyanure. Pour cet orpailleur venu de Pouytenga, Emile Yaméogo, le cyanure n’est pas encore à l’ordre du jour sur le site. Mais, à son avis, cela ne saurait tarder lorsqu’il y aura les rejets de terre issus des premiers lavages des roches. « Vous savez, le cyanure il y en aura mais ce n’est pas pour les petits orpailleurs comme nous. C’est la chasse gardée des grands patrons. Personne ne peut donner l’assurance qu’il n’y aura pas l’utilisation du cyanure ici et je vous le dis. On attend que les moulins écrasent suffisamment les rejets. Et puis il n’y a pas d’inquiétude puisqu’on prend des disposition avec le ciment pour ne pas contaminer la zone……(…) », explique l’orpailleur. Les responsables de SAVOR et la direction provinciale jurent la main sur le cœur qu’ils feront tout pour que ces substances nocives pour l’environnement ne soient utilisées en ces lieux. Mais que peuvent bien faire une dizaine de forestiers aux moyens très limités, face à plusieurs milliers de personnes prêtes à tout pour avoir l’or ?
Moussa Congo