Vendredi 12 février 2016, l’ambassadeur de France au Burkina Faso, Gilles Thibault, a solennellement remis à Maître Titinga Frédéric Pacéré les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur. De nombreuses personnalités et amis étaient présents à la résidence du diplomate, pour voir l’un des plus célèbres juristes, hommes de lettres et poètes burkinabè accéder, pour l’ensemble de son œuvre, au premier échelon de la plus haute distinction de la République française.
A l’entrée de l’atrium à la lumière tamisée, le maître des lieux et l’invité d’honneur accueillent un à un leurs prestigieux convives. C’est ainsi que défilent, à l’image de la transversalité de l’homme ce soir-là décoré, des personnalités aussi diverses que le ministre des Affaires étrangères, Alpha Barry, son homologue de la Culture, Tahirou Barry, le vice-président de l’Assemblée nationale, Maître Bénéwendé Sankara, le Poé naaba, le président du Conseil constitutionnel, Kassoum Kambou, le chef d’état-major général des armées, le général de brigade Pingrénoma Zagré, l’ancien archevêque de Ouagadougou, Monseigneur Jean-Marie Compaoré, ou encore l’universitaire et politologue français Edmond Jouve, ancien Secrétaire général de l’Association des écrivains de langue française (ADELF) - dont Maître Pacéré est le premier Africain à avoir reçu la médaille d’honneur.
Après les traditionnelles salutations, l’ambassadeur déclare la cérémonie officiellement ouverte. « Recevoir la Légion d’honneur signifie être distingué par la France pour des mérites éminents, et rejoindre ainsi une cohorte d’hommes et de femmes qui partagent au plus haut degré des valeurs civiques et éthiques, qu’ils soient civils ou militaires », débute le représentant de l’Etat français, son insigne d’officier lui-même accroché à sa veste de costume grise.
Un omnivore décoré
Le diplomate décline ensuite le curriculum vitae du monstre sacré des sciences juridiques, historiques et littéraires burkinabè. Né en 1943, Titinga Frédéric Pacéré obtient 30 ans plus tard le Certificat d’aptitude à la profession d’avocat de l’université de Rennes, devenant ainsi le premier avocat voltaïque. Il occupe la fonction de bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina jusqu’en 1992, avant de devenir l’avocat principal de la défense auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (1998-2015). Entre-temps, il fonde à Manéga (Oubritenga) l’un des plus grands musées privés d’Afrique, prononce plus de cinq cents conférences et allocutions et écrit une quarantaine d’ouvrages, aussi bien des livres de sociologie que des recueils de poésie et des essais sur l’histoire africaine, inventant au passage les concepts de bendrologie (langage des tam-tams) et de wangologie (langage des masques).
« Monsieur Titinga Frédéric Pacéré, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur », conclut Gilles Thibault en épinglant la précieuse breloque sur le boubou noir et rouge du prince héritier de la Cour de Manéga. Au rythme des tambours des deux griots qui l’accompagnent, le nouveau Chevalier se lance alors dans un discours d’une vingtaine de minutes, articulé autour des célèbres phrases ampoulées dont il a le secret.
« Excellence Monsieur l’ambassadeur, s’il est un Burkinabè, je dirais même s’il est un Africain francophone, je dirais même s’il est une personnalité de par le monde, à savoir ce qu’est une décoration, à savoir ce qu’est la Légion d’honneur, pour frémir devant sa grandeur et ce qui l’attend comme honneur, certes, mais comme devoir le restant de sa vie, c’est bien ce récipiendaire du jour, Maître Pacéré », déclare-t-il, « ému de recevoir la plus haute distinction honorifique française ». Avant de clore en promettant d’en faire bon usage : « Je ferais en sorte que ma vie et mes actions soient, et restent, pour la France et mon pays le Burkina Faso, la gloire, l’honneur, la grandeur, à être des flambeaux, des guides et locomotives des nations et des hommes.»
Thibault Bluy