Comme une toile d’araignée, les Koglwéogo étendent leurs mailles dans les villes et campagnes de la Région du Centre-Ouest. Après le Ziro et la Sissili, totalement couvertes, c’est autour de la province du Boulkiemdé de recevoir des cellules de cette organisation. Nous avions été à l’étape de Godé, village de Sabou à 105 km de Ouagadougou.
Espace public, quartier du chef coutumier de Godé. Hommes, femmes, jeunes. Tous sont sortis massivement. Personne ne voulait se faire raconter l’événement. ‘’A partir d’aujourd’hui, les jours des voleurs et des brigands sont comptés dans notre village. Ou ils travaillent pour manger comme tout le monde, ou…’’, exulte un homme d’âge assez avancé ; terminant sa phrase par un geste sans ambigüité de l’index sur la gorge. Peu avant 10 heures, arrivée des responsables de l’Association Koglwéogo de la région dont Amado Diarra, chef des Koglwéogo du Ziro. C’est lui qui est chargé d’en mettre en place les cellules dans les différentes localités du Boulkiemdé. Présent à la cérémonie un représentant du chef de Sabou, dont relève Godé. Amado Diarra informe, d’entrée, que leur implication dans le Koglwéogo s’explique par leur aversion pour le vol. ‘’Là où il existe un Koglwéogo, aucune poule ne disparaît. Aucun portable n’est volé. Si vous oubliez votre vélo quelque part, vous viendrez le retrouver, ou quelqu’un vous le ramènera. Le vol et les voleurs détruisent nos sociétés et compromettent le développement’’, justifie Amado Diarra. Il poursuit en disant : ‘’Nous lançons le combat à Godé contre les voleurs, les braqueurs et les coupeurs de route. C’est un combat sans merci. C’est nous ou c’est eux. Inch’Allah, nous les vaincrons’’.
Si l’enfant s’écarte du droit chemin, il faut l’y ramener
Il est interrompu par un tonnerre d’applaudissements. A en croire Amado Diarra, il n’y aura pas de privilège ni de distinction. ‘’Si l’enfant de l’imam, ou celui du pasteur, ou celui du chef, ou le mien volent, ça sera le même châtiment. Les mêmes peines leur seront appliquées’’, prévient-t-il (voir encadré). Très en verve, le patron du Koglwéogo du Ziro souligne : ‘’Nous connaissons les droits de l’homme. Mais notre souci, c’est notre sécurité et notre survie. Car eux (les voleurs, NDLR) ne connaissent pas de droit de l’homme. Nos enfants sont nos enfants. Si un s’écarte du droit chemin, il faut l’y ramener’’. Nous lui demandons si c’est en le frappant qu’ils vont l’y ramener. ‘’Oui. De gré ou de force. Nous les bastonnons jusqu’à ce qu’ils disent la vérité. Nous sommes fatigués de l’insécurité qui nous empêche de respirer’’, répond un autre membre du Koglwéogo. A sa suite, certains villageois se sont succédé pour porter des témoignages sur les préjudices causés par les délinquants dans leur village. Certains ont béni les responsables de cette organisation et les ont remerciés d’avoir songé à en mettre une cellule à Godé. Cependant nombre d’entre eux avouent que chacun est responsable du développement de la délinquance et de la criminalité. ‘’Nous avons failli dans l’éducation de nos enfants’’, soupire un vieux.
70 voleurs et trois éléments de l’ex-RSP arrêtés en 14 mois
Selon Amado Diarra, l’existence des Kogl Wéoogo ne date pas de maintenant. Cette organisation a vu le jour quand, sur instigation d’un villageois de Rassam-Kandé, dans le département de Kombissiri, qui venait de perdre un bœuf, les villageois se sont mis ensemble pour retrouver l’animal après avoir réprimé sévèrement le présumé coupable qui a fini par passer aux aveux et à livrer la bête. Depuis, les villageois ont pris l’habitude de se regrouper pour retrouver les auteurs des vols et veiller sur leur société ; d’où le nom Koglwéogo (protéger le Wéoogo qui indique le village ou la localité). Après 14 mois de mise en place des cellules de cette association dans le Ziro et la Sissili, Amado Diarra affirme qu’ils ont déjà mis la main sur 70 voleurs dont certains sont des fils de la localité. A leur actif, la capture de trois éléments de l’ex-RSP qu’ils auraient livrés au commissariat de Sapouy. Il a confié que les Kogl Wéoogo sont en contact téléphonique entre eux si bien qu’un bien perdu est vite localisé. Il a dit que les fouilles leur permettent de mettre au jour d’autres délits. Comme ce fut le cas avec ce voleur de bœufs chez qui ils ont découvert le crane d’une femme, confirmant, par ses dires, les soupçons qui pesaient sur lui sur l’assassinat d’une femme. ‘’Le fautif a même avoué avoir tué 7 autres personnes’’, précise M. Diarra.
Cyrille Zoma