Les Centrafricains ont été appelés, hier 14 février, aux urnes pour départager les deux finalistes de l’élection présidentielle, Anicet Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadéra. Ils devront également revoter pour le premier tour des législatives qui, on se rappelle, avaient été annulées en raison des nombreuses fraudes et irrégularités qui avaient entaché le scrutin. Après trois années d’une Transition politique balbutiante pendant lesquelles les populations ont été livrées à la loi du gourdin et de la machette édictée par les anti-balaka et la Séléka, tous les Centrafricains épris de paix et de démocratie fondent beaucoup d’espoir dans le second tour de la présidentielle et dans la reprise du premier tour des législatives. Le challenge est donc grand. Et bien des Centrafricains semblent en être conscients. A commencer par la présidente de la Transition, Catherine Samba-Panza.
On peut dire que les choses vont dans la bonne direction
Dans un discours à la nation, en effet, celle-ci a appelé tous ses compatriotes à la responsabilité, les suppliant de se rendre massivement aux urnes mais surtout «de le faire dans le respect du Code électoral et du Code de bonne conduite». Dans la même veine, Catherine Samba-Panza, en guise de conclusion à son discours, a lancé un avertissement aux uns et aux autres par ses mots qui ne souffrent d’aucune ambiguïté : «Nous ne pouvons plus nous permettre le risque d’une autre annulation, nous
entraînerions de ce fait notre pays dans le chaos». Il n’y a donc pas à pinailler. Car ce scrutin s’apparente à un ultime test soumis à tous les Centrafricains. Et le monde entier les observe. S’ils le réussissent, et c’est tout le mal qu’on leur souhaite, ils apporteront la preuve qu’ils ont encore un minimum d’amour pour leur pays. A contrario, s’ils échouent à ce test, ils porteront pour toujours la responsabilité morale et politique d’avoir assené le coup de grâce au grand grabataire que la RCA n’a jamais cessé d’être depuis son indépendance. Le peuple centrafricain mérite donc enfin un minimum de compassion de la part de tous, en général et en particulier de la part des acteurs politiques. Si l’on s’en tient à la manière civilisée dont la campagne en vue du scrutin d’hier s’est déroulée, l’on peut dire que les choses vont dans la bonne direction. A cela, l’on peut ajouter, en tout cas au moment où nous tracions ces lignes, que le vote d’hier s’est déroulé dans les règles de l’art. Si cette dynamique se poursuit jusqu’à la proclamation des résultats, l’on ne devrait pas hésiter à tresser une couronne de lauriers pour l’ensemble du peuple centrafricain et pour la communauté internationale. Cette dernière, en effet, aura mis un point d’honneur à accompagner contre vents et marrées l’ex-Oubangui Chari à négocier comme il le fallait le tournant le plus dangereux de son histoire, en s’investissant sans compter pour remettre le pays sur ses deux pieds. Et cela, de la part de la communauté internationale, est assez rare pour être apprécié à sa juste valeur. Mais comme il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui lui revient, il faut reconnaître, dans l’hypothèse où les choses ne dégénèreraient pas, que le plus grand mérite revient d’abord aux Centrafricains.
Le deuxième tour de la présidentielle doit relever 3 défis
Car il aurait fallu pour cela, que les recalés du premier tour de la présidentielle, fassent contre mauvaise fortune bon cœur en acceptant de ne pas tirer sur l’ambulance malgré le fait que tout le monde avait reconnu que le scrutin de décembre 2015 dernier avait été entaché de fraudes et d’irrégularités. Certes, l’on peut dire que la pression exercée sur eux par la communauté internationale n’est pas étrangère à cette posture sage, mais il faut avouer que si les perdants avaient voulu mettre le feu à la baraque en brandissant l’iniquité du scrutin et en appelant à une annulation de l’ensemble des résultats du 1er tour de la présidentielle, personne n’aurait crié au scandale et à leur irresponsabilité. En effet, Désiré Kolingba, Martin Ziguélé et tous les autres ajournés du 1er tour de la présidentielle avaient des arguments objectifs pour faire de la reprise totale de la présidentielle la condition sine qua non de leur participation à la poursuite du jeu électoral. Ils sont donc à saluer et avec eux, l’ensemble du peuple centrafricain. Car pour moins que ces irrégularités et ces fraudes, l’on a assisté sous nos tropiques à des interruptions de processus électoraux par la violence. L’on peut associer à cet hommage rendu aux recalés du 1er tour de la présidentielle, l’ensemble du peuple centrafricain. Les uns et les autres semblent s’être rendus à l’évidence que le second tour de la présidentielle représente le dernier rendez-vous de la Centrafrique avec son destin. Et personne n’a intérêt à ce que ce dernier rendez-vous signe la mort du pays. Car, ne dit-on pas, que c’est parce qu’il y a la tête que les yeux peuvent s’offrir le luxe de souffrir de conjonctivite ? Dans le cas d’espèce, la tête, c’est la RCA. Vaille que vaille, tout le monde doit la protéger. C’est pourquoi, le deuxième tour de la présidentielle doit impérativement relever les 3 défis suivants. Le défi de l’organisation, le défi de la transparence et celui de la proclamation des résultats dans les délais légaux. Pour le moment, le défi de l’organisation semble avoir été relevé, puisqu’aucun manquement majeur n’a été constaté. Il reste les défis de la transparence et de la proclamation définitive des résultats dans les délais prescrits par les textes. Si par bonheur, ils venaient à être relevés, nul doute que la RCA prendrait avec fierté sa place dans le concert des nations démocratiques. Et ce sera sa manière de signifier au monde qu’elle a enfin vaincu le signe indien. Ce qui ne sera pas pour déplaire à Barthélémy Boganda qui, du fond de sa tombe, saura que son sacrifice pour une RCA forte et démocratique n’a pas été vain.