Sayana Press a été introduit en janvier 2014 dans les régions pilotes du Centre, de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins et du Centre-Ouest. L’objectif de départ qui était de recruter 18 000 nouvelles utilisatrices d’ici à la fin décembre 2015 a été largement dépassé. Sur le terrain, les bénéficiaires ne cachent pas leur satisfaction vis-à-vis du produit.
«J’ai choisi d’être sous contraception pour éviter de tomber enceinte avant mon mariage et éviter une grossesse précoce ou non désirée. Et comme méthode, j’ai opté pour Sayana Press ». C’est l’astuce de Awa Sanou, une adolescente de 15 ans, habitant le village de Sala, à une trentaine de Km de Bobo-Dioulasso dans les Hauts-Bassins. Teint clair, du haut de son 1m50, elle vient d’entamer une vie sexuelle avec son fiancé. La coutume n’autorisant pas une grossesse hors mariage, Awa, soucieuse de préserver son futur couple et d’avoir une vie sexuelle responsable, la mettant à l’abri d’une quelconque maladie liée à une grossesse précoce, a choisi Sayana Press. Vêtue d’un body blanc-noir, le pagne noué à la hanche, elle a l’air d’une jeune épanouie, sereine et fière. Sa famille et son bien-aimé sont contents de son « bon choix ». Awa Sanou est novice en matière de Planification familiale (PF). Elle dit s’être confiée aux agents de santé du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de son village pour avoir la méthode qui puisse lui convenir. « Lorsque j’ai expliqué à l’agent de santé ce que je voulais, elle a tout de suite exposé les différentes méthodes. Elle a pris chaque méthode et vanté les avantages. En définitive, c’est Sayana Press qui m’a plu », relate-t-elle, sourire aux lèvres. Désormais, la jeune Sanou peut avoir des rapports sexuels sans courir le risque de tomber enceinte et éviter les critiques virulentes dans le village. « Je suis ravie. Avec mon fiancé, tout va bien », s’exclame-t-elle. Contrairement à Awa Sanou, pour qui Sayana Press lui permettra d’éviter une grossesse non désirée, de gâcher son mariage et de mener une vie sexuelle responsable, chez Noëlle Bara, ce n’est pas le cas. Agée de 36 ans, Mme Bara est mère de 5 enfants. Ménagère, elle vit avec son époux, des travaux champêtres, au village de Boussoum, à une vingtaine de Km de Tougan dans la Boucle du Mouhoun. Les bras croisés, elle a du mal à soulever sa tête. Elle lâche difficilement ses mots.
« Il pensait que je voulais limiter ses enfants »
« Mon premier enfant a 17 ans, le deuxième a 14 ans, le troisième, 11 ans, le quatrième, 7 ans et le cinquième, 6 ans », marmonne-t-elle. Elle a eu deux enfants en l’espace de deux ans. « J’ai beaucoup souffert », susurre-t-elle. Une souffrance qu’elle explique par son manque de santé à chaque fois qu’une grossesse intervient et les difficultés à satisfaire son homme au lit. Elle a donc décidé de prendre langue avec un agent de santé qui lui conseilla la planification familiale. Noëlle Bara avoue que le début n’a pas été facile avec son mari. « Au début, il y a eu des discussions entre mon époux et moi. Il pensait que je voulais limiter ses enfants alors que j’ai des problèmes de santé une fois que je tombe enceinte. Avec les grossesses de 2008 et 2009, c’était grave. Je lui ai expliqué qu’en plus du fait que j’ai des problèmes de santé, nous sommes pauvres et ne gagnons pas assez à manger. Dès que je tombe malade, il y a trop de dépenses alors qu’il n’a pas les moyens pour assurer ses dépenses », argue la pauvre dame. Même avec ces éclaircissements, son ‘’baron’’ n’était pas d’accord. Il lui fallut quelques années. Depuis 2014, elle connait les bienfaits de Sayana Press. « J’ai choisi Sayana Press pour sa simplicité et sa discrétion. Depuis lors, j’ai la santé », justifie-t-elle l’air décontracté. Toute sourire, elle ajoute : « Comme je ne tombe plus en grossesse, j’aide mon mari dans ses travaux. Il y a plus d’entente entre nous qu’avant, surtout dans notre vie sexuelle. Puisque si j’ai un enfant dans la main, mon cycle reprend et le moindre rapport sexuel peut entraîner une grossesse ». Sayana Press a été introduit au Burkina Faso en janvier 2014 pour une phase pilote dans quatre régions à fort potentiel de la PF (Boucle du Mouhoun, le Centre, le Centre-Ouest et les Hauts-Bassins). Les initiateurs du projet s’étaient fixé trois objectifs majeurs. Il s’agit de : favoriser le recrutement de nouvelles utilisatrices, motiver la continuation de la contraception et réduire les coûts d’accès aux services de planification familiale. Ces objectifs ont été largement atteints au regard de l’engouement suscité autour du nouveau produit. Selon le bilan à mi-parcours réalisé par la Direction de la santé de la famille (DSF), sur 18 000 nouvelles utilisatrices attendues d’ici la fin décembre 2015, l’on dénombrait 32011 après seulement 12 mois d’offre de service soit un dépassement de la cible du projet de 78%. Ce nombre représente 39% de la cible moyenne annuelle du plan de relance 2013-2015 de la planification familiale. Lequel plan de relance projetait une atteinte de la prévalence contraceptive de 46%, dans le Centre, 25% dans la Boucle du Mouhoun, 42% dans les Hauts-Bassins et 27% dans le Centre-Ouest d’ici fin décembre 2015.
250 FCFA pour trois mois
Ces taux étaient respectivement de 32%, 12%, 31% et 11% avant le début du plan. Toujours en référence aux données de la direction de la Santé de la famille, Sayana Press est disponible dans 23 districts sanitaires avec 684 formations sanitaires de base. Dans les quatre régions, utilisatrices, prestataires, agents de santé, tous sont satisfaits. Pour la longueur de l’aiguille, la quantité du produit et la simplicité de l’utilisation, plusieurs femmes ont opté pour Sayana Press. Sont de celles-ci, Assoné Néya, habitante du village de Laba, dans la province du Sanguié. Agée de 28 ans, elle est mère de deux garçons. « Lorsque les femmes viennent pour la consultation, nous leur présentons toutes les méthodes avec leurs avantages et inconvénients. Généralement, elles choisissent Sayana Press parce qu’elles disent que l’injection fait moins mal, moins coûteux : 250 F CFA pour trois mois et moins d’effets secondaires », renchérit, Abibana Kekele, prestataire de la planification familiale au CSPS de Sala dans les Hauts-Bassins. L’infirmier chef de poste dudit CSPS soutient qu’une des innovations dans leur aire sanitaire est l’intégration des utilisatrices aux sessions de sensibilisation. Lors des tournées des agents de santé communautaire, ils se font accompagner d’une utilisatrice de Sayana Press. Une fois sur le terrain, elle convainc les indécises en louant les avantages du contraceptif afin de susciter une forte adhésion.
Injection avec une douleur minime
Les stratégies d’introduction et d’utilisation de Sayana Press dans certains villages ou aires sanitaires, comprend plusieurs volets. Il y a le volet dit de ‘’stratégie avancée’’, celui ‘’deux nouvelles utilisatrices pour une dose’’, la stratégie mobile et la communication de proximité. La stratégie avancée est, selon Sadolba Soma, responsable PF au CSPS de Boussoum, le fait d’intégrer l’offre de Sayana Press aux sorties des vaccinations. Une innovation majeure dans l’introduction du produit au Burkina Faso. La deuxième technique, poursuit le responsable PF, est toute simple. « Nous avons fait la remarque que plusieurs femmes du village désiraient la méthode Sayana Press. Mais, elles ne pouvaient pas venir au CSPS pour en prendre parce que leurs époux s’y opposaient catégoriquement. Nous avons donc eu l’initiative de créer des espaces d’échanges entre femmes pour trouver une solution idoine. C’est ainsi que nous avons appelé les Agents de santé communautaire (ASC). Ils ont été sensibilisés à amener deux nouvelles utilisatrices et dès qu’il y a une troisième personne, elle faisait la méthode gratuitement». De nos jours, M. Soma affirme que Sayana Press est connu et apprécié des clientes. «A Boussoum, nombreuses sont celles qui utilisent Sayana Press parce que son style d’injection ne cause pas une douleur. Même si elles ne connaissent pas le nom du produit, à vue d’œil, elles le reconnaissent. Et lorsque vous présentez à une femme toutes les méthodes, elle choisit Sayana Press. Au dépôt pharmaceutique par exemple, lorsque vous lui donnez une méthode autre que Sayana Press, elle ne veut pas. Elle préfère quitter le CSPS pour s’en procurer dans un autre non loin de Boussoum », argue Sadolba Soma. Abondant dans le même sens, le Médecin-chef du district sanitaire (MCD) de Solenzo, Dr Oumar Ouattara, pense que Sayana Press fait sa propre promotion. Car sa présentation et sa forme facilitent son utilisation par les prestataires.
Les taux de prévalence en nette hausse
Du bilan à une année et demie d’introduction, Dr Ouattara est satisfait des indicateurs. En 2013, la prévalence contraceptive était de 34,99% dans le district contre 42,36% en 2014. Ces indicateurs donnent Sayana Press comme le plus consommé. Ce qui a contribué à augmenter le taux d’utilisation des contraceptifs modernes, foi du MCD. Aussi, dans le district sanitaire de Boulmiougou dans la région du Centre, les indicateurs sont en nette progression. Sylvia Guira, responsable des statistiques de Sayana Press dans ledit district, avance 17,2% en 2015 comme prévalence contraceptive contre 15,4% en 2013. « Sayana Press a boosté notre taux de prévalence contraceptive », reconnait-elle. L’introduction de Sayana Press, c’est aussi la communication de proximité. Et pour ce faire, il y a la contribution des associations ou structures privées de santé comme l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF), Marie Stopes internationale (MSI), l’ONG ProgettoMondo Mouvement Laïc d’Afrique (MLAL). Ces structures fournissent un travail de terrain remarquable. En témoignent les chiffres. L’ONG ProgettoMondo MLAL intervient dans quatre districts sanitaires dans la région des Hauts-Bassins et collabore avec sept organisations à base communautaire. De mai à décembre 2014, l’ONG ProgettoMondo, par la voix de son coordonnateur, Bouma Joseph Néya, révèle qu’il y a eu 1281 clientes auxquelles Sayana Press a été administré. En 2015, entre janvier et octobre, ce sont 3478 femmes auxquelles Sayana Press a été administré. Le coordonnateur de l’ONG laisse entendre que c’est à travers des activités de communication comme les causeries-éducatives, des théâtres fora, des cinés-débats, des entretiens individuels, des visites dans les domiciles, des émissions radio et télé. Quant à l’ABBEF et Marie Stopes international (MSI), c’est la stratégie mobile qui est utilisée. Il s’agit précisément de l’offre de Sayana Press par les équipes mobiles de planification familiale. Ces équipes se déplacent dans les villages reculés pour offrir des services de PF. Elles permettent ainsi de réduire les distances et d’améliorer l’accessibilité des populations aux services de planification familiale. Esther Kamboulé est la responsable de la clinique de l’ABBEF du quartier Accart-Ville (secteur n°9 de Bobo-Dioulasso). Elle soutient que les actions de son association sont multiples dans le cadre de la promotion de Sayana Press. Sur le terrain, sa structure dispose de leaders communautaires et de pairs éducateurs qui les aident dans la sensibilisation et la mobilisation de masse. « Les pairs éducateurs interviennent dans les établissements pour mobiliser les élèves étant donné que notre première cible, ce sont les jeunes dont la tranche d’âge varie entre 12 et 24 ans », précise Mme Kamboulé. Ces jeunes, a dit la responsable de la clinique, aiment Sayana Press parce qu’ils le trouvent ‘’stylé’’.
Le passage à l’échelle, une nécessité
Au vu de tous ces exemples de satisfaction, il est plus que nécessaire d’envisager un passage à l’échelle afin de permettre à l’ensemble des régions du Burkina Faso d’expérimenter Sayana Press. C’est ce que pense le ministre de la Santé du gouvernement de la Transition, Dr Amédée Prosper Djiguimdé, un des pionniers de l’introduction de ce contraceptif au Burkina Faso. « Sayana Press a fini de convaincre », nous dira-t-il. De son opinion, l’un des éléments qui freinent l’adhésion de la population à la PF est lié à l’aspect logistique qui entoure la question, notamment les questions de méthodes de longues durées qui sont souvent coûteuses et onéreuses. « Pour faire injection intramusculaire à base d’un produit contraceptif à une femme, cela nécessite tout un environnement qui soit le plus adéquat possible. D’abord, en termes de conservation, de transport des produits. Avec Sayana Press, c’est plus simple. C’est une méthode qui devait être étendue assez rapidement pour que l’ensemble des populations puissent en bénéficier », estime Dr Djiguimdé. Le médecin-chef du district sanitaire de Solenzo, Dr Oumar Ouattara et l’infirmier-chef de poste du CSPS de Douma, Kafoudi Dabongou souhaitent l’introduction de Sayana Press dans tous les centres de santé du Burkina Faso.
Les bénéficiaires ne disent pas le contraire. Awa Sanou affiche sa volonté de continuer avec Sayana Press, une fois dans son foyer. Noëlle Bara, Orokia Goulanko, utilisatrices dans le village de Boussoum, tout comme leur responsable de la planification familiale, Sadolba Soma, vont même à recommander une dotation quotidienne de Sayana Press. « Nous commandons en moyenne 50 doses de Sayana Press par mois. Si les partenaires peuvent travailler à le rendre disponible chaque fois, cela ferait du bien aux clientes et même aux agents de santé qui apprécient beaucoup le contraceptif », insiste l’agent de santé.
Gaspard BAYALA
gaspardbayala87@gmail.com
Dr Edwige ADEKAMBI DOMINGO, Représentante résidente de l’UNFPA au Burkina Faso
‘’On peut rapidement passer à l’échelle’’
Gaspard Bayala (G.B.) : Quel a été le rôle de votre organisation dans la mise en œuvre du projet Sayana Press ?
Edwige Adekambi Domingo (E.A.D) : Le Fonds des nations unies pour la population (UNFPA) est une organisation de développement du système des Nations unies qui œuvre pour un monde où chaque grossesse est désirée, chaque accouchement est sans danger et le potentiel de chaque jeune est accompli. Et pour réaliser tout cela, il faut nécessairement la planification familiale, pour espacer les naissances et assumer le rôle parental de chaque famille à travers l’éducation des enfants. La planification familiale permet également de réduire les décès maternels, car elle donne le temps à l’organisme de la femme de mieux se préparer pour une nouvelle grossesse, réduisant ainsi les risques élevés de décès de la femme qui a des grossesses rapprochées. En ce qui concerne le potentiel des jeunes, chaque grossesse en milieu scolaire constitue un handicap pour la jeune fille et si par hasard l’auteur de cette grossesse est un jeune homme, cela hypothèque également l’avenir de ce dernier. Les deux sont souvent obligés d’arrêter l’école pour assumer une responsabilité parentale pour laquelle ils ne sont pas préparés, avec des risques pour l’éducation de l’enfant à naître. C’est entre autres, pour toutes ces raisons que l’UNFPA met un accent particulier dans l’accompagnement qu’il apporte aux pays dans le domaine de la planification familiale. A ce titre, l’introduction de Sayana Press a été vraiment intégrée dans le programme de coopération que nous avons avec le Burkina Faso. La réussite de l’introduction de Sayana Press a été facilitée, entre autres, par les acquis déjà enregistrés dans le domaine de la planification familiale au Burkina Faso. En tant que partenaire privilégié en matière de planification familiale, l’UNFPA a bâti sur sa longue expérience un appui technique et financier dans ce domaine pour pouvoir réaliser les résultats attendus de l’introduction de Sayana Press. Cet appui technique a consisté à définir une stratégie appropriée sur l’introduction elle-même parce que si on rate le coach en matière de démarche introductive, cela peut ne pas marcher. Le deuxième niveau de l’assistance technique, concerne l’appui à la mise en œuvre de la stratégie avec un accent particulier sur le renforcement des gaps de capacités observés chez les acteurs locaux, les structures en charge de la coordination au niveau régional et les structures impliquées dans ce projet-pilote au niveau national. La stratégie déployée a consisté également à l’introduction de Sayana Press dans le pipeline des interventions en matière de planification familiale afin d’éviter une démarche parallèle. Nous avons apporté également, avec d’autres partenaires, une assistance financière à travers l’achat du produit et sa mise à disposition jusqu’au dernier kilomètre de la chaîne d’approvisionnement. L’assistance technique a enfin consisté à mettre en place un mécanisme rigoureux de suivi, de collecte et d’analyse de données.
G.B. : Etes-vous satisfaite de l’état de mise en œuvre ?
E.A.D : La satisfaction est à plusieurs niveaux. Le premier est que l’introduction n’a pas été isolée. Elle a été intégrée dans un dispositif qui existe déjà en matière de planification familiale. C’est donc une démarche pérenne. La deuxième raison de satisfaction, c’est l’engouement observé au niveau des nouvelles utilisatrices de planification familiale. Lorsque vous regardez les objectifs assignés à l’introduction, l’on a été un peu réservé au début. Après dans la mise en œuvre, on s’est rendu compte qu’avec les stratégies mises en place, les femmes ont adhéré à la méthode Sayana Press au-delà des objectifs planifiés qui étaient de 18 000 nouvelles utilisatrices. Déjà en fin mars 2015, soit un an avant la fin de la phase pilote, il avait été enregistré près de 23 000 nouvelles utilisatrices. En fin juin, soit un an d’offre de Sayana Press dans les formations sanitaires, nous étions à plus de 32 000 nouvelles utilisatrices. Ainsi, bien que nous n’ayons pas encore atteint la fin de la phase de l’introduction, le Burkina a déjà réalisé plus d’une fois et demie le nombre de nouvelles utilisatrices attendues pour cette phase-pilote. De plus, ce résultat contribue de manière importante à l’engagement que le Burkina Faso a pris dans le cadre du partenariat de Ouagadougou pour le repositionnement de la planification familiale. Vous comprenez qu’on ne peut qu’être satisfait. Enfin, la satisfaction se justifie également par le souhait des responsables des structures sanitaires au niveau des quatre régions couvertes par la phase-pilote d’accélérer le passage à l’échelle de cette méthode. Cela veut dire que l’introduction a suscité une chaîne de réactions favorables à la planification familiale au niveau du pays.
G.B. : Que pensez-vous d’un éventuel passage à l’échelle et sous quelles conditions ?
E.A.D : Le passage à l’échelle de Sayana Press, serait l’idéal. Il y a deux mois, une rencontre-bilan de l’introduction de Sayana Press s’est tenue à Ouagadougou avec les principaux acteurs. L’une des recommandations des acteurs de terrain c’est le passage à l’échelle. La facilité d’utilisation de Sayana Press a boosté au niveau des régions, les objectifs attendus par rapport à la planification familiale de manière globale et ceci a entraîné dans les régions qui n’ont pas Sayana Press le souhait de l’expérimenter. Ce passage à l’échelle aujourd’hui est possible. Du point de vue médical, Sayana Press n’est pas une nouvelle molécule. C’est le même produit que le Depo Provera qui a été déjà testé sur tous les plans techniques et éthique et qui a fait ses preuves en matière d’effectivité. Comme tout médicament, les prestataires maîtrisent très bien les conditions de sa prescription et la gestion des éventuels effets secondaires. C’est la forme de présentation et d’administration de ce produit qui a changé.
L’expérience que nous avons enregistrée dans les quatre régions (Centre, Centre-Ouest, Boucle du Mouhoun et Hauts-Bassins) montre qu’on peut rapidement passer à l’échelle et le ministre de la Santé est le premier champion pour ce passage à l’échelle de Sayana Press. A chaque rencontre, il demande où nous en sommes. Pour l’UNFPA, ce passage à l’échelle signifie ‘’rendre disponible le produit en quantité suffisante’’ et nous sommes prêts aujourd’hui avec les autres partenaires internationaux qui accompagnent l’introduction de Sayana Press.
G.B. : Quels sont les défis qu’il faut relever à l’heure actuelle dans la mise en œuvre du projet ?
E.A.D : Le premier défi est la délégation de tâche. Le Burkina Faso a déjà mis en place une stratégie de distribution à base communautaire qui est en train de faire ses preuves. Si le pays arrive à concrétiser la délégation de tâche par rapport aux méthodes injectables de planification familiale, nous pourrons faciliter la distribution à base communautaire de Sayana Press pour le rapprocher davantage des femmes quel que soit là où elles se trouvent. L’accessibilité physique par rapport à la planification familiale constitue un défi majeur parce que le Burkina ne dispose pas de formation sanitaire dans tous les villages et quartiers.
La femme, pour recevoir une méthode de planification familiale, doit se rendre dans la formation sanitaire alors que dans la distribution à base communautaire, l’agent se déplace vers la femme. Par rapport à ce défi, il y a une étude-pilote qui est en cours pour voir si les méthodes injectables peuvent être déléguées aux agents qui ont en charge la distribution à base communautaire. Si nous réalisons cette délégation de tâche, le défi sera rapidement levé par rapport à Sayana Press.
Le deuxième défi que je voudrais soulever c’est l’auto-administration. Le format de Sayana Press facilite cette méthode d’auto-administration. Toutefois, nous sommes dans un contexte où lorsqu’on dit ‘’injection’’, on pense à la douleur y afférente. Donc dans le contexte sociologique du Burkina Faso l’auto-administration peut ne pas connaître une adhésion totale. Il faut donc trouver un autre mode d’administration.
Pour relever ce défi, il faut adopter une démarche itérative qui consistera à échanger avec les utilisatrices, à tester les solutions qu’elles proposent avec elles de manière progressive pour pouvoir les amener à choisir finalement le ‘’comment’’ le plus approprié. Je pense à trois ‘’comment’’ plausibles : soit l’auto-administration, soit l’administration par une pair (une amie, une sœur), soit l’administration par le mari. J’aurais souhaité que ce soit le mari qui administre Sayana Press à son épouse parce que la planification familiale, c’est avant tout la décision du couple. Ainsi la responsabilité parentale, qui oblige l’époux et l’épouse à décider du nombre d’enfants à avoir ensemble, à aimer, à éduquer ensemble pour en faire un citoyen/une citoyenne capable d’apporter sa contribution à la construction d’un Burkina debout, serait une réalité.
Propos recueillis par Gaspard BAYALA