Le landerneau politique gabonais est divisé depuis quelques mois sur la nécessité ou pas de tenir une conférence nationale souveraine. Ce terme, on le sait, provoque l’urticaire chez les dirigeants africains toujours mémorables des débordements inattendus qui ont emporté bien des régimes. Une chose est sûre, depuis l’élection de Ali Bongo, sa victoire est contestée par le chef du parti de l’Union nationale, dissous pour n’avoir pas justement reconnu cette victoire. Si aujourd’hui, il faut bien se rendre à l’évidence que Ali Bongo règne en maître absolu dans le pays, l’idée d’un débat national, lui, fait son petit bonhomme de chemin. On changera peut-être de terme mais l’exercice en lui-même paraît de plus en plus nécessaire afin que les partis d’opposition et peut-être même la société civile étalent leurs préoccupations, leur vision partagée d’un Gabon nouveau, rompant ainsi avec 40 années de « Bongisme ». La question est de savoir si cela est possible avec toujours un « Bongo » aux commandes de la république et qui a en face de lui de vieux loups du « Bongisme », reconvertis en opposants, faute de n’avoir pas pu succéder à Bongo père. La crise gabonaise qui s’éternise est un cocktail de querelles de personnes, d’aigreur d’une succession mal digérée par d’ex-pontes du régime mais surtout, et c’est le plus important, de la soif d’une nouvelle gouvernance. Le tout est de savoir faire le tri, de ne pas heurter les susceptibilités et d’aller à l’essentiel : répondre aux besoins réels des Gabonais. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Parce que le gouvernement s’apprête à sévir contre les partis d’opposition qui ont donné la parole aux membres de l’Union nationale (UN), parti dissous en janvier 2010. Si on s’en tient à la loi, le collectif de partis politiques, initiateur du meeting de la place de « Rio », le week-end dernier, est passible de suspension, voire de dissolution. Il est vrai que ceux-ci avaient reçu l’autorisation de tenir ce meeting à condition de ne pas y donner la parole aux membres de l’UN. Manifestement, l’opposition a piégé le gouvernement. Elle n’a pas tenu parole. Pour autant, est-elle prête à assumer les conséquences de son acte ? Ce groupe de partis de l’opposition cherche manifestement le clash. Il appartient aux autorités de bien jauger la situation. La légalité voudrait effectivement que la loi soit appliquée. Le danger de l’appliquer est qu’elle produise des effets encore plus dévastateurs au plan politique et social. Et ce ne serait pas opportun pour le pouvoir de Ali Bongo de se mettre à dos une bonne partie de l’opposition. La dissolution de l’’Union nationale ne passe déjà pas très bien dans l’opinion, malgré les excès du chef de ce parti. Si le pouvoir en venait à suspendre massivement des partis d’opposition, ils seront nombreux les démocrates qui crieraient au musèlement politique et à l’atteinte aux libertés démocratiques. La partie n’est pas simple pour le fils Bongo qui doit apprendre à naviguer dans les eaux troubles de l’opposition héritée de son père et où veillent de vieux crocodiles, prêts à le faire chuter de son piédestal, à la moindre occasion.