Dans les actes de viol, les auteurs ne se protègent pas souvent et ne laissent aucune possibilité à la victime d’en faire. Les victimes sont exposées à la violence sexuelle mais aussi au risque d’une grossesse non désirée. La géographe-démographe, Nathalie Sawadogo, de l’Institut supérieur des sciences de population (ISSP) a étudié le phénomène chez les jeunes femmes, à Ouagadougou, qu’elle a présenté à la conférence internationale sur la planification familiale à Bali en Indonésie en janvier 2016.
Nopoko, élève au secondaire, a 16 ans. Suite à une situation familiale conflictuelle, elle s’est réfugiée chez son amie qui vit avec ses parents. Un jour, en l’absence des parents, elle est violée par le frère aîné de son amie, âgé de 29 ans. Premier rapport non voulu, première grossesse non désirée pour Nopoko ! La victime se tait par honte, et aussi parce qu'elle ne sait pas à qui se confier. Elle dévoile finalement ce qui s'est passé et l'auteur le reconnaît. Elle et son enfant son pris en charge par la famille. Elle finira par retourner dans sa propre famille en laissant l'enfant avec ses anciens logeurs. Telle est l’histoire d’une fille doublement victime de viol et de grossesse non désirée relatée par la chercheuse, Nathalie Sawadogo. Dans sa recherche intitulée « Doublement victimes: Une analyse qualitative de l’exposition non résolue aux grossesses non désirées suite à des violences sexuelles chez des jeunes femmes à Ouagadougou (Burkina Faso) », Dr Sawadogo s’est entretenue avec 76 enquêtés composés de 50 femmes et de 26 hommes. Il ressort que huit femmes ont subi des viols au cours de leur vie sexuelle, parfois dix ans avant l’étude. Deux hommes ont reconnu aussi être auteurs de viol. Et ces derniers « le racontent sans remord », fait remarquer Dr Sawadogo. Parmi les huit jeunes femmes violées, deux autres, comme Nopoko, n’ont pas échappé à ce qu’elles ont toujours évité : rapport sexuel forcé, grossesse non désirée. Les conséquences des abus sexuels commis sur des jeunes femmes sont entre autres le traumatisme physique et psychologique, l’exposition aux IST/VIH et grossesses non désirées. Les trois victimes de viol et de grossesses non désirées n’ont pas bénéficié d’une prise en charge adéquate ni d’un avortement (pourtant autorisé par la loi burkinabè en cas de viol). La loi portant sur la santé de la reproduction au Burkina confirme l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse telle que prévoit le code pénal mais avec des cas d’exception que sont le viol, l’inceste ou risque de péril de la mère ou de l’enfant. Ces jeunes femmes ont plutôt eu droit à des unions arrangées et un abandon scolaire. Pourtant, indique l’auteur de l’étude, une prise en charge adéquate avec des contraceptions d’urgence pourrait répondre au moins au risque de grossesse non désirée.
La honte éloigne les victimes de la prise en charge
« Ces violences se produisent dans tous les milieux socioculturels et la réponse est presque la même ; d’abord la honte du côté de la victime. Elle n’ose pas se confier à quelqu’un. Même si elle venait à le faire à son entourage, il y a le souci de sauvegarder la réputation. Ses confidents vont éviter d’ébruiter ce qui s’est passé. Du coup, ces victimes n’ont pas de prise en charge adéquate notamment en termes de résolution de l'exposition à des grossesses non désirées», explique la géo-démographe. Pour la chercheuse, les viols sont parfois le fait de proches, voire du partenaire « stable ». Et dans la société à dominance masculine, le statut de victime n’est pas reconnu à la jeune femme qui a subi un viol. Celle-ci est culpabilisée. Certains participants ont posé des questions sur le fait qu’une chose est de demander aux victimes de dénoncer, de se rendre dans les centres de santé pour une prise en charge mais une autre est de savoir quel sera l’avenir de la victime. Qui voudrait avoir une femme qui a été violée ? Des questions qui restent intactes. D’aucuns pensent qu’il faut mener le travail à plusieurs niveaux. Il faut sensibiliser les victimes à en parler et éduquer la société pour qu’elle ne culpabilise pas les victimes mais qu’elle les aide à trouver une solution adéquate. La géographe-démographe a expliqué que c’est une étude exploratoire, partie du constat que les violences sexuelles existent au Burkina et qu’il y a très peu de données probantes sur ce phénomène. Le viol est une atteinte aux droits de l’individu et Dr Sawadogo pense que la victime n’a pas à être culpabilisée. Il faut que la société la traite comme victime, l’accepte au lieu de chercher à la cacher, a conclu Dr Nathalie Sawadogo.
Boureima SANGA
bsanga2003@yahoo.fr
De retour de Bali
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