Toujours égal à lui-même et en cette matinée du 4 février 2016, c’est en toute décontraction que Simon Compaoré a animé sa première grande rencontre avec la presse, depuis sa nomination au poste de ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure. Et fort justement, comme pour clore le débat sur la pertinence de l’ajout de la Sécurité intérieure à l’Administration, l’hôte des journalistes répliquera : «Attendons de voir ce que va donner l’expérimentation avant de critiquer cette option… Pour tout vous dire, moi Simon, je n’ai pas de bifteck à défendre».
Aucun sujet n’était tabou pendant la rencontre. Et comme il s’agissait d’un premier face à face avec l’accueillant, depuis sa nomination au poste de ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure, il ne fallait pas s’en priver. Sans surprise, les attentats qui ont endeuillé le Burkina Faso le 15 janvier dernier, et l’ambiance sécuritaire qui prévaut depuis lors a été au centre des échanges. Et s’il y a bien sujet qui suscite aujourd’hui encore moult débats, c’est l’intervention des forces de sécurité qui ont finalement pu libérer les otages de Splendid Hotel et liquider les terroristes. D’aucuns ont estimé que l’action a été réalisée de façon tardive. Un avis que ne partage pas, et pas du tout, le nouveau patron de la sécurité au Pays des hommes intègres, qui a même témoigné avoir été sur les lieux dès les premiers moments de la fusillade. «Quand je suis arrivé, j’y ai trouvé des gendarmes et des policiers. Quant à l’offensive, vous pensez bien qu’on se lève comme ça, on met son pantalon et l’on est parti pour attaquer ? Il faut tout de même un minimum de préparation !», a-t-il raillé, faisant rire l’assistance, tout en demandant de reconnaître et saluer le mérite de nos forces de sécurité.
Lors de leur offensive, constat sera du reste fait qu’elles ont été soutenues dans leur action par les forces spéciales françaises, américaines et canadiennes. Ce qui a finalement permis de libérer les otages de Splendid Hotel et de liquider les terroristes. Depuis lors, beaucoup se demandent quel serait le coût de ce soutien venu de l’Occident ? «Jusqu’au moment où je vous parle, je n’ai pas entendu dire qu’une facture a été déposée dans ce sens. C’est un appui de forces amies, qui étaient d’autant plus intéressées que parmi les victimes, figuraient leurs compatriotes», réplique Simon Compaoré, qui a clos le débat, avant d’insister pour restituer un autre événement dans son contexte. Aux temps chauds de l’attaque, en effet, alors que les forces de sécurité se préparaient à intervenir, la Télévision nationale retransmettait en direct l’événement, avant d’être interrompue par des éléments qui ont fait irruption dans ses studios sommant ses agents d’arrêter la retransmission. A écouter le ministre de la Sécurité (qui, visiblement, semblait s’excuser pour le désagrément causé), l’objectif n’était pas de violenter qui que ce soit, mais d’arrêter un direct qui pouvait informer les assaillants sur la situation en présence et surtout la position des forces de sécurité.
A cette rencontre avec les journalistes, Simon Compaoré est encore revenu sur la nécessité de la collaboration de la population, afin de contrecarrer les sombres desseins d’individus sans foi ni loi. A entendre celui qui était affectueusement prénommé « Tebgueré » quand il était aux affaires du côté de l’hôtel de ville de Ouagadougou, il ne s’agit pas, comme tendent à faire croire certains, d’un aveu de faiblesse de la Sécurité, mais plutôt d’une attitude qui a fait ses preuves ailleurs. «C’est avoir du mépris pour le peuple burkinabè que de penser ainsi. Dans tous les pays du monde, même les plus équipés en matériel et en hommes, la contribution dans le renseignement par la population a toujours été demandée», a-t-il fait remarquer. L’occasion a été également bonne pour Simon Compaoré, dans la salle de conférences de la mairie de Ouaga, pour étouffer les conjectures à propos de l’ajout du département de la Sécurité intérieure dans son ministère, d’aucuns estimant qu’on aurait pu en faire un département à part entière. « C’est vrai que j’ai vu beaucoup d’écrits sur cette question. Vous savez, on a tout essayé dans ce pays. Il y a des avantages et des inconvénients quelle que soit l’option. Je demande seulement d’avoir la patience de voir ce que va donner l’expérimentation avant de critiquer. Pour tout vous dire, et pour ceux qui me connaissent, moi Simon, je n’ai pas de bifteck à défendre. Ce sont les résultats qui m’importent toujours».
Issa K. Barry