L’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, et son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, comparaissent depuis le jeudi 28 janvier 2016 à la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité. Un procès que certains qualifient de « procès de la honte », tandis que d’autres estiment que « c’est l’occasion pour la CPI de se rendre crédible vis-à-vis de l’Afrique ». Voici le regard de membres de la société civile et d’un parti politique.
Désiré Guinko (Les patriotes du Faso)
« Ce procès est celui de toute l’Afrique. Notre continent devrait être capable de régler ce genre de litige. Mais force est de constater que l’Afrique n’arrive pas à s’assumer puisqu’elle est toujours sous la domination impérialiste et des forces extérieures. Ce procès de Laurent Gbagbo pour nous, est le procès de la France-Afrique contre des leaders africains qui ont montré leur volonté de vouloir aller à l’indépendance économique, politique et sociale. Aujourd’hui, c’est assez clair à telle enseigne que d’aucuns l’appellent le procès de la honte. Cela se justifie par le fait que certains chefs d’Etats africains émettent le souhait de se retirer de cette cour, en soulignant clairement que c’est un tribunal institué uniquement pour neutraliser certains chefs d’Etat en exercice ou en fin de mandat pour d’autres. C’est une manière pour eux de dire qu’ils sont contre la tenue de ce procès. Nous nous rendons compte aujourd’hui, qu’il n’était absolument pas de la volonté de Laurent Gbagbo de porter atteinte aux ressortissants burkinabè résidants en Côte d’Ivoire. Mais plutôt l’aveuglement du président Blaise Compaoré et de son régime qui s’est laissé berner par la France. Toute chose qui a conduit aux dégâts collatéraux subis par nos parents vivants en Côte d’Ivoire. En clair, nous ne sommes pas d’accord avec ce procès et par conséquent, Laurent Gbagbo n’a pas sa place là-bas. Certains ont massacré de pauvres Ivoiriens mais sont en liberté. Je veux parler de Guillaume Soro et Alassane Ouattara qui sont les pères de la rébellion de 2002. On aurait pu régler ce problème en interne que d’aller exposer notre incapacité aux yeux du monde. »
Adama Kamboné, membre du cadre de concertation des Organisations de la société civile
« Pour moi c’est le procès de la honte. Et également une honte pour toute l’Afrique. Il est inconcevable que l’Afrique et la Côte d’Ivoire en particulier, ne soit pas à mesure de juger son propre fils. Ce sont deux camps qui s’affrontent lorsqu’on parle de crise ou de guerre. S’il doit avoir jugement, il faudrait que les poursuites concernent les deux camps. Mais dans ce cas précis, on constate que seul le camp de Gbagbo est poursuivi et cela est injuste. »
Arouna Savadogo, président de l’association le Tocsin
« Ce procès est une véritable école pour le monde. Mais au-delà de ce procès, il ne faut pas que les gens oublient qu’il y a eu des morts et que les victimes et parents de victimes attendent que justice soit rendue. Que les personnes qui ont été massacrées où spoliées soient dédommagées. Ce procès va aussi avoir son lot de révélations. Il faudrait donc que tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin répondent de leurs actes et qu’ils paient à la hauteur de leur forfait. Que l’issue de ce procès soit une véritable leçon pour les chefs d’Etats qui veulent aller au-delà de leurs mandats. C’est pour cela que nous estimons au Tocsin, que le retrait de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest de la CPI n’est pas une bonne chose. Parce que cela va ouvrir la porte aux mandats illimités. Nous estimons aussi que la CPI ne doit pas être un tribunal pour les Africains seulement. Nous ne voulons pas d’une justice sélective. Que tous ceux qui sont cités dans le dossier de la Côte d’Ivoire soient entendus à la barre. Nous demandons également que tous ceux qui ont été spoliés soient dédommagés, notamment les Burkinabè vivants en Côte d’Ivoire. Nous avions interpellé l’Etat burkinabè à cet effet mais rien n’a été fait jusqu’à ce jour. Nous avions même introduit une plainte auprès de la CEDEAO mais qui est restée sans suite. Nous espérons que le pouvoir actuel prendra à bras le corps ce problème. »
Mathias Ouédraogo, secrétaire national chargé de la mobilisation de la jeunesse du Congrès pour la démocratie et progrès
« Le Burkina Faso a assez de problèmes pour s’occuper de la résolution de la crise ivoirienne. La CPI n’a pas demandé l’avis du Burkina avant d’emmener Blé Goudé là où il est actuellement. C’est un procès qui se fait par une cour internationale et l’ancien ministre de la Jeunesse ivoirienne est libre d’accuser qui il veut pour sa défense. Ses accusations sont liées à des individus et si cela peut le tirer d’affaire, tant mieux. Pourquoi ne fait-il pas cas de ce que Blaise Compaoré avait été félicité par ses pairs pour avoir aidé à résoudre plusieurs crises dans la sous-région ? C’est ce même Blé Goudé qui a toujours dit que lorsque la maison de quelqu’un est en feu, c’est son voisin qui vient l’éteindre. Que chacun assume ses responsabilités. »