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Culture et terrorisme : la culture, un barrage contre la barbarie
Publié le jeudi 4 fevrier 2016  |  L`Observateur Paalga




A l’heure où l’insécurité monte dans la région et alimente les peurs, le politique propose le tout sécuritaire comme panacée. Pourtant les arts et la culture sont les meilleurs remparts contre la barbarie. Car ils préservent ce qu’il y a de meilleur en l’homme.


Depuis que la nébuleuse islamiste a frappé le Burkina Faso, on entend beaucoup le ministre de l’Intérieur déclarer la guerre au terrorisme et décliner son pack sécurité, entre surveillance vidéo renforcée, contrôles policiers tous azimuts et suréquipement des forces de sécurité. Ce qui est normal, mais là où il y a problème, c’est que l’on n’entend que cette musique martiale. Aucune voix pour dire que le rempart pourrait aussi être culturel.

C’est à notre sens une grande erreur pour deux raisons : d’abord, nous ne sommes pas en guerre, car une guerre par définition oppose deux entités bien discernables, ce qui n’est pas le cas dans la lutte contre des groupuscules islamistes qui ne sont ni un Etat bien délimité ni une communauté bien précise. Jacques Derrida, dès février 2004 dans Le Monde Diplomatique, dénonçait l’inclination des politiques à utiliser des concepts imprécis qui ajoutent à la confusion du monde plus qu’ils n’éclairent ;

ensuite, aucun Etat de la sous-région n’est capable de mener une telle entreprise sans renoncer au développement. Sous nos cieux tout est prioritaire, et on ne peut se payer le luxe de siphonner les investissements dans les autres secteurs tels que l’éducation, la santé, l’agriculture pour investir massivement dans la sécurité. Le faire serait une erreur monumentale ;

en outre, aucun pays ne peut gagner militairement contre un ennemi insaisissable et imprévisible. Tout comme l’Occident n’a pas réduit l’islamisme à coups de bombardements mais semble l’avoir exacerbé. De l’unique foyer afghan en 2001, le terrorisme djihadiste a gagné tous les continents aujourd’hui. Et puis, au regard des dégâts collatéraux de «la guerre contre le terrorisme» en Syrie, en Libye et au Yémen, on peut être d’accord avec Albert Camus que «Le sang, s’il fait parfois avancer l’histoire, la fait avancer vers plus de barbarie».

Le vrai danger du terrorisme au-delà des milliers d’innocents qu’il tue est qu’il amène les peuples à renoncer à leurs valeurs et à déchoir humainement. Comme un cancer social, il désorganise la société, en la changeant brusquement et en lui faisant abdiquer ses valeurs. Ainsi au nom de la lutte contre le terrorisme, les sociétés se barricadent, ferment les frontières, restreignent les libertés, fliquent les citoyens et répondent parfois avec une violence sans discernement. Pourtant, face au terrorisme, la réponse ne se trouve ni dans le repli identitaire ni dans le rejet de l’autre, mais dans le dialogue des cultures. Il faut dire comme Gandhi : « Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts, ni mes fenêtres bouchées, mais qu’y circule librement la brise que m’apportent les cultures de tous les pays. »

C’est pourquoi les arts et la culture sont essentiels pour préserver la santé des esprits, promouvoir des valeurs de droit et de justice, et cimenter le vivre-ensemble. On se demande bien pourquoi les Etats sont incapables de comprendre ce que les terroristes savent depuis fort longtemps. Tous les fascismes s’en prennent aux arts et à la culture, car ce sont les plus grandes formes de résilience contre les extrémismes. Goebbels se vantait de sortir le pistolet quand il entendait le mot culture, Daesh détruit les musées et les bibliothèques.

Nos Etats seraient bien inspirés de puiser dans les mécanismes de nos cultures pour faire face au péril islamiste. C’est pourquoi il faut que la parole des anthropologues, des sociologues, des philosophes et des artistes soit plus audible que celle des va-t-en-guerre. Contrairement à Valls qui dit qu’expliquer le djihadisme, c’est un peu l’excuser, il ne faut pas renoncer à l’intelligibilité des problèmes sociaux et aux savoirs endogènes. L’exemple rwandais est édifiant. Face au dernier génocide de l’Histoire qui a fait plus d’un million de morts, ce pays s’est reconstruit rapidement en retrouvant dans sa culture les mécanismes de résolution des conflits : les tribunaux Gatchatcha.

Le Burkina est un pays avec lequel la nature n’a pas été très prodigue, mais les hommes y ont fait s’épanouir une culture luxuriante. Et les arts s’y sont développés généreusement. C’est pourquoi il est urgent que le théâtre, le cinéma, la chanson et la littérature se saisissent de ce sujet pour alimenter la réflexion et augmenter le savoir des populations sur l’islam tolérant qui est le nôtre et sur le pacte de solidarité qui lie toutes les communautés vivant sur ce sol. Les arts véhiculent des messages capables d’éviter la stigmatisation d’une communauté et d’assécher un éventuel terreau sur lequel pousserait la plante vénéneuse de l’extrémisme.

Une anecdote sur Winston Churchill a circulé un moment sur les réseaux sociaux. Elle raconte que pendant la Seconde Guerre mondiale, pour faire face aux attaques allemandes, le Parlement britannique voulut que les subventions aux arts et à la culture fussent versées à l’effort de guerre. A quoi le premier ministre aurait répondu : « Pourquoi combattre le IIIe Reich si ce n’est pour préserver notre culture ? »

Que cette anecdote soit avérée ou une fiction importe peu. Il faut espérer que dans la lutte contre le terrorisme, les politiques auront la sagesse de Winston Churchill en mettant les arts et la culture aux avant-postes de la riposte. Car elles sont les armes miraculeuses, des armes d’éducation massive qui peuvent faire échec à l’obscurantisme et au dessein mortifère des extrémismes.



Saïdou Alcény Barry
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