Bientôt, la jeunesse du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) tiendra son forum. Quand précisément ? Où ? Sur quel sujet ? « Ce n’est pas encore connu ! » Mais le secrétariat national des jeunes de l’ex-parti au pouvoir était face à la presse hier pour annoncer l’événement et commenter l’actualité.
S’il avait abandonné quelque temps sa calebasse de gnontôrô (bière locale) pour faire le déplacement à la maison de la Femme de Ouagadougou hier 03 février 2016 dans l’après-midi, notre élucubreur devant l’Eternel, Toégui, se serait sans doute écrié : «Le CDP nouveau est arrivé.» En effet, du Ditanyé et de l’hymne du parti, chantés par des voix quelque peu enrouées, à la minute de silence à la mémoire des disparus en passant par les « excuses à la presse pour la présence dans la salle de militants, d’ailleurs appelés au calme et à la retenue dès les premières lignes de la déclaration liminaire, la rencontre entre la jeunesse de l’ex-parti au pouvoir et la presse a démarré sur des allures de «plus rien ne sera comme avant ».
Principal orateur du jour, le premier Secrétaire national adjoint du CDP chargé de la mobilisation (le titulaire à ce poste serait absent pour n’avoir pas encore justifié des propos tenus sur le net), Mathias Ouédraogo, dit Mathico, arborant un maillot « Burkina Faso » (la précision vaut ce qu’elle vaut) et entouré d’une dizaine de camarades aux visages, disons, peu habituels, revient sur l’actualité politique nationale marquée par l’attentat du 15 janvier à Ouaga et celui de Tin-Akof, l’enlèvement du couple australien à Djibo et l’attaque du magasin d’armement de Yimdi. Il ne manque pas de féliciter les nouvelles autorités pour le sens élevé des responsabilités et pour la sagesse dont elles ont fait preuve ni de faire une mention spéciale à nos forces de défense et de sécurité pour leur perspicacité. Tournée résolument vers l’avenir, la jeunesse du CDP, par sa voix, tend la main à tous les jeunes des différents partis, sans distinction, et à tous les jeunes de la société civile pour qu’ensemble ils préservent la paix, la cohésion et l’unité nationales, car « pour l’intérêt supérieur de notre nation, ce qui nous rassemble doit être plus fort que ce qui nous divise». Comme gages de sa bonne foi, la jeunesse CDP, qui tiendra prochainement son forum, dont le lieu, la date et le contenu ne sont pas encore connus, s’engage à œuvrer à la réconciliation, à la paix et à la cohésion sociale. Mathias Ouédraogo, interrogé sur le cas de leurs militants incarcérés, a profité de l’occasion pour demander l’élargissement de ceux qui le sont injustement. Il a balayé du revers de la main la déclaration du MPP à l’issue de l’attaque terroriste sur Kwame-N’krumah et mettant à l’index l’ancien régime, la qualifiant de «déclaration plus politique que compatissante».
« Si nous sommes attaqués, c’est parce que la collusion entre Blaise et ces mouvements est terminée», déclarait également récemment le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, aux Burkinabè d’Ethiopie.
« Si notre président à tous, qui a été un allié de Blaise pendant plusieurs années, le dit aujourd’hui, c’est qu’il sait de quoi il parle ; alors, qu’il aille témoigner en même temps », commente « Mathico ». Applaudissements dans la salle. Mais quel commentaire fait-il du changement de nationalité de leur ancien mentor, Blaise, devenu il y a peu Ivoirien ?
C’est la loi ivoirienne qui le lui permet, vu que son épouse est ivoirienne, mais cela ne signifie pas qu’il renie ses origines burkinabè, car il a dirigé ce pays pendant des années, affirme Mathias Ouédraogo. « C’est la même chose pour notre président, Roch, qui est marié à une Togolaise. Si la loi togolaise l’y autorise, il peut prendre la nationalité togolaise, mais il restera notre président », ajoute-t-il. Nouveaux applaudissements dans la salle.
Refusant de commenter la récente sortie de Blé Goudé à la barre à la CPI, qui lui aussi tient Blaise responsable de la déstabilisation de la sous-région, car « les Burkinabè ont trop de problèmes pour s’occuper des problèmes d’un autre pays », Mathias Ouédraogo jure, la main sur le cœur, que son parti n’est en rien lié aux tentatives de déstabilisation actuelles, notamment les incendies itératifs de marchés : « Plus jamais au nom de notre parti personne ne va commettre un crime contre la nation. Celui qui osera le faire, nous serons les premiers à l’attacher pour l’amener à la gendarmerie. Le parti ne tuera pas même une mouche. »
C’est un secret de Polichinelle, les temps sont durs pour l’ex-parti au pouvoir au point que « les militants osent à peine brandir leur carte » et « si un caillou tombe dans le barrage de Tanghin, c’est la faute du CDP ». Mais quel état d’esprit anime sa jeunesse ? Réponse par des hourras des militants présents en chœur : « On est fier ! »
Et Mathias Ouédraogo de renchérir : « On est tombé, c’est vrai ; mais on reste digne et fier. On assume ! On va en tirer les leçons pour une meilleure gestion de notre pays. Et vous verrez ! »
Hyacinthe Sanou