La campagne pour l’élection présidentielle couplée aux législatives du 21 février 2016, a été lancée depuis le samedi 30 janvier 2016 à 00h. Une quinzaine de candidats pour la présidentielle, sont en lice. Le président sortant et candidat à sa propre succession, Mahamadou Issoufou, qui bénéficie du soutien d’une quarantaine de partis politiques, s’est fixé pour objectif de gagner dès le premier tour. Quatre candidats de l’opposition, pour faire échec à ses ambitions d’opérer le coup K.-O, se sont regroupés dans un creuset dénommé Coalition pour l’alternance 2016 (COPA) portée sur les fonts baptismaux le 27 janvier dernier. Il s’agit de Hama Amadou du Moden Fa Lumana, Seini Oumarou du MNSD-Nassara, Mahamane Ousmane du MNRD-Hankuri et Amadou Boubacar Cissé de l’UDR-Tabbat. Les partis multiplient les tournées pour la conquête des suffrages des 7 millions d’électeurs nigériens. Ambiance dans les rues de Niamey et dans certains sièges de partis…
Lundi 1er février 2016. 2e jour de la campagne pour les élections générales (présidentielle et législatives de 2016). Alors que le président sortant, Mahamadou Issoufou, se rend à Tillabéry, ville située à l’extrême Sud, pour y tenir meeting, le Moden Fa Lumana, parti de Hama Amadou, lui, a choisi de procéder au lancement de sa campagne à Dosso dans le Sud-Ouest. Conséquence, à l’état-major du parti de l’opposant nigérien, nous y trouvons portes de bois dans la matinée, même si, aux abords du siège revêtu aux couleurs du parti, sont groupés quelques militants à l’entrée de la bâtisse. Ils disent ne pas être en mesure de nous livrer la moindre information. «Je vous propose de revenir demain, car, c’est ce soir même à 16h, que notre parti va lancer sa campagne à Dosso et tous les militants vont s’y déporter», suggère l’un d’eux. A peine avons-nous tourné le dos à nos interlocuteurs qu’une 4X4 rutilante s’immobilise. Il en sort un homme de grande taille, vêtu d’un bazin bleu richement brodé.
– «Tiens, vous avez de la chance, c’est le président par intérim du Parti Moden Fa Lumana». Une prise de contact avec le président intérimaire à l’emploi du temps visiblement tiré au cordeau, M. Oumarou Noma, et nous prenons congé du lui.
Un ton pour le moins amer
Au milieu de véhicules stationnés devant le siège, nous tendons notre micro à des militants sur le point de quitter les lieux. Leurs premières impressions sur la campagne qui s’est ouverte le samedi 30 janvier à 00h. Leur ton est pour le moins amer. A l’image de celui de ce militant pour qui le PNSD-Tarayya, parti de Mahamadou Issoufou, veut faire la force à son parti. Comment ? «Tout est fait par le PNSD-Tarayya pour conserver le pouvoir. Ce parti usera de tous les moyens pour passer au premier tour. S’étant assis sur la dalle qui couvre leurs pratiques obscures et malsaines, ils ne voudront pas se lever de peur que s’en échappent des odeurs nauséabondes. Il y a trop de personnes malhonnêtes dans ce pays ». Reste que le Niger vient de faire un bond en avant dans le classement 2015 de l’Indice de corruption de l’ONG Transparency international. Il passe à la 99e place (sur 168 pays) alors qu’il occupait, en 2014, la
103e place, et en 2011, la 134e place, soit un bond de 35 points depuis 2011. Le candidat sortant n’avait du reste pas manqué de saluer ce progrès, à l’occasion de la présentation de son programme «Renaissance», la veille. Mais pour le militant du parti de Hama, la préoccupation est ailleurs.
«Peu importe que Hama Amadou soit en prison. On battra campagne pour lui. Qu’ils le veuillent ou pas, (en parlant du parti au pouvoir), ils finiront par le libérer », dit-il. A propos justement de la détention de l’opposant nigérien, incarcéré à la prison de Filingué et dont la demande de mise en liberté provisoire introduite par ses avocats, a été rejetée par la Cour d’appel, le 11 janvier dernier, ce militant du Moden Fa Lumana n’y voit pas d’autre explication : « C’est parce que le pouvoir le craint qu’il l’a jeté en prison».
Nous sommes sur la principale artère très animée du quartier Zabarkan, où la circulation, en ce jour de lundi ouvrable, est très dense. L’endroit résonne d’un concert de klaxons, preuve que tout Niamey est véritablement entré en campagne. Sur la grande avenue, une noria de taxis, de grosses cylindrées et autres engins à deux-roues, rivalisant de couleurs des partis politiques, surtout les plus en vue. C’est aussi sur cet axe que sont établis les sièges de bon nombre de partis politiques. La distance qui sépare le siège de Moden Fa Lumana de Hama Amadou, de celui du parti au pouvoir, PNDS-Tarayya, n’excède pas un kilomètre. Sur l’avenue, on y dénombrera cinq sièges de partis politiques. Celui du Rassemblement pour la démocratie et le propgrès (RDP)-Jama’a, du Mouvement nigérien pour le renouveau démocratique (MNRD) - Hankouri, de l’Union pour la démocratie et la République (UDR)- Tabbat, en plus du Moden Fa Lumana et du PNDS-Tarayya.
Au PNDS-Tarayya, on a « vu grand », se félicite un militant au siège du parti qui vient de se doter d’un imposant bâtiment à trois niveaux, inauguré par le président Mahamadou Issoufou himself, le jour de la présentation de son programme de Renaissance II, le dimanche 31 janvier dernier.
Dans la matinée du 1er février, le siège présente toutes les allures d’une ruche. Des ouvriers se livrent à quelques travaux de finition, des salles attendent encore d’être aménagées, des gens entrent et sortent, bref, d’incessants va-et-vient témoignent de l’intense activité qui y règne dans la perspective du jour J, c’est-à-dire, le 21 février prochain. Très affairé, l’affable Assoumana Malam Issa, le responsable à la mobilisation du parti, ne cesse de recevoir. Il enchaîne les entretiens.
Rencontré dans un des couloirs de l’établissement, Iliassu Hamadou Moumouni Djermakoye est membre de la diaspora nigérienne de Belgique et membre de la section de PNDS-Tarayya de Belgique. Evidemment, le ton est tout autre que celui de ceux qui descendent en flammes, son champion. «J’ai travaillé pendant dix ans pour Amnesty International. J’ai rencontré Mahamadou Issoufou il y a quelques années, à Bruxelles, en Belgique. Je n’ai jamais milité dans un parti politique. Mais si, aujourd’hui, j’ai accepté d’adhérer à son action, c’est que quand je lui remettais le rapport d’Amnesty International 2012, j’étais vraiment fier d’être nigérien. Avec Mahamadou Issoufou, les avancées en matière de droits humains sont patentes. Cela est d’autant plus louable qu’on ne peut pas mettre en place des institutions fortes, tant que les droits humains ne sont pas respectés. Il y a des pays où les populations sont constamment opprimées, où il n’y a pas de liberté de presse. Au Niger, on en est encore très loin. Faites vous-même le constat ; Mahamadou Issoufou est régulièrement vilipendé dans les médias. Et cela frise même l’anarchie. Mais il n’en fait pas un problème».
« Le Niger jouit d’une grande crédibilité à l’extérieur »
«Autre avancée notable, toujours depuis qu’il est à la tête du Niger (il a été élu en 2011) : les Nigériens de l’extérieur votent désormais. C’était une promesse de campagne. Mahamadou Issoufou l’a tenue. Il est vrai, un régime qui n’a que 5 ans d’exercice du pouvoir, ne peut pas accomplir son programme à 100 %. Au total, pour moi, le bilan de son mandat est largement positif et le Niger jouit aujourd’hui d’une grande crédibilité au plan international. »
Ahamadou Adamou, lui, est conducteur de taxi de son état. Une fois que nous prenons place dans son véhicule, il nous brandit fièrement une tasse à café ainsi qu’un fanion à l’effigie de… Hama Amadou. Puis, il débite ses critiques: « Les affiches et autres banderoles à la couleur du parti au pouvoir – d’aucuns ont parlé de vague rose sur Niamey - tout cela ne servira pas. Ils peuvent multiplier à souhait leurs banderoles, moi, en tout cas, je ne suis pas avec eux. » Et il lance, crânement : «Hama Amadou, c’est un prisonnier politique ». L’affaire de trafic présumé de bébé, «c’est un complot. Même s’il n’est pas libéré, nous voterons pour lui», renchérit-il.
Quant à Mohamed Hadja Amghar, étudiant, la vingtaine bien sonnée, sa préoccupation est bien ailleurs. Ce jeune Nigérien fait le constat que depuis le lancement de la campagne électorale, « les usagers de la route conduisent très mal. Pas plus tard que ce matin (ndlr : 1er février 2016), explique-t-il, mon camarade et moi (à ses côtés) avons failli être renversés par un automobiliste. Ils sont nombreux ici, à penser que tout leur est permis dans la circulation, depuis que la campagne électorale a été lancée. Et comme si cela ne suffisait pas, ils font de l’excès de vitesse».
A propos de la campagne, il en vit véritablement l’ambiance, car, souligne-t-il, «un peu partout à travers Niamey, sont dressés affiches, banderoles et autres portraits des candidats. Qu’ils soient jeunes ou vieux, les Nigériens discutent de politique ». Mais s’il y a une chose qu’il redoute, ce sont les réflexes identitaires et à ce propos, Mohamed Hadja Amghar ne mâche pas ses mots : « Je n’ai pas de candidat pour la simple raison qu’à mon avis, les Nigériens ont une mauvaise perception de la politique. On vote tel ou tel candidat sur des considérations subjectives qui ne tiennent pas toujours compte de la compétence. Tout cela ne fait pas bon ménage avec la démocratie.»
« Notre plus grande denrée, c’est la paix», lance, pour sa part, cet ancien militaire reconverti en taximan dont le plus grand souhait est que Dieu porte à la tête du Niger, un président responsable à même de bien le diriger. Mais quel que soit le président qui sera issu des urnes, insiste-t-il, « les Nigériens ont le devoir de le respecter. Car, cela aura d’abord et avant tout, été la volonté de Dieu qui sait à qui il donne le pouvoir et pourquoi».
La paix et rien que la paix, c’est aussi le vœu de la Pasteure Christie Jones, une Nigériane résidant depuis des années à Niamey: «Nous respecterons le choix de Dieu. Et prions pour que ces élections se déroulent dans un climat de paix. Nous croisons les doigts pour que Dieu veille sur le Niger et qu’il donne beaucoup de sagesse à tous les candidats. Je prie pour que les perdants acceptent les résultats du scrutin ». Qu’il en soit ainsi.
Cheick Beldh’or SIGUE (envoyé spécial à Niamey)
Légendes:
1- Le siège flambant neuf à trois niveaux, du parti au pouvoir, le PNDS-Tarayya, trône fièrement dans le quartier Zabarkan à Niamey
2- A quelques pas du siège du PNDS, sur la même avenue, celui du parti de Hama Amadou, le Moden Fa Lumana, dont le leader croupit en ce moment en prison
3- Pour ce jeune étudiant, le lancement de la campagne électorale a entraîné un désordre dans la circulation routière à Niamey
4- Un livre écrit par Abdouramane Arouna, sur le président nigérien, dédicacé à l’occasion de la présentation du programme Renaissance II
5- Pasteure Christie Jones n’a qu’une prière : que tout se passe bien dans ce pays qui l’a pratiquement adoptée