Ouagadougou - "Je fais monter les décibels pour montrer qu'ils ne peuvent pas nous empêcher de vivre, de boire la bière, de s'amuser!": en ce samedi soir de réouverture, le DJ du Taxi-Brousse fait de son mieux pour mettre de l'ambiance dans ce bar de Ouagadougou frappé par l'attentat sanglant du 15 janvier.
Il faut "donner un signal aux gens, si on a peur on ne va jamais construire le Faso, il faut rester soudés!", poursuit "DJ Taxi-Brousse", de son vrai nom Kader Aristide Paré.
Malgré ses efforts, l'affluence à ce rendez-vous incontournable sur "la plus belle avenue" de la capitale burkinabè est loin de celle d'avant les attentats. A l'intérieur de l'établissement, le dancing vide, où tournoie un triste jeu de lumières, est toujours criblé de balles.
Le 15 janvier, des jihadistes ont attaqué l'hôtel Splendid, le café-restaurant Cappuccino, l'hôtel Yibi et le Taxi-Brousse, tous situés sur l'avenue N'Krumah. Bilan: 30 morts et 71 blessés.
"Les gens ont peur. Avant, à partir de 22 heures, on n'avait pas de places.
Vendredi, samedi... même les lundis, tout était plein", déplore Fatimata Sawadogo dite "Tata", une des gérantes du Taxi-Brousse.
Quinze jours après les attaques, la propriétaire du bar a décidé de rouvrir. Elle y a été encouragée par le ministre de l'Intérieur, Simon Compaoré, maire de la capitale burkinabè pendant 17 ans, qui "ne souhaitait pas voir sa ville terne, sans vie".
Maçons, peintres, menuisiers et ouvriers ont travaillé pour permettre à l'établissement de rouvrir ses portes et sa célèbre terrasse.
- 'ça va passer' -
"On a tout refait, il y avait les balles partout...le sang, les habits des terroristes tués. Les miroirs brisés, on a tout changé, lavé", raconte Tata.
Mais "c'est pas fini", dit-elle en montrant du doigt des impacts dans la tôle.
"Le Taxi-Brousse reste toujours le Taxi-Brousse quoi qu'il arrive. C'est un coin unique. Il y aura toujours de l'ambiance ici", assure Angela Ma, une Ivoirienne de 26 ans, travailleuse du sexe, revenue sur son lieu de travail de prédilection.
Mais ce soir, les prostituées sont bien plus nombreuses que les clients.
Malgré la décision gouvernementale de lever le couvre-feu en vigueur depuis septembre pour relancer l'économie et surtout la vie nocturne sinistrée, Ouagalais et touristes occidentaux continuent de se faire rares.
Au Taxi-Brousse, Michel, un septuagénaire d'origine française, est le seul "blanc" à avoir fait le déplacement: "Je suis venu là parce qu'il faut que la vie reprenne, il faut relever la tête.
Ces actes ne sont pas explicables. Le Burkina n'a pas besoin de ça".
"C'est partout dans le monde malheureusement. On ne peut pas allumer la télé sans voir ça. Les animaux ils tuent pour manger, nous on tue pour rien", soupire-t-il.
Non loin de lui, deux Béninois en mission sont "venus prendre une bière et voir par curiosité à quoi ressemblent les lieux" de l'attentat, confie l'un d'eux sous couvert de l'anonymat.
"D'ici un, deux mois, ça va passer", conclut Tata, "nous retrouverons nos clients, et eux ils vont retrouver les belles filles, dégusteront une bonne bière fraîche et ils danseront au rythme de leur choix".
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