Réuni en conclave pour désigner son candidat à la prochaine présidentielle, le Comité national d’investiture du Parti congolais du travail (PCT), le parti au pouvoir, a désigné, sans surprise, Denis Sassou Nguesso comme son poulain dans cette compétition électorale. Et l’on ne voit pas comment ce choix pourrait être remis en cause par le Comité central qui doit le valider selon les textes du parti. Autant dire sans aucun risque de se tromper que Denis Sassou Nguesso sera bel et bien sur la ligne de départ de la présidentielle du 20 mars prochain.
On peut s’étonner qu’il n’y ait pas eu d’autre candidature que celle de Denis Sassou Nguesso
Au demeurant, à l’ouverture des travaux, le Secrétaire général du parti avait campé le décor en ces termes : « La circonstance est exceptionnelle et la responsabilité énorme. A nous de prouver, dans cet exercice captivant de démocratie interne, que nous sommes à la hauteur de l’exception. Alors, avec lucidité et sérieux, dans la responsabilité et en toute camaraderie, travaillons en privilégiant notre parti, le Congo et la démocratie ».
Faut-il en rire ou en pleurer ? On peut en effet s’étonner qu’il n’y ait pas eu d’autre candidature que celle de Denis Sassou Nguesso. Certes il y a d’autres personnes qui nourrissent l’ambition d’exercer la tâche ô combien exaltante de présider aux destinées du peuple congolais. Mais qui osera contrarier la boulimie pouvoiriste du grand timonier ? En Afrique, l’on est bien coutumier du fait. Comme au Burkina Faso, par exemple, avec le président déchu Blaise Compaoré. En effet, tant que l’enfant terrible de Ziniaré était au pouvoir, ses partisans ne manquaient pas d’éloges ni de qualificatifs pour prouver qu’il était l’homme providentiel et incontournable en dehors de qui il n’y avait pas de salut pour le peuple burkinabè. C’est exactement la même chose en RDC, en Ouganda, au Cameroun et nous en oublions. Tristes tropiques.
Visiblement, le PCT est aussi dans le même type de schéma. Avec, toutefois, la conviction que le grand sachem ne saurait subir le même sort que l’ex-homme fort du Burkina.
C’est bien malheureux ! Si triste qu’on ne saurait en rire. Bien au contraire, l’on ne peut que pleurer à l’idée de voir comment des intellectuels prétendument démocrates, contribuent à asseoir des dictatures voire des monarchies à la tête des Etats africains, au moment où souffle sur le continent, un vent de renouveau démocratique sur fond d’aspirations légitimes des peuples à plus de liberté. Tout cela, pour préserver des avantages bassement matériels et égoïstes, aux antipodes des intérêts du peuple.
Après avoir réussi à sauter tous les verrous constitutionnels (limite d’âge et limite du nombre des mandats) qui l’empêchaient de prétendre encore au fauteuil présidentiel, c’est sans surprise qu’on verra Sassou Nguesso dans les starting-blocks pour la course à sa propre succession. En tout cas, le contraire aurait été étonnant. Vu tout le mal et la gymnastique intellectuelle à laquelle il s’est adonné pour se remettre dans la course, il fallait vraiment être naïf pour croire que Sassou Nguesso pouvait s’abstenir de prendre part à cette compétition dont on ne voit du reste pas comment il pourrait la perdre. En tout cas, face à une opposition désorganisée et désunie, le président congolais a toutes les cartes bien en main pour rempiler.
Tout porte à croire que Sassou veut mourir au pouvoir
D’autant plus que l’opposition a été prise de court par le chamboulement du calendrier électoral qui a vu l’échéance de la présidentielle ramenée au 20 mars, alors qu’elle était initialement prévue pour juillet 2016. Sans aucun doute, le président congolais a envie de refermer rapidement une parenthèse qui fait couler beaucoup d’encre et de salive, face à des tours de passe-passe dont lui-même est conscient du caractère sordide. Et quand on voit tout le cirque qui vise à présenter la chose comme une requête du peuple lui-même (qui l’aurait supplié de se représenter, à la façon du Timonier togolais Gnassingbé Eyadéma), l’on plonge de plain-pied en République du Gondwana.
Le Congo-Brazza, forme la plus achevée des républiques bananières et ce en ce XXIe siècle ! C’est une comédie au scénario nauséeux qui fait honte à l’Afrique. En tout état de cause, c’est une véritable crasse sur l’image d’une Afrique en pleine mutation. Encore une fois, le monde entier regarde l’Afrique avec des yeux ronds, face à la vaste comédie qu’offrent certains de ses dirigeants qui ont choisi de se mettre du mauvais côté de l’histoire. Le drame, c’est que c’est le destin de bien des peuples qui se trouve ainsi pris en otage. Et pour le Congo, après trente ans de règne sans partage de Sassou, l’on a vraiment envie de dire « Sassoufi» ! Mais tout porte à croire que Sassou veut mourir au pouvoir et est en train de se donner les moyens d’y parvenir. Qui pourrait l’arrêter ? Personne ni rien, sauf Dame nature.
« Le Pays »