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Une semaine après les attaques : La psychose s’installe, la résistance s’organise
Publié le lundi 25 janvier 2016  |  L`Observateur Paalga
Attaques
© aOuaga.com par G.S
Attaques du Splendid et du Cappuccino : un spectacle de désolation dans le périmètre
Samedi 16 janvier 2016. Ouagadougou. Avenue Kwamé N`Krumah. Voitures calcinées, façades noircies, chaussée encombrée ... tel est le spectacle de désolation dans le périmètre de l`attaque contre l`hôtel Splendid et le café-restaurant Cappuccino après l`assaut




La capitale Ouagadougou a connu son premier week-end post-attentat, après les violentes attaques qui l’ont touchée en plein coeur dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 janvier. Une semaine après, nous avons voulu prendre la température sur les lieux du drame et dans les différents restaurants, bars et salles de spectacle du centre-ville. Bilan de ces deux soirées de déambulations : la psychose s’installe mais la résistance s’organise. Récit.

19h30, avenue Kwame Nkrumah. Tout juste une semaine après les attentats, le calme est revenu devant la vitrine calcinée du Cappuccino, où 27 des 30 victimes ont été abattues. Quelques véhicules passent de temps en temps sur le côté de la voie qui a été rouvert à la circulation. La discrète présence militaire est circonscrite à ce périmètre, et c’est à peine si les hommes en arme ou les vigiles du Splendid hotel se déplacent pour déloger les curieux qui s’arrêtent pour photographier les lieux du drame.

Une centaine de mètres plus loin, la terrasse de « Chez Simon » demeure désespérément vide. Seule la demi-douzaine de serveurs qui attend les bras ballants indique que le restaurant est ouvert. « Nous n’avons fermé que pour les 72h du deuil national », indique Abi Saleh, le chef d’exploitation, imperturbablement vissé derrière son comptoir.

« Je n’ai pas peur, parce que je sais qu’un attentat ne se reproduira pas dans le même quartier. Je suis sûr que les clients vont revenir d’eux-mêmes une fois que le choc sera passé, d’ici deux ou trois mois », assure le commerçant, s’interrompant à plusieurs reprises pour prendre des commandes par téléphone.

« Même les habitués n’osent plus se déplacer et commissionnent maintenant des livreurs », confirme Muriel Berg. De son bureau, le gérant par intérim surveille du coin de l’oeil les images des caméras de vidéosurveillance qui défilent sur son écran de contrôle. Pour lui, il ne sert à rien de renforcer la « sécurité active » (fouilles, gardiens armés, vidéosurveillance…) tant l’endroit est ouvert et vulnérable, et il convient de privilégier la « sécurité passive » en redoublant de vigilance et en dégageant les issues de secours.



« Si on change notre mode de vie, c’est comme s’ils avaient gagné »



Entre-temps, trois petits groupes ont investi la terrasse. Assis près de la devanture, Stanislas a invité son cousin franco-burkinabè et une amie française à déguster la fameuse dame blanche* de « Chez Simon ». Ils n’ont pas hésité à sortir ce soir, même si le programme de leurs vacances a été quelque peu perturbé par le contexte sécuritaire : l’un se trouvait dans le vol d’Air France qui a été dérouté vers Niamey puis Lomé avant d’arriver à Ouaga, l’autre a atterri avec trois heures d’avance à cause des nouveaux horaires du couvre-feu.

A la table voisine, Ibrahim raconte qu’il a sauté dans le premier avion depuis Bamako pour venir soutenir son ami de longue date, Gaëtan Santomenna, le propriétaire du Cappuccino qui a perdu une partie de sa famille dans l’attaque du vendredi 15. « Je suis d’accord avec lui, il ne faut pas se laisser abattre. Au Mali, les gens continuent de sortir. Mais je comprends que les Burkinabè soient encore traumatisés, car c’est la première fois que leur capitale est ainsi frappée », développe le boulanger venu des rives du Djoliba. A côté de lui, ses trois compères tchadiens compatissent et vantent la résistance de leur armée et de leur population face au terrorisme.

Quant à Daouda, il a pris place au plus près de l’avenue. « J’avais l’habitude d’aller au Cappuccino. Si l’on change notre mode de vie, c’est comme s’ils avaient gagné », confie ce père de famille, qui a laissé ses enfants au « Festival des glaces » pour venir savourer un milk shake au grand air. « On ne peut pas faire un djihad contre les djihadistes, alors c’est ma manière à moi de résister. Nous les vaincrons comme nous avons vaincu le RSP, car c’est le même esprit de terreur qu’ils veulent nous imposer », analyse le juriste.

« Tu te trompes, tu te trompes… »

En face, le restaurant « Patacrêpe » est fermé, mais pas « La Véranda ». Là non plus, ce n’est pourtant pas l’affluence des vendredis « qui dégagent de l’énergie », selon l’expression des employés tout de vert vêtus. Dès 22h, il ne reste plus qu'une seule tablée. Mais quelle tablée, avec notamment les compositeurs Tall Mountaga et Bil Aka Kora, dont les paroles du dernier clip résonnent pour la première fois sur les ondes de la RTB en arrière-fond. « Toi, venu de je ne sais où, un vendredi pour ôter des vies. Tu te trompes, tu te trompes… », reprend en coeur la pléiade d’artistes qui les accompagnent.

« Je ne vais pas commencer à avoir peur de me promener sur « Kwame ». Ca voudrait dire que je ne répète plus, puisque c’est ici que se trouve mon studio! », s’exclame Bil Aka Kora. « Hésiter à sortir? Pourquoi? », renchérit Ousmane Bandaoné, qui s’est installé à « La Véranda » à 18h30, et qui depuis reçoit ses connaissances venues partager un moment avec lui. Le promoteur culturel appelle à une grande « chaîne humaine de lumières » le lendemain, « pour dire à ceux qui nous ont cherchés qu’ils nous ont trouvés », et « défendre les libertés pour lesquelles notre pays a tant lutté ».

La discussion se prolonge et les verres s’enchaînent, mais peu avant minuit les motos ronronnent et chacun repart de son côté. L’heure du couvre-feu - que des rumeurs annonçaient avancée à 20h - n’a pas encore sonné, que déjà « la plus belle avenue de Ouaga » et les nombreux vigiles qui gardent ses bureaux et ses banques se sont endormis. Les rares véhicules qui se croisent se jaugent avec méfiance. Le sommeil a gagné la plupart des militaires postés devant le Splendid hotel, étendus à même le sol d’une coursive attenante. Comble du lugubre, la boule à lumières du « Taxi-Brousse » continue de tourner dans ce maquis que désormais seule la mort fréquente. Quelques prostituées continuent de siffler désespérément près du rond-point des Nations unies. Pas le temps de s’arrêter. Il est déjà 0h30 et il faut rentrer.

L’Institut français, « un des lieux les plus sécurisés de Ouaga »

Le lendemain soir, l’Institut français (IF) rouvre son théâtre de plein air pour accueillir l’artiste malien Kassé Mady Diabaté. Mais alors que « le griot à la voix d’or » aurait dû faire salle comble, c’est à peine 150 places sur les 437 du « Grand Méliès » qui sont occupées. « C’est toujours mieux que pour le café-concert de vendredi soir, où nous étions seulement quelques dizaines. Je n’avais jamais vu ça. A l’heure où la culture entre en résistance, il faut qu’on soit ensemble », insiste le chargé de communication de l’IF, Hugo Pourtout, alors que derrière lui les spectateurs se lèvent progressivement de leurs sièges pour se mettre à danser.

A la sortie, le programmateur, Camille Louvel, tient à revenir sur le vent de panique qui a soufflé sur l’Institut au moment de l’attaque du Cappuccino. En réalité, les spectateurs ont pris peur lorsqu’il a pris le micro pour annoncer ce qui se passait, et qu’au même moment les policiers ont brusquement fermé le portail pour se replier à l’intérieur de l’enceinte. Contrairement à ce qu’a pu écrire notre confrère, Evariste Zongo, aucun coup de feu n’a été tiré dans le quartier, et il est le seul à s’être blessé en tentant d’escalader le mur de derrière.

« Les rues adjacentes ont été rapidement bouclées, et tout le public a été évacué par petits groupes à partir de 20h15. Entre l’état-major des armées et le camp Guillaume, je pense que nous nous trouvons dans l’un des lieux les plus sécurisés de Ouaga », certifie Camille Louvel. L’effectif policier a néanmoins été augmenté de 8 à 10 unités, les contrôles systématisés dans la journée, et les murs devraient bientôt être surélevés.

Comme chaque week-end, une partie du public prolonge alors la soirée dans l’un des bars branchés du centre ouagavillois. Ici, toujours un seul « parkeur-vigile » à l’entrée et pas de portique. « Ça coûte beaucoup trop cher! », s’écrie le patron. « C’est impossible de l’imposer à un milieu de la nuit qui a déjà été très affecté par le coup d’Etat, les différents deuils nationaux et le couvre-feu. Et puis ici, l’endroit est un peu reculé et notre clientèle métissée. Je ne pense pas que nous soyons particulièrement ciblés », conclut-il.



Thibault Bluy
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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