Le Conseil constitutionnel, dans une décision datée du 22 janvier 2016, a rejeté le recours de Cherrif Sy, contre le mandat de Juliette Bonkoungou, députée CDP. L’ancien président du CNT lui reproche de n’avoir pas démissionné de son poste de magistrat avant de briguer son actuel poste électif. Le recours a été rejeté, car, infondé. La juridiction a donné suite au mémoire en défense de Juliette Bonkoungou qui a indiqué avoir demandé et obtenu la retraite anticipée. Elle n’est donc plus sous le coup d’une incompatibilité.
Considérant que par requête en date du 23 décembre 2015, enregistrée au Greffe du Conseil constitutionnel le 28 décembre 2015 sous le n°2015-139/CC/Greffe, le Président du Conseil national de la Transition demande au Conseil constitutionnel de constater la déchéance de plein droit de la qualité de député de madame Juliette Bonkoungou/Yaméogo déclarée élue «en violation flagrante des dispositions légales en vigueur», notamment des articles 202 et 222 du code électoral et 111 de la loi organique n° 050-2015/CNT du 25 août 2015 portant statut de la magistrature;
Considérant que dans ses développements le Président du Conseil national de la Transition précise qu’aux termes de l’article 202 du Code électoral «le député dont l’inéligibilité se révèle après la proclamation des résultats et l’expiration du délai de recours ou qui, pendant son mandat, se trouve dans l’un des cas d’inéligibilité prévus par le code électoral est déchu de plein droit de la qualité de membre de l’Assemblée nationale. La déchéance est constatée par le Conseil constitutionnel, à la requête du Président de l’Assemblée nationale ou du Président du Faso» ; qu’il estime qu’aux termes de l’article 222 du code électoral, sa requête n’est pas prématurée;
Considérant que le requérant s’appuie également sur l’article 111 de la loi organique n° 050-2015/CNT du 25 août 2015 portant statut de la magistrature qui interdit au magistrat, quelle que soit sa position, d’être membre d’une formation politique ou d’exercer des activités politiques. Le magistrat désirant s’engager en politique doit, préalablement, rendre sa démission. Qu’il affirme que madame Juliette Bonkougou/Yaméogo, magistrat en activité, a violé ces dispositions en présentant son dossier de candidature aux élections législatives du 29 novembre 2015 pour le compte du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) ;
Considérant que fort des développements ci-dessus, le requérant demande au Conseil constitutionnel de constater la déchéance de plein droit de la qualité de député de madame Juliette Bonkoungou/Yaméogo;
Considérant que dans son mémoire en défense en date du 05 janvier 2016 enregistré au greffe du Conseil constitutionnel le même jour, madame Juliette Bonkoungou/Yaméogo soutient que l’article 202 du code électoral prescrit la déchéance de plein droit du député élu pour cause d’inéligibilité ; qu’elle n’est nullement concernée par les causes d’inéligibilité définies à l’article 166 du code électoral mais était dans un cas d’incompatibilité régi par l’article 167 al 1 du code électoral; qu’elle a mis fin à cette incompatibilité dans le délai prescrit par l’article 173 du code électoral en demandant et obtenant sa retraite anticipée suivant l’arrêté n° 2015-157/MJDHPC/DRH du 29 décembre 2015 ;
Considérant qu’elle affirme «qu’au surplus, à la date du 30 décembre 2015, date de la validation du mandat des députés, la requête du sieur Moumina Cheriff Sy déposée précocement le 23 décembre 2015 était dénuée d’objet ; que pire ce dernier n’avait plus ni la qualité, ni intérêt pour agir; que sa requête est donc irrecevable et doit en conséquence être rejetée» ;
Considérant que le mémoire en défense de madame Juliette Bonkoungou/Yaméogo a été notifié au Président de l’Assemblée nationale le 08 janvier 2016 ; que cette notification est restée sans suite;
Sur la recevabilité
Considérant que l’article 157 de la Constitution détermine les personnalités habilitées à saisir le Conseil constitutionnel dont le Président de l’Assemblée nationale; qu’aux termes de l’article 12 aI 1, de la Charte de la Transition le Conseil National de la Transition est l’organe législatif de la Transition; qu’à la date de la requête monsieur Moumina Cheriff Sy était toujours Président du Conseil national de la Transition et par conséquent avait qualité pour saisir le Conseil constitutionnel; que sa requête doit être déclarée recevable;
Sur le fond
Considérant qu’aux termes de l’article 111 de la loi organique n°050-2015/CNT du 25 août 2015 portant statut de la magistrature « il est interdit au magistrat, quelle que soit sa position, d’être membre d’une formation politique ou d’exercer des activités politiques. Le magistrat désirant s’engager en politique doit, préalablement, rendre sa démission»; que l’article 111 établit ainsi une incompatibilité entre le statut de magistrat avec les activités politiques; qu’il s’agit d’une interdiction prévue par le statut de la magistrature qui ne rentre pas dans les cas d’inéligibilité prévus à l’article 166 du code électoral;
Considérant qu’aux termes de l’article 202 du Code électoral «le député dont l’inéligibilité se révèle après la proclamation des résultats et l’expiration du délai de recours ou qui, pendant son mandat, se trouve dans l’un des cas d’inéligibilité prévus par le code électoral est déchu de plein droit de la qualité de membre de l’Assemblée nationale. La déchéance est constatée par le Conseil constitutionnel, à la requête du Président de l’Assemblée nationale ou du Président du Faso» ;
Considérant qu’en l’espèce, il s’agit d’incompatibilité du statut de magistrat avec le mandat de député traité à l’article 173, al. 1, du code électoral; qu’en outre, c’est par erreur que le demandeur cite l’article 222 qui a été supprimé du code électoral;
Considérant qu’aux termes de l’article 173, al. 1, du code électoral «le député qui, lors de son élection, se trouve dans l’un des cas d’incompatibilité visés au présent chapitre, est tenu d’établir dans les quinze jours qui suivent son entrée en fonction, qu’il s’est démis de ses fonctions incompatibles avec son mandat».
Considérant que la défenderesse a pris fonction le 30 décembre 2015, date de la validation de son mandat de député; qu’elle a demandé et obtenu sa retraite anticipée suivant l’arrêté n°2015-157/MJDHPC/DRH du 29 décembre 2015; qu’elle s’est conformée aux dispositions de l’article 173, al 1, du code électoral; que la requête du Président du Conseil national de la Transition doit être rejetée comme étant mal fondée;
Décide:
Article 1er : la requête du Président du Conseil National de la Transition est recevable.
Article 2 : la requête du Président du Conseil National de la Transition est rejetée comme étant mal fondée.
Article 3 : la présente décision sera affichée au greffe du Conseil constitutionnel, notifiée au Président de l’Assemblée nationale, à madame Juliette Bonkoungou/Yaméogo et publiée au Journal officiel du Burkina Faso.
Ainsi délibéré par le Conseil constitutionnel en sa séance du 22 janvier 2016.
Et ont signé, le Président, les membres et le greffier en Chef.
Suivent les signatures illisibles.
Pour expédition certifiée conforme à la minute.
Le Greffier en chef
Maître Massmoudou Ouédraogo