Le Burkina Faso a connu dans la nuit du 15 au 16 janvier dernier, l’une des attaques terroristes les plus meurtrières de son histoire avec une trentaine de morts et plus de 150 blessés. Cinq jours après ce drame, une équipe de Sidwaya a fait le tour, le mercredi 20 janvier 2016, dans quelques établissements hôteliers et restaurants pour constater les dispositifs sécuritaires mis en place pour contrer d’éventuelles attaques.
Mercredi 20 janvier 2016. Cinq jours après les attaques terroristes qui ont frappé la capitale burkinabè, la vie reprend, peu, à peu son cours normal. La torpeur occasionnée les attentats, aujourd’hui surmontée, les Ouagalais semblent renouer avec leurs habitudes quotidiennes. La prudence reste tout de même de mise. En effet, dans certaines artères de la ville, des véhicules de la Brigade anti-criminalité (BAC) et des Forces de défense et de sécurité (FDS) patrouillent inlassablement. Les établissements hôteliers et restaurants, secteur particulièrement touché lors des attaques, sont également sous leur garde. Il est 11h 20 minutes quand nous arrivons à l’hôtel Golden Tulip le Silmandé, situé au nord du barrage n° 3 de Tanghin. Le long de la voie menant à l’hôtel, assis sous un arbre, un groupe d’environ 5 agents de la BAC observe notre arrivée. Parvenu à leur niveau, notre véhicule est intercepté. «Bonjour ! Les identités !», nous lance-t-on. Nous nous exécutons, sans hésiter. Le véhicule et ses occupants sont passés au peigne fin. « Ouvrez le coffre! », ordonne l’un des agents, le visage taillé à la serpe. Après deux minutes de fouille minutieuse, nous sommes autorisés à accéder à l’hôtel. Deux vigiles, à l’entrée de l’édifice, veillent au grain. Tout visiteur est astreint au détecteur de métaux. Les sacs, vidés de leur contenu. A l’intérieur de l’hôtel, un homme en costume noir, la quarantaine bien remplie, nous approche. «Oui monsieur, vous voulez ?», nous demande-t-il, poliment. Suspicion ou un simple contrôle d’usage ? Les pensées se bousculent dans notre esprit. En attendant, nous déclinons néanmoins notre identité. L’air rassuré, l’homme esquisse un sourire. « Attendez à l’accueil, je reviens », nous dit-t-il, avant de s’engouffrer dans un ascenseur. Deux minutes plus tard, il réapparaît en nous confiant avoir reçu «l’onction» de sa hiérarchie pour répondre à toutes nos interrogations. Soumaïla Ouédraogo, responsable de l’hôtel Golden Tulip, nous explique le dispositif sécuritaire mis en place pour contrer d’éventuelles attaques terroristes.
Aucune fouille à l’entrée
Avec un grand réseau de vidéo-surveillance, d’agents de la BAC et de vigiles, M. Ouédraogo estime, tout en disant ne pas vouloir divulguer tout le dispositif, que son établissement est l’hôtel le plus sécurisé à Ouagadougou. «Le nouvel acquéreur a misé sur la sécurité. Nous avons même des caméras qui peuvent balayer dans un rayon de 1500 m. Il y a également un projet de clôture et d’extension du système de vidéo-surveillance», affirme Soumaïla Ouédraogo. Autre lieu, autre décor. A Royal Beach, hôtel situé dans le quartier Dassasgho, en dehors des deux agents de sécurité privés qui assurent la garde de l’entrée, aucune trace d’éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS). Ici aussi, toute personne accédant à l’établissement est fouillée et passée au détecteur de métaux. Comme au Royal Beach, ce sont des vigiles qui assurent également la sécurité à Palace Hôtel, situé à Ouaga 2000. En sus, aucune fouille n’est faite à l’entrée. Mais le directeur d’exploitation, Issouf Ouattara, a une explication. « Les fouilles et la détection de métaux sont appliquées en fonction de l’affluence », nous précise-t-il non sans mentionner qu’il ne trouve pas, au regard du nombre actuel de clients, nécessaire de mettre en place un dispositif de surveillance. En revanche, Issouf Ouattara indique que depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, son établissement a installé une haie à travers une grille de protection avec des portes d’accès autour de l’hôtel. « Nous avons aussi renforcé le personnel de sécurité pour qu’au niveau des issues, il y ait des personnels en permanence. En corrélation avec la gendarmerie et la police de la zone, nous avons mis en place un dispositif de renseignement permanent pour que des clients suspects soient signalés », révèle M. Ouattara. Il poursuit en indiquant qu’après les attaques du 15 janvier dernier, un dispositif de vidéo-surveillance est en cours d’installation. Au restaurant Café ONU, non loin de la base aérienne, l’affluence est à son comble. De nombreux expatriés fréquentent le restaurant mais aucun dispositif sécuritaire n’est visible.
Le réveil des consciences
Nous cherchions à rencontrer un des responsables des lieux. « Ce sera un peu compliqué au regard de l’affluence de notre clientèle », nous fait savoir un des caissiers, occupé à feuilleter nerveusement la pile de factures sous ses yeux. Une serveuse renchérit : « Tantie même vient de partir ». Le message est clair : personne n’est disposé à nous accorder un moment d’attention. Pendant ce temps, les clients, visiblement sereins, se restaurent paisiblement. Après 5 minutes d’attente sans gain de cause, nous quittons les lieux.
Les attaques djihadistes du vendredi dernier aux hôtels Splendid, Yibi et au restaurant Capuccino, au-delà de la perte en vies humaines, ont causé de grosses pertes en termes de chiffres d’affaires chez les hôteliers. « Nous avons connu beaucoup d’annulations de réservations. Il y a même eu un groupe de 37 personnes qui est parti en écourtant leur séjour de 48 heures », révèle le responsable de la sécurité du Golden Tulip le Silmandé, l’air découragé. Pour le directeur d’exploitation de Palace hôtel, le mois de janvier est habituellement peu fourni en activités. «Ce qui vient de se passer le vendredi 15 janvier dernier n’a fait qu’aggraver la situation», marmonne-t-il, l’air dépité. A l’écouter, plusieurs activités programmées ont été annulées avec, en toile de fond, une inquiétude grandissante au sein du personnel. Notre «promenade» achevée, nous envisageons notre retour au journal. Sur le chemin de retour, plusieurs interrogations nous taraudent l’esprit. Une certitude demeure. Ces attaques auront permis aux Burkinabè d’appréhender le phénomène du terrorisme dans toute sa laideur et son omniprésence. « C’est un incident malheureux parce qu’il a causé la mort d’une trentaine de personnes. Mais cela a réveillé les consciences. Dans le futur, nous saurons pallier ce genre de situations malheureuses», nous avait confié Soumaïla Ouédraogo de l’hôtel Golden Tulip. Dans la foulée, celui-ci, avec à son actif plusieurs années dans le secteur de l’hôtellerie, propose que l’Etat remette à tout entrepreneur hôtelier un cahier des charges avec un accent particulier sur la sécurité, facteur auparavant négligé par les uns et les autres. Issouf Ouattara (Palace hôtel), pour sa part, reconnaît les nombreux efforts fournis par l’Etat burkinabè, mais souhaite voir ceux-ci accroître.
Joseph HARO