5 jours après les attaques terroristes du vendredi 15 janvier dernier, l’avenue Kwamé N’Krumah a été ouverte à la circulation, le mercredi 20 janvier 2016. Constat, l’avenue, marquée par une forte présence des forces de sécurité, a perdu de son affluence. Seuls quelques petits commerçants installés au bord de la voie et les passants animaient cette avenue jadis bondée de monde.
Il est 10 h 24 mn sur l’avenue Kwamé N’krumah, en cette matinée du 20 janvier 2016. Les barrières installées par les forces de sécurité ont été en partie levées pour permettre la circulation. Seule une chaussée est ouverte à la circulation rendant difficile la mobilité des usagers de ladite avenue. Quelques badauds, venus satisfaire leur curiosité, sous le regard vigilant des forces de sécurité, sont priés de respecter une certaine distance. Pas question de filmer ou même de procéder à des prises de vue. Ce mot d’ordre est également valable pour les journalistes-reporters à qui il est interdit de filmer ou même de faire des photos. Au restaurant Cappuccino, l’heure est à l’expertise et à la recherche de toutes informations utiles. Des experts analystes, en blouse blanche, y procèdent à des prélèvements. Le restaurant est méconnaissable, tout y est calciné. A Splendid hôtel, quelques personnes, munies de balai, de seaux et autres objets d’assainissement, procèdent au nettoyage des lieux. Le constat qui se dégage est que les activités n’ont pas véritablement repris en ce premier jour d’ouverture de l’avenue après les attaques terroristes de vendredi dernier. Les grands services comme la banque UBA et Royal Air Maroc, situés dans le périmètre quadrillé par les forces de sécurité, sont restés fermés. L’hôtel Palm Beach, lui, est resté ouvert, mais l’affluence n’est pas visible. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le parking –il était vide- pour s’en rendre compte. Dans le périmètre, seule une agence de finances est ouverte, Fidelis finances Burkina. Quelques travailleurs de ladite agence sont venus apprécier la situation. Pour Anselme Sanou, agent à Fidelis finances Burkina, il n’est pas question de céder du terrain aux terroristes. « Quand on a appris que les lieux étaient ouverts, nous avons décidé de venir ce matin parce que quoi qu’on dise, il ne faut surtout pas céder à ces terroristes. Nous sommes donc venus pour apprécier la situation et dès que possible nous allons reprendre le travail. Il ne faut pas laisser les forces du mal prendre le dessus parce leur objectif, c’est de terroriser les gens. Il ne faut donc pas leur donner raison », a-t-il justifié ainsi sa présence sur les lieux. Toutefois, il dit être conscient qu’il faut renforcer la sécurité sur l’avenue Kwamé Nkrumah. « De façon générale, chaque Burkinabè doit savoir à partir de maintenant qu’il doit renforcer sa sécurité, exprimer sa citoyenneté en matière de sécurité en dénonçant tout cas suspect aux forces de sécurité. Au-delà de cela, le gouvernement doit prendre des mesures de sécurité et sûrement que les différents services vont renforcer leur sécurité », a-t-il dit, déterminé. Situé tout juste à côté du restaurant Cappuccino, Fidelis finances Burkina, ou du moins ses agents, a été témoin des actes barbares des terroristes, le vendredi dernier. Anselme Sanou revient sur l’horreur : « Pour ce qu’on a vécu, c’était horrifiant. C’est une horreur que nous avons vécue. Du jamais vu. On pensait que cela ne se passait que dans les films, mais on l’a vécu en réalité. C’est aux environs de 19h30 que tout a commencé. On était au bureau et on s’apprêtait même pour rentrer quand les tirs ont commencé. Je suis donc descendu pour voir ce qui se passait parce que je suis au premier et je voyais des corps déjà à terre. C’était abominable et c’est là qu’on a compris que les tirs venaient de Splendid hôtel et de Cappuccino. Le reflexe était de remonter et de se cacher. Après cela, on a vu que les tirs ont continué toute la nuit. J’étais avec une de mes collègues qui était déjà descendue pour rentrer. A un moment donné, je suis redescendu pour voir si elle avait pu partir. C’est là qu’on a pu s’approcher de Cappuccino et on a vu quelques corps étalés. Au même moment, on a aperçu quelques assaillants au niveau de Splendid. Il y en avait au moins 3. Il y a 1 autre qui tirait de l’autre côté et on a dû replier pour revenir à notre cachette. Quand on est remonté, on a dû rester en haut pour éviter de mettre notre vie en danger. Du premier, on regardait tout. C’était triste mais réel. Ceux qui ne savaient pas roulaient tranquillement et venaient rentrer dans les balles ». Au rez-de-chaussée du bâtiment qui abrite Fidelis finances Burkina, un serveur du restaurant Showbiz a trouvé la mort. « Vous voyez (tout en indexant les traces de sang versé sur les carreaux), c’est un des serveurs de Showbiz qui a perdu la vie. D’autres étaient blessés. On a tenté d’appeler la sécurité, mais la ligne était surchargée », explique Anselme Sanou, la voix encore nouée d’émotions.
Les petits commerçants espèrent toujours
Sur l’avenue Kwamé N’krumah, hors du périmètre quadrillé par les forces de sécurité, quelques petits commerçants sont installés. Vendeurs ambulants, vendeurs de chaussures, de portables et de cartes de recharge se disputent la clientèle devant Coris Bank. Idrissa Ouédraogo, vendeur de chaussures, fait partie du groupe. Il confie qu’il n’y a pas d’affluence. « C’est seulement aujourd’hui que j’ai repris mon activité depuis l’évènement. Il faut dire que l’affluence n’est pas comme d’habitude. Il n’y a pas de clients, mais l’objectif que je visais en venant au marché aujourd’hui, c’était beaucoup plus pour m’enquérir des nouvelles des autres vendeurs afin qu’on puisse s’unir, se donner des idées et s’entraider suite à cette terrible attaque », explique-t-il. Même avec une petite peur au ventre, Idrissa Ouédraogo entend bien continuer son commerce.
« Pour tout dire, tous ici, nous avons toujours peur que ces terroristes reviennent. Mais nous sommes quand même plus relaxes parce que nous avons nos forces de sécurité qui sont ici présentes pour assurer notre sécurité. Nous leur faisons confiance », fait-il savoir. Issa Nana, vendeur de téléphones portables, lui, a repris son commerce depuis le mardi 19 janvier 2015.
Il n’a plus peur et entend mener ses activités en toute quiétude. « Nous ne pouvons plus avoir peur à l’heure actuelle puisque l’acte est déjà commis. Nos forces de sécurité feront le nécessaire pour retrouver ces terroristes », a-t-il dit. S’il a repris ses activités, Issa Nana déplore le manque de clients. « A vrai dire, les téléphones ne se vendent pas.
Il n’y a pratiquement plus de clients depuis les attaques. Les gens ne font que sillonner l’avenue juste pour faire le constat sans faire attention à nos marchandises », regrette-t-il. Comme les autres vendeurs, Issa Nana espère que l’avenue Kwamé Nkrumah retrouvera son ambiance d’antan au grand désarroi des terroristes1