A peine le premier gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré a-t-il été formé, le 13 janvier 2016, que le Burkina Faso essuie la première véritable attaque djihadiste de son histoire. Et quelle attaque! Frappé au cœur, sur l’avenue Kwame N’Krumah, l’une des plus importantes et des plus actives de la capitale, le «pays des Hommes intègres» est encore groggy au lendemain de cette barbarie innommable qui a dévasté le restaurant café «Capuccino» et le «Splendid Hôtel» au soir du 15 janvier dernier. Selon les chiffres officiels, vingt-neuf personnes de 18 nationalités différentes ont ainsi trouvé la mort dans ce saccage, tandis qu’on enregistre plusieurs dizaines de blessés.
En attendant que les enquêtes situent les responsabilités et identifient les éventuelles complicités, au moment où chacun se demande comment on en est arrivé là, cette gifle djihadiste, terrible et dramatique, impose d’ores et déjà aux autorités nationales de relever coûte que coûte le défi de la sécurité. Le chef de l’Etat, qui prend à peine ses marques au palais de Kosyam, ainsi que son gouvernement ont à présent une mission impérieuse : prospecter rapidement les mécanismes qui ont pu faciliter la réussite d’un tel acte ignominieux pour prendre les mesures qui conviennent, d’une part ; mais aussi regarder devant pour mieux répondre désormais au crucial défi sécuritaire qui se pose avec gravité au pays.
C’est un fait, ceux qui ont frappé Ouagadougou le 15 janvier dernier, «vendredi noir» pour les Burkinabè – un de plus pour tous les peuples épris de paix, de justice, de prospérité et de développement! -, ont minutieusement préparé leur coup, choisissant avec soin le moment de l’attaque et les cibles de ce projet funeste. Le nouveau pouvoir se mettait progressivement en place, le gouvernement n’a même pas eu le temps de se placer alors que le pays sortait bravement de treize mois d’une Transition sociopolitique difficile couronnée par des consultations électorales (présidentielle et législatives) réussies.
Le pays reste donc encore vulnérable et les populations, impatientes de voir se concrétiser les couleurs du changement véritable qu’ils espèrent dans leur quotidien, attendent de juger ce gouvernement tout neuf sur pièce… Mais l’équipe du Premier ministre Paul Kaba Thiéba n’aura pas eu le temps de s’installer. Il vient d’être brutalement rappelé à l’ordre sécuritaire, un ordre sécuritaire extranational que lui impose la géopolitique et qui risque fort bien de réorienter sa feuille de route.
En tout cas, au sortir de ce week-end d’horreur, rien ne doit plus être laissé au hasard. La sécurité des biens et des personnes devient le défi numéro un du pouvoir en place qui, tout en étant déjà conscient, comptait sans doute s’attaquer rapidement aux problèmes économiques et sociaux qui ont aussi grandement fait le lit de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
Le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, ne s’y est du reste pas trompé lorsqu’il a affirmé, dans le message qu’il a adressé aux Burkinabè samedi dernier, que «désormais la lutte anti-terroriste fait partie de notre quotidien». Au surplus, la conviction du Président du Faso est faite que… «ces actes criminels, d’une rare barbarie, perpétrés contre d’innocentes personnes et que l’organisation criminelle Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) vient de revendiquer, visent à déstabiliser notre pays et ses institutions républicaines et à saper les efforts de construction d’une nation démocratique, paisible et prospère».
Est-il besoin de le rappeler, de Paris, en France, à Ndjamena, au Tchad, en passant par Fotokol (Cameroun) et Maiduguri (Nigeria), les actes terroristes rythment la vie de paisibles populations qui ne demandent rien d’autre qu’à vivre en paix et dans la concorde. Régulièrement otages et victimes, ces dernières années, de groupes djihadistes qui sèment terreur et désolation sur leur passage, les pays du Sahel notamment subissent les coups de boutoir de tous ces extrémismes qui s’en prennent à des milliers d’innocentes personnes, de surcroît étrangères à leurs intérêts et enjeux.
En effet, il ne se passe plus pratiquement un jour sans que notre monde se réveille ou ne s’endorme avec les horribles images d’une attaque terroriste et/ou djihadiste perpétrée quelque part dans ce village que partagent plus de «sept milliards de voisins». Jusque-là relativement épargné par cette onde qui a frappé ses pays frontaliers, la menace qui pesait sur le Burkina Faso s’est ainsi lourdement manifestée un soir de vendredi.
De toute évidence, les responsables gouvernementaux du monde entier devraient s’unir avec les institutions spécialisées et travailler résolument à mettre hors d’état de nuire tous ceux qui, au Nord comme au Sud, professent la négation de l’humanité et s’acharnent, sur le terreau de l’impunité et de l’indifférence, à prospérer dans leurs basses besognes. Mais combien de plaidoyers faudra-t-il pour qu’un sursaut universel sans précédent remette le monde dans un nouvel ordre de paix et de tolérance?
Serge Mathias Tomondji