Avec un confrère de Fasozine, Abel Azonhandé, on était sur le lieu tout au plus 10 minutes avant le début des évènements. On avait quitté l’Institut français et on rentrait à la maison lorsqu’on a reçu un appel téléphonique d’une connaissance qui nous a dit qu’un véhicule a pris feu en face de l’hôtel Splendid. On a alors décidé d’y faire un tour pour comprendre et faire un reportage. Quand on s’y rendait la rue était déserte. Il n’y avait personne et c’était un silence total. On a eu le courage de nous approcher du véhicule en feu pour juste avoir quelques images et recueillir des témoignages. N’ayant pas de caméra sur moi, j’ai sorti ma tablette pour filmer. Au même moment, un monsieur est sorti de l’hôtel à toute vitesse. On l’a alors interpellé, mais il n’arrêtait pas de nous crier : «Courez, courez !» Nous lui avons demandé ce qui se passait, car nous ne pouvions pas courir sans motif.
Comme explications, Ils a crié : «ils sont dedans, ils sont dedans !» C’est à ce moment qu’un terroriste a surgi derrière nous du Cappuccino. Il tentait de rejoindre les autres terroristes à l’intérieur de l’hôtel. Dans sa course il ne cessait de tirer, et c’est malheureusement à ce moment que notre interlocuteur a reçu une balle et est tombé. Le djihadiste est passé entre Abel Azonhandé et moi. Je me tenais un peu en arrière par rapport à mon confrère. C’est le monsieur qui faisait face à Abel Azonhandé qui a reçu la balle.
Nous étions sur la route. Le terroriste est passé entre mon confrère et moi. Dans la bousculade, je crois que je suis tombé et j’ai eu une blessure à la main. Sous l’effet du choc, je ne suis pas arrivé à en déterminer la cause. Le terroriste a pu se frayer un chemin pour rejoindre les autres à l’hôtel. Moi, j’ai dû m’évanouir, car lorsque j’ai repris mes esprits, j’étais couché près du mur de Cappuccino. A l’intérieur on entendait des cris.
C’est à ce moment qu’une victime a cassé les vitres et est venue nous retrouver pour nous dire qu’on leur a sauvé la vie et que c’est grâce à nous que l’assaillant a quitté le bar pour rejoindre les autres. Nous avons vu à peine le terroriste qui était enturbanné et habillé tout en noir. Impossible de l’identifier. Cherchant à nous éloigner de ce site dangereux, Abel et moi nous sommes retrouvés vers la Base aérienne.
J’ai déploré le fait que nous soyons arrivés avant les forces de l’ordre. Ce n’était pas loin de l’aéroport, et les lieux devraient être sécurisés. Dans l’urgence, mon ami m’a emmené chez lui et il a nettoyé les plaies avant que nous allions au centre de santé le plus proche.
C’était atroce. J’ai été choqué par ces actes. Je me demande ce qui peut vraiment pousser un être humain à agir de la sorte. Ces terroristes agissaient pour tout détruire sur leur passage.
Mais je me pose toujours cette question : qu’est-ce que l’Etat peut prendre comme mesure rapide pour corriger certaines choses, vu que les forces de l’ordre ont vraiment tardé avant de venir sur les lieux ?
David Kokuvi Kokpovivi, vendeur de produits chimiques
«J’ai rampé jusqu’à la sortie du Cappuccino»
J’étais à l’intérieur du Cappuccino avec des amis. Je me suis couché lorsqu’on a entendu une explosion. J’ai entendu tirer, et puis j’ai essayé de me lever pour sortir parce qu’il commençait à y avoir des flammes et beaucoup de fumée. Je me suis alors rendu compte que je saignais de la tête, et j’ai rampé jusqu’à la sortie. J’ai vu plusieurs corps à terre, sans savoir s’ils étaient sans vie ou non. Là, deux personnes m’ont aidé à escalader le mur à côté de l’entrée. Une fois de l’autre côté, j’ai réussi à marcher, la main sur mon épaule où j’ai reçu la balle, pour stopper l’effusion de sang. Puis j’ai été pris en charge par deux agents de la Croix-Rouge qui m’ont transporté dans une ambulance jusqu’à l’hôpital Blaise-Compaoré.
Depuis, je suis sans nouvelles des amis avec qui j’étais, et ça m’inquiète beaucoup.
Georges Ouattara, loueur de véhicules
«Ils étaient à bord de véhicules immatriculés au Niger»
J’étais juste en face du Splendid Hotel du côté du siège du CDP. On était assis parce que quelqu’un voulait louer nos véhicules. Donc on était assis vers les 19h35 et, entre-temps, on a vu des gens qui venaient du Yibi hôtel. Mais en réalité, ils sont venus aux alentours de 16h, car je les ai remarqués autour de l’hôtel. Ils étaient à bord d’une Land Cruiser, d’une Hyundai Santafé blanche et d’un pick-up. Les véhicules sont immatriculés au Niger. Ils avaient le teint clair mais pas très clair comme les Touaregs. Le soir on a vu qu’ils étaient repartis vers l’hôtel Yibi qui est en réfection. Ils sont partis de là-bas et quand ils sont arrivés, les gens ont dit : «Vous voyez, ces gens-là tiennent des armes ; est-ce que ce n’est pas des djiadistes par exemple ?» On en a rigolé. En fait on voyait le bout des armes qu’ils portaient sous leurs habits (robes/manteaux).
Puis entre-temps, ça commencé à tirer. Dans notre groupe, certains ont dit que c’était des feux d’artifice. Moi j’ai dit à mes camarades que c’était plutôt des armes qui crépitaient et qu’on devait courir nous mettre à l’abri.
C’est sur Cappuccino qu’ils ont commencé à tirer. On a commencé à courir puis à ramper pour ne pas prendre de balle.
Je me rappelle qu’ils ont demandé le prix d’un téléphone portable. Ils ne l’ont pas acheté, mais ils ont dit que le portable était un luxe dans la vie.
Après ils sont montés à trois dans la Hyundai, d’autres dans la land Cruiser et d’autres encore sont entrés dans l’hôtel.
Au moment de la fusillade, j’étais sur place près du siège du CDP. Celui qui tirait sur Cappuccino était enturbanné et son turban était bleu foncé.
Sans être précis, car je n’ai pas vu leurs pièces d’identité, je pense que leur âge est compris entre 27 et 35 ans. En tout cas ils n’ont pas la quarantaine selon moi.
Quant au nombre de terroristes, le groupe que j’ai vu de 16h jusqu’à 17h, j’estime qu’ils étaient 7. Je peux me tromper, ou soit, ils étaient alors avec leurs amis ou connaissances.
Je crois qu’ils étaient des clients de l’hôtel, car j’ai un ami qui est interprète qui a dit qu’il les a même salués à l’intérieur de l’hôtel. Mon ami nous a même demandé ce qui se passait pour qu’il y ait tant de Touaregs aujourd’hui…
Bassirou Sawadogo, loueur de véhicules
«On a rampé pour nous éloigner»
On était devant Splendid Hotel parce que c’est notre coin et tout le temps on est là-bas. On était assis et vers les 19h 30 on a entendu des coups de fusil. Un collègue m’a dit que c’était des dynamites, et j’ai dit que si c’est des dynamites cela n’est pas bon en pareil moment. C’est là que mon collègue s’est approché pour voir vers Cappuccino où on entendait des tirs. Quand il s’est approché pour regarder, il a vu que ce n’était pas des dynamites (feux d’artifice) mais plutôt des tirs de fusil. On a couru côté ouest du Splendid Hotel et on a rampé pour nous éloigner.
On n’a pas pu identifier le tireur, car si tu entendais le bruit de l’arme, tu ne pouvais pas t’arrêter pour regarder quoi que ce soit.
Depuis lors, on n’a pu y retourner alors que nous y avons laisser nos motos, nos véhicules…
Propos recueillis par
San Evariste Barro,
Harold Alex Kaboré (stagiaire)