Cela fait un an que des émeutes consécutives à la publication d'une caricature de Mahomet à la Une de l'hebdomadaire français Charlie Hebdo, ont éclaté dans les principales villes du Niger, causant de nombreuses victimes et d’importants dégâts matériels. C’est en effet le vendredi 16 janvier 2015 que les violentes manifestations anti-Charlie Hebdo ont débuté à Zinder, la deuxième ville du pays, au cours desquelles cinq personnes ont été tuées, plusieurs églises catholiques et évangéliques et un centre culturel français incendiés. Dès le lendemain, d’autres protestations du même genre et de la même ampleur ont été organisées dans d’autres villes du Niger, notamment dans la capitale Niamey où les manifestants s’en sont pris aux lieux de culte chrétiens et à tous les symboles de la dépravation aux yeux de musulmans fanatiques, comme les débits de boisson et les maisons closes où des « impies » allaient se livrer à des parties fines. Mais si les manifestants se sont particulièrement acharnés sur les églises et les forces de l’ordre à Niamey, c’est parce qu’ils ont été triplement ulcérés : d’abord par les caricatures et les brocardages en règle du prophète Mahomet et à travers lui, de l’islam qui est la religion de plus de 90% de Nigériens. Ensuite, par la présence jugée indécente du président de la République, Mahamadou Issoufou, à la marche organisée à Paris suite à l’attentat contre l’hebdomadaire français par des djihadistes. Enfin, par la circonstance aggravante qui a consisté en l’interdiction par le pouvoir nigérien du prêche qui devait regrouper le 17 janvier 2015, des fidèles à la grande mosquée de Niamey, à l’appel de certaines associations islamiques de la capitale sur la publication de Charlie Hebdo et sur la participation du président Issoufou à la marche républicaine de Paris.
Tous les musulmans ne sont pas des terroristes
Les scènes de violences et de «représailles» enregistrées au Niger et ailleurs dans le monde suite à ce que de nombreux musulmans ont qualifié de «provocation de trop», sont sinon injustifiables, du moins incompréhensibles d’autant qu’elles ont causé des victimes qui n’entretenaient aucun lien avec le journal français et qui, peut-être, abhorraient même les caricatures de Aylan, Joan Sfar et autres Charb de Charlie Hebdo. Qu’est-ce que le pauvre gendarme écrasé à Niamey par un véhicule de police suite à une chute le jour des manifestations, ou un fidèle chrétien anonyme de Tilabéri, ont de commun avec les journalistes de Charlie Hebdo dont on n’est même pas sûr qu’ils croient en Dieu ? Absolument rien, et ceux qui se sont laissés naïvement instrumentaliser par des commanditaires tapis dans l’ombre mériteraient une cure de « dé- radicalisation » à travers des séances œcuméniques au cours desquelles on magnifierait le dialogue inter-religieux et la cohabitation pacifique entre les populations, quelle que soit la religion des uns et des autres, surtout que nous sommes au Niger où la laïcité est inscrite dans le marbre de la Constitution. Car, il est bon de rappeler que si tous les terroristes revendiquent abusivement le titre de musulman, tous les musulmans ne sont pas des terroristes, loin s’en faut ! Il suffit seulement de trouver le tact et l’art nécessaires pour faire comprendre aux adeptes généralement jeunes, que l’islam est fondamentalement et par excellence une religion de paix et de tolérance, et on arrivera ainsi à les démarquer de tous les fripons qui profitent de leur crédulité pour les amener à commettre des actes criminels.
Il faudra aussi prémunir ces jeunes contre les discours bien souvent opportunistes et hypocrites des hommes politiques qui ne reculent devant rien, même pas devant des sujets sensibles ou potentiellement dangereux pour la paix sociale ; l’essentiel pour eux étant de parvenir à leurs fins qui se résument à la gloire et au bonheur personnels. En tout état de cause, les Nigériens devront avoir un supplément d’âme afin d’éviter le piège infernal du choc des religions et un esprit de discernement afin de combattre tous ceux qui veulent instrumentaliser leur religion pour des desseins sordides.
Hamadou GADIAGA