Dame rumeur tire à sa fin à propos des fils et filles du Burkina dont les noms étaient avancés dans les gargotes et autres cabarets du pays pour figurer dans le premier gouvernement post-transition. En effet, le Premier ministre Paul Kaba Thiéba a dévoilé le mardi 12 janvier 2016, tard dans la nuit, les membres de son équipe gouvernementale. Ils sont au nombre de 29. Et ce chiffre peut faire tiquer d’emblée. En effet, à ce propos, l’ancien président Michel Kafando et prédécesseur de l’actuel locataire du palais de Kosyam, avait laissé entendre à l’occasion de son ultime message à la Nation, ceci : « La Transition a fait fortune sur le chiffre 29 : 29 septembre : triomphe de la résistance populaire sur le RSP ; 29 novembre : organisation des élections ; 29 décembre : investiture du nouveau président du Faso et fin de la Transition ».
L’enfant de Tuiré a certainement jugé nécessaire d’avoir la haute main sur la Grande muette
Consciemment donc, peut-on dire, la baraka liée au chiffre 29 pourrait avoir motivé le tandem Kaboré/Thiéba à constituer le gouvernement de 29 ministres, en ayant le souci de se plier à ce symbole. Car, n’oublions pas que nous sommes en Afrique, et au risque de heurter les esprits cartésiens, ce genre de choses compte dans la vie des hommes et des Etats. Cela dit, et pour faire cette fois-ci dans la rationalité, l’on peut formuler les observations suivantes sur le nouveau gouvernement. La première observation est que, pour la première fois dans l’histoire politique de notre pays, tous les membres de l’Exécutif sont exclusivement des civils. Et cela peut être perçu comme une véritable rupture, voire une révolution copernicienne au pays des Hommes intègres. En effet, tous les gouvernements, depuis l’indépendance en 1960, ont été caractérisés par la présence en leur sein des hommes en kaki. La deuxième observation, c’est que le président du Faso himself a pris en charge le ministère de la Défense nationale. Il est vrai que depuis les mutineries de 2011, Blaise Compaoré l’avait fait de même que Michel Kafando, mais l’on peut dire que par ces temps qui courent, avec la menace djihadiste qui rôde, où le pays n’est pas à l’abri de toute déstabilisation et où l’armée a besoin d’être réformée, l’enfant de Tuiré a certainement jugé nécessaire d’avoir la haute main sur la Grande muette. En plus donc de ses prérogatives constitutionnelles de chef suprême des armées, il veut suivre au quotidien tout ce qui est en rapport avec la vie militaire. La troisième observation est liée au genre. En effet, sur les 29 membres du gouvernement, l’on compte sept femmes soit 24% sur l’effectif gouvernemental. Un effort est certes fait pour impliquer davantage cette frange importante de la population dans la gestion des affaires de l’Etat, mais par rapport à ce qui devrait être l’idéal, il faut reconnaître que l’on pouvait faire mieux. La quatrième remarque porte sur les innovations qui ont été opérées dans la configuration de certains ministères. Celles-ci, de notre point de vue, pourraient participer de la cohérence et de l’efficacité de l’action gouvernementale. A titre d’illustration, l’on peut prendre trois exemples. Le premier est le ministère des Transports, de la mobilité urbaine et de la sécurité routière.
Les Burkinabè considèrent que la compétence des dirigeants doit rimer avec leur probité morale
De toute évidence, ces trois composantes se tiennent. Le deuxième exemple porte sur les deux ministères en charge de l’enseignement. L’on a d’abord le ministère de l’Education nationale et de l’alphabétisation qui prend désormais en compte le préscolaire, plus connu sous le nom d’école maternelle, le primaire, le post-primaire et le secondaire. Du même coup, l’on peut espérer que l’épineuse problématique du continuum pourrait enfin trouver des solutions heureuses. L’on a ensuite le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation. Pour une cohérence, c’en est une. L’on peut d’ailleurs se demander quelle est la logique qui avait prévalu à la création d’un ministère de la Recherche scientifique déconnecté de celui de l’Enseignement supérieur. Pour finir, l’on pourrait se poser la grande question suivante à propos du casting. A-t-on eu le souci de mettre l’homme ou la femme qu’il faut à la place qu’il faut ? Cette question est d’autant plus importante que depuis la chute de Blaise Compaoré et l’avènement de la Transition, les Burkinabè sont dans une posture où ils considèrent que la compétence des dirigeants doit rimer avec leur probité morale. Cette exigence citoyenne, qui, au demeurant, est légitime, a-t-elle été observée dans le casting de Roch Kaboré et de Paul Thiéba ? Il faut l’espérer. Car, autrement, certains ministres courent le risque d’être tout de suite récusés par l’opinion comme ce fut le cas de certains appelés sous la Transition. En plus de cette dimension morale, il faut dire que tous les ministres de ce premier gouvernement post-transition, plus que tous les gouvernements qui se sont succédé dans le pays, seront jugés au résultat et ce, sans bénéficier de la moindre période de grâce. Ils doivent donc d’ores et déjà se considérer comme des maçons qui sont impérativement attendus au pied du mur. Et dans le cas d’espèce, ce mur qu’ils doivent construire doit être un chef-œuvre architectural comme l’impose l’esprit de l’insurrection.
« Le Pays »