Le parti présidentiel tunisien, Nidaa Tounes, a mal à sa cohésion. En effet, son ancien secrétaire général, Mohsen Marzouk, a divorcé de ses ex-camarades. Alors que Nidaa Tounes tenait son congrès ordinaire, le week-end dernier, Marzouk était entouré de quelque 1700 militants et sympathisants dont 17 députés, le 10 janvier 2016, pour annoncer la création prochaine de son parti. Quelles peuvent être les raisons de ce divorce ? Officiellement, il s’agit d’une fronde pour dénoncer la collaboration entre Nidaa Tounes et le parti islamiste, Ennahda.
Selon le leader Marzouk, l’alliance entre son ancien parti et celui des islamistes « est une grave menace à la démocratie en Tunisie ». Sa nouvelle vision est de créer une force politique d’un « courant moderniste, laïcisant ». Il faut le rappeler, Nidaa Tounes, parti ralliant des courants issus du milieu des syndicats, de la Gauche, du monde économique et de l’ancienne formation politique de Ben Ali, doit en partie sa victoire aux dernières élections, à son hostilité vis-à-vis des islamistes d’Ennahda. La société tunisienne, très moderne et modérée, avait porté son choix sur ce regroupement hétéroclite qui semblait présenter un gage de tolérance politique et sociétale face aux islamistes dont elle ne pouvait maîtriser les réflexes théocratiques. Visiblement, le rapprochement actuel entre les deux plus grands partis ne plait pas à tout le monde.
En effet, bien plus que cette alliance de raison entre Nidaa Tounes et Ennahda, le divorce qui vient d’être annoncé par le camp de Mohsen Marzouk, pourrait être le couronnement d’une rivalité fratricide entre l’ex-secrétaire général et le fils du président de la République, Hafedh Caïd Essebsi.
La scission que l’ancien secrétaire général vient d’acter, remet en cause les équilibres politiques
Les deux rivaux ont chacun un clan au sein du parti présidentiel et essaient de tirer les ficelles. Mohsen Marzouk a été l’un des artisans de la victoire de Nidaa Tounes aux dernières élections législatives et présidentielle, mais son influence, même en tant que secrétaire général du parti, a été battue en brèche par Hafedh Caïd Essebsi qui nourrit l’ambition de prendre la tête du parti de « papa ». Soutenu par certaines fortes têtes, celui que l’on surnomme avec ironie « Baby Doc », tente d’imposer sa vision et ses hommes au détriment du camp Marzouk. Sentant peut-être la défaite dans un combat de positionnement interne en vue des prochaines échéances électorales, auquel le président lui-même assiste passivement pour des raisons diverses, Mohsen Marzouk a choisi l’option de quitter le navire. Accompagné dans sa dissidence par des députés et des militants.
Opportunisme politique ou volonté réelle de changement ? Difficile d’y répondre. Toujours est-il que la scission que l’ancien secrétaire général vient d’acter, remet en cause les équilibres politiques et met le parti fondé en 2012 par l’actuel président Béji Caïd Essebsi, dans la tourmente. Car avec les démissions des députés, Nidaa Tounes risque de perdre sa majorité au profit de son allié de circonstance, Ennahda en dehors de toute coalition politique à l’Assemblée nationale. La nouvelle situation pourrait conduire à un changement de gouvernement dont les islamistes, quelque peu « vomis », pourraient être les grands gagnants. En clair, la Tunisie qui n’a pas fini avec les attentats terroristes, risque de replonger dans l’incertitude. La Libye n’est pas loin et les chiens enragés qui y sont, pourraient vite accourir à la « soupe ».
Michel NANA