Réunis à Cotonou le vendredi 8 janvier 2016 à l’occasion du 19e sommet de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, les chefs d’Etat n’ont pu désigner un successeur au Sénégalais Cheikhe Hadjibou Soumaré à la présidence de la Commission de l’institution sous-régionale d’intégration. Et pour cause, de profonds désaccords entre le Niger et le Sénégal.
Les dirigeants ouest-africains ont échoué à trouver un successeur au président de la Commission de l’UEMOA. Le Sénégalais Cheikhe Hadjibou Soumaré est maintenu à son poste en attendant, selon le compromis dégagé du huis clos. Le Béninois Thomas Yayi Boni refile donc la patate chaude de la succession à la tête de la Commission de l’Union à son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, désigné nouveau président en exercice de la conférence des chefs d’Etat de l’UEMOA. La commission se donne six mois pour aplanir les divergences entre le Niger et le Sénégal. Mais, le communiqué final dit que s’agissant du renouvellement des mandats, les chefs d’Etat ont décidé la prorogation du mandat de l’ensemble des commissaires jusqu’au prochain sommet ( dans un an en principe) à l’issue duquel le Niger assurera la présidence de l’institution sous-régionale d’intégration économique " Pour le maintien des commissaires, les mesures appropriées seront prises”, ajoute le texte, sans fournir plus de details sur les conditions et les modalités de ce maintien.
Blocage
En effet, ce sont ces deux pays qui se disputent la présidence de la Commission, alors qu’un accord tacite, conclu en 2011, prévoyait à la fin du mandat des commissaires, de confier la présidence au Niger.
Sauf que la donne a changé, et le Sénégal ne l’a pas entendue de cette façon lors du sommet de Cotonou. Macky Sall aurait, selon nos informations, fermement défendu le maintien de son compatriote, Cheikhe Hadjibou Soumaré à son poste pour un nouvveau mandat de quatre ans. Une attitude qui n’est pas sans déplaire au Niger qui tient mordicus à diriger la Commission. "Ça a bloqué entre le Niger et le Sénégal”, glisse un haut fonctionnaire de l’institution. "Le Niger a même menacé de quitter si l’on ne s’en tenait pas à l’accord de 2011”, renchérit un membre d’une délégation gouvernementale. Signe évident que les débats ont été houleux, le huis clos qui a suivi la traditionnelle photo de famille clôturant la cérémonie d’ouverture a duré plus de quatre heures.
Les leaders des huit pays se sont également prononcés sur la grave crise qui secoue la Cour de justice de l’Union. "La conférence s’est prononcée sur la base des indications fournies par le comité de haut niveau mis en place pour le règlement de cette crise et du président du comité de relecture des textes de la Cour de justice”, souligne le communiqué final du sommet. Verdict sans appel, les juges de cette Cour ont été virés. Chaque pays devra désigner un nouveau représentant au sein de l’institution judiciaire commune. "Nous avons signé un acte qui permettra de remplacer les magistrats et permettre à l’institution de jouer son rôle. Car il est inadmissible que les magistrats eux-mêmes ne respectent pas les textes et se mettent dans un mouvement qui paralyse la Cour depuis 2014”, a martelé Roch Marc Christian Kaboré.
Autopsie de l’Union
Ce sommet a été l’occasion pour les dirigeants de faire l’autopsie de leur Union. Avec une croissance établie à 6,6% en 2015, la région connaît des perspectives économiques favorables, selon le président du conseil des ministres de l’Union, par ailleurs ministre sénégalais de l’Economie et des Finances. Ce vent favorable est tiré par l’augmentation de la production agricole et industrielle ainsi que le dynamisme des BTP (Bâtiments, travaux publics) porté par des investissements sous forme de partenariat public-privé. Ce qui permet à Amadou Ba de préciser que la poursuite de l’activité économique et le renforcement des investissements dans les infrastructures vont porter le PIB (régional) à 7,2% cette année. « La Banque centrale a mené une politique monétaire accommodante et a su refinancer les banques (commerciales) pour faire face aux besoins de liquidités », a-t-il salué. Selon M. Ba, les financements de la Banque ouest- africaine de développement dans les huit Etats s’élèvent à 272 milliards de F CFA dont 217 milliards sous forme de prêts long et moyen terme. Son plan stratégique 2015-2019 prévoit d’injecter plus de 1 523 milliards de F CFA de financement. Si l’économie se porte plus ou moins bien, en revanche, la situation politique et sécuritaire est peu reluisante. C’est pourquoi, le sommet a salué la bonne tenue des élections en Côte d’Ivoire, au Togo et surtout au Burkina Faso. « La conférence des chefs d’Etat félicite les autorités de la Transition qui ont réussi à organiser des élections paisibles et crédibles », a dit Yayi Boni, tout en félicitant le président Roch Marc Christian Kaboré. Il a souhaité que les scrutins prévus au Niger et au Bénin emboîteront le pas, ce qui contribue à l’ancrage de la démocratie en Afrique de l’Ouest.
Sur le plan sécuritaire, la situation demeure préoccupante, a rappelé M. Yayi. La recrudescence du terrorisme, la prolifération des armes et des groupes terroristes comme Boko Haram et les djihadistes constituent une menace pour la paix et la sécurité. « Face à cette menace, il est impératif de mutualiser nos moyens (échange d’informations et de renseignements, manœuvres militaires conjointes, etc.) pour une réponse collective. Le terrorisme ne réussira jamais à nous détourner de nos objectifs de construction d’un marché commun », a fait savoir le président béninois.
Saturnin N. COULIBALY