A force d’accumuler les scandales de viols et d’abus sexuels, les soldats de la Mission des Nations unies en RCA (Minusca) risquent de laisser plus de mauvais que de bons souvenirs aux Centrafricains. En effet, alors que ne s’est pas encore estompé le tourbillon qui a emporté le général sénégalais, Babacar Gaye, pour une affaire de mœurs impliquant ses éléments, voilà qu’une autre tempête (des soldats de la paix à la braguette facile) s’invite au débat, au risque de ternir l’image de l’institution onusienne déjà écornée par plusieurs scandales du même genre sous d’autres cieux, comme au Mali avec la Minusma, en Côte d’Ivoire avec l’Onuci, au Congo avec la Monuc…
En effet, depuis que les dérives libidinales des Casques bleus font les choux gras des médias, Ban Ki-Moon, entre déception et consternation, ne sait plus où donner de la tête, tant il est gêné aux entournures par une pratique qui semble avoir la peau dure au sein de ses troupes. Lui qui a fait du principe de « tolérance zéro » son cheval de bataille concernant ce genre de situations. Il est d’autant plus mal à l’aise que ces abus sont commis sur des mineures dont certaines ont peut-être l’âge des enfants de leurs prédateurs. L’on comprend alors pourquoi dans le récent cas centrafricain, le patron de l’ONU a préféré prendre les devants en annonçant par voie de communiqué, l’ouverture d’une enquête sur de nouvelles accusations d’abus sexuels portées contre des éléments de la Minusca. D’autant plus que son institution est souvent accusée de faiblesse face aux dérapages sexuels de certains de ses éléments, dans l’accomplissement de leurs missions, en violation flagrante des règles de l’institution.
Mais que voulez-vous ? Il est connu l’adage selon lequel « l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Et dans bien des cas, les soldats de la paix ont donné l’impression d’être en tourisme dans les pays où ils ont été envoyés en mission, tant leur tâche semblait se résumer à des patrouilles de routine plus destinées à marquer leur présence qu’à combattre véritablement un ennemi. Il n’est donc pas étonnant de voir que certains d’entre eux cherchaient à joindre l’utile à l’agréable en échangeant leur trop plein d’énergie contre des faveurs sexuelles.
Les héritiers de Barthélémy Boganda se sont révélés incapables de répondre aux aspirations de leurs compatriotes
Passe encore si cela se faisait entre adultes consentants, même si les règles des Nations unies « réprouvent fermement les relations sexuelles » entre les Casques bleus et les populations qu’ils protègent. Mais quand il s’agit de mineures, il y a lieu de se poser des questions sur la véritable moralité de ces soldats, d’autant plus qu’ils représentent une institution aussi prestigieuse que l’ONU. C’est pourquoi les sanctions disciplinaires en la matière devraient être à la hauteur de la grandeur de l’institution internationale et aller au-delà de la simple radiation et du renvoi des présumés coupables dans leur pays qui est chargé du choix de la sanction, quand sanction il y a.
Le départ des Casques bleus congolais suscite des interrogations
L’ONU devrait aussi pouvoir engager des poursuites judiciaires contre ceux qui se sont rendus coupables de pédophilie.
Du reste, le départ des Casques bleus congolais annoncé suscite bien des interrogations. Certes, la raison officielle avancée est celle de l’incompétence. N’empêche que l’on se demande si ce départ n’est pas lié à cette affaire d’abus sexuels, étant donné que certains soldats de ce contingent congolais en sont accusés.
Toutefois, on peut se demander s’il est juste de jeter l’anathème uniquement sur les soldats de la paix. En effet, beaucoup de ces soldats remplissent leur mission de façon professionnelle et consciencieuse. Mais dans bien des cas, la situation sociopolitique qui a nécessité leur déploiement n’est pas très souvent propice au développement économique de ces pays. L’activité économique tourne au ralenti et les populations ont bien du mal à joindre les deux bouts. Dans ces conditions, bien des familles sont capables de pousser de jeunes filles dans les bras des soldats onusiens en échange de quelques billets de banque, pour assurer la pitance quotidienne. Ce d’autant plus qu’il est aussi arrivé que des populations développent autour de ces bases, de petites activités commerciales mutuellement profitables aux deux parties. Dans ces conditions, les jeunes filles peuvent être des proies faciles pour ces soldats.
Et dans un pays comme la RCA, qui peine à sortir du bourbier dans lequel les acteurs politiques l’ont empêtrée, ces tentations sexuelles sont rendues plus faciles par le désordre politique qui règne dans le pays, depuis l’éclatement de la crise ethnico-religieuse qui paralyse le pays depuis maintenant plusieurs années. En effet, de François Bozizé à Catherine Samba-Panza, en passant par Michel Djotodia, les héritiers de Barthélémy Boganda se sont révélés incapables de répondre aux aspirations de leurs compatriotes, surfant parfois sur des concepts nauséeux à consonance ethnico-religieuse qui ont contribué à approfondir la fracture sociale au sein des populations. D’où viendra le salut pour les Centrafricains. De l’élection présidentielle ? Encore faut-il qu’ils franchissent cette étape avec succès, eu égard aux contestations qui sont venues doucher les espoirs de ceux-là qui croyaient que cette fois-ci serait la bonne, après la tenue du premier tour de l’élection présidentielle du 30 décembre dernier. En tout cas, selon les
résultats provisoires publiés la semaine dernière par l’Autorité nationale des élections, les candidats Anicet Georges Dologuélé et Faustin Touadéra qui ont obtenu respectivement 27,78% et 19,42% de voix et qui doivent s’affronter au second tour le 31 janvier prochain, sont tous deux hommes du sérail. Preuve, si besoin en était encore, que le fait d’avoir été aux affaires, est, d’une certaine façon, un atout pour la conquête du pouvoir en Afrique, comme ce fut le cas au Sénégal avec Macky Sall, au Mali avec Ibrahim Boubacar Keita, au Burkina Faso avec Roch Marc Christian Kaboré. Aussi tout porte-t-il à croire que ce n’est pas demain la veille qu’un illustre inconnu viendra rebattre les cartes.
Outélé KEITA