La nomination, ce 7 janvier, de Paul Kaba Thiéba au poste de Premier ministre vient mettre un terme à un long suspense qui avait fini par inquiéter les Burkinabè. Elle intervient en effet plus d’une semaine après l’investiture, le 29 décembre dernier, de Roch Marc Christian Kaboré aux fonctions de président du Faso. Au lendemain des élections couplées (législatives et présidentielle) du 29 novembre 2015, sanctionnées notamment par la victoire du candidat du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), l’espoir était grand de voir le pays tourner rapidement la page de la transition sociopolitique qu’il a connue pendant treize mois.
L’aspiration était donc légitime pour les populations de voir le nouveau pouvoir s’installer dans la foulée pour gérer efficacement les problèmes qui se posent à la nation. Après huit longs jours d’attente, la désignation officielle de cet économiste comme chef du premier gouvernement de l’après-Transition signe le premier acte véritablement présidentiel de Roch Marc Christian Kaboré. Un premier décret qui devrait en appeler rapidement un autre, celui de la composition du gouvernement, sur lequel le chef de l’Etat sait qu’il est également très attendu. En tout état de cause, plusieurs défis majeurs attendent l’équipe exécutive, dont on espère qu’elle sera à la fois équilibrée, efficace et proactive.
Du raffermissement de l’autorité de l’Etat à la réconciliation nationale, en passant par les dossiers de justice, les impératifs sécuritaires au double plan national et sous régional, et le crucial besoin du mieux-être des populations, le premier gouvernement de cette nouvelle ère démocratique a décidément du pain sur la planche. Des défis qui appellent, ainsi que l’on peut en juger, des réponses urgentes, immédiates, mais aussi, pour nombre d’entre eux, une approche pragmatique pour des solutions plus pérennes.
C’est sans doute après avoir pris le pouls de la situation globale et affiné le tableau de bord de sa gouvernance présidentielle que Roch Marc Christian Kaboré a fait le choix de Paul Kaba Thiéba pour conduire la gestion des défis nationaux. En misant ainsi sur l’économie pour poser les balises de la coordination de l’action de son gouvernement, le chef de l’Etat semble vouloir mettre d’emblée le cap sur les défis économiques et de développement, pour un quinquennat qui ne sera pas moins très politique.
Le raffermissement de l’autorité de l’Etat, la sauvegarde des acquis démocratiques, la restauration de la confiance et la mise en œuvre de solutions efficaces visant à garantir davantage la sécurité des biens et des populations burkinabè où qu’ils se trouvent… nécessitent incontestablement des mesures politiques fortes. Sans compter que devrait s’ouvrir bientôt, selon le vœu et la promesse du chef de l’Etat, l’important chantier institutionnel de passage à une Ve République.
Pour autant, et même si le poste de Premier ministre induit aussi une forte dimension politique, les nouveaux gestionnaires de l’Etat burkinabè auraient sans doute tort, demain, de ne pas considérer, à l’entame de leur mandat, le cri tout aussi impatient qui s’élève des chaumières du pays pour réclamer plus de… pouvoir dans le panier de la ménagère. En cela, et au-delà de la gestion macroéconomique de la croissance et du développement national, le choix de Paul Kaba Thiéba peut s’avérer judicieux. Du moins, le tout nouveau chef du gouvernement et son équipe auront désormais la charge de justifier a posteriori, par leur travail acharné et leur capacité à produire les changements qualitatifs attendus par les Burkinabè dans la gestion de leurs cités et du pays en général.
Titulaire d’un doctorat de 3ème cycle, option Monnaie, Finance et Banque obtenu en 1987 à l’université de Grenoble II, Paul Kaba Thiéba, 55 ans, a incontestablement l’étoffe d’un économiste pénétré des questions monétaires et financières. Sa longue expérience dans des institutions bancaires et financières internationales — comme la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) — devraient lui permettre de gérer « la Maison Burkina » en bon père de famille soucieux du bien-être de ses enfants.
Cela suffira-t-il cependant à celui qui était depuis février 2014 administrateur délégué du Fonds de stabilité financière de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa) pour entrer aussi — et vite ! — dans le costume politique que requiert son poste et porter au mieux les attentes des populations? Il faut l’espérer vivement et souhaiter ardemment que les premiers pas de la nouvelle équipe gouvernementale rassurent et convainquent même les plus sceptiques.
Serge Mathias Tomondji