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Ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation : « Il y a une mauvaise gestion des ressources humaines », Séma Blégné, SG du SNEAB
Publié le jeudi 7 janvier 2016  |  Le Quotidien




A travers une déclaration, les syndicats du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, se sont insurgés contre des affectations qu’ils jugent arbitraires. Dans la même déclaration, les syndicats, dont le Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEAB), dénoncent avec fermeté les effectifs pléthoriques dans les services centraux et déconcentrés du MENA, avec leur lot de dérives. Pour mieux comprendre les préoccupations des syndicats, nous avons rencontré le secrétaire général du SNEAB, Séma Blégné, qui a bien voulu nous accorder une interview. Pour lui, le véritable problème qui se pose au niveau du MENA est celui de la gestion des ressources humaines.
Dans une déclaration que vous avez rédigée avec d’autres syndicats, vous dénoncez la gestion sélective et injuste du personnel du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation. Qu’en est-il exactement ?

Merci au journal le Quotidien de nous donner l’occasion de nous exprimer sur une question d’actualité au sein de notre ministère. Il s’agit d’une question épineuse concernant les affectations au ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA). Je dois, tout de suite, préciser que comme tous les autres ministères, il y a, chaque année, des affectations qui sont autorisées. Et dans cette même dynamique, le MENA procède également à des sessions où il est procédé à des affectations de son personnel. Je dois l’avouer, une seule session ordinaire connait la participation des syndicats de l’éducation. C’est donc les affectations pour convenance personnelle. Et pour l’année 2015, la session a eu lieu au mois de juin et nous avons procédé à l’étude des différentes demandes pourvues aux postes vacants. En ce qui concerne la région du Centre, un peu moins de 90 postes, semble-t-il, étaient vacants. C’est ce que la commission a pourvu. La deuxième forme de mutation qui existe au sein du ministère est donc cette forme discrétionnaire laissée à l’appréciation de l’autorité centrale en fonction des problèmes spécifiques et des besoins autres que ceux que la commission nationale connaît. Il lui est donc loisible de procéder à des affectations par nécessité de service. En 2015, alors que nous nous attendions à ce que les tares de l’ancien régime soient corrigées, grande a été notre surprise de voir que les autorités de la Transition en charge du ministère de l’éducation en ont fait pire. C’est ce que nous avons dénoncé à travers une déclaration qui est parue évidemment dans le journal Le Quotidien. Je rappelle que cette déclaration est cosignée par l’ensemble des syndicats du ministère et qui dénoncent d’une même voix le clientélisme et le caractère sélectif de ces affectations.

Pourquoi parlez-vous de caractère sélectif des affectations ?

Pourquoi parlons-nous de caractère sélectif ? Nous avions dit dans la déclaration que lorsque les mutations par nécessité de service prennent le dessus sur les affectations par convenance personnelle, il y a quelque chose qui ne va pas. On doit satisfaire le maximum des travailleurs sur la base de leurs droits aux affectations. De 90 personnes autorisées à rentrer au Centre, nous nous retrouvons à près de 500 personnes après la commission nationale, vous conviendrez avec nous, qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Nous avons nous-mêmes entrepris des démarches pour rencontrer le ministre de tutelle dès le 5 novembre (ndlr : 2015), nous avons déposé une demande d’audience. C’est vrai, l’objet de la demande n’était pas de traiter des affectations, mais c’était inscrit dans les divers. Malheureusement, nous n’avons pas eu de suite favorable à cette demande d’audience. Nous avions entrepris d’autres démarches informelles, c’est-à-dire en nous rendant directement au cabinet du ministre pour chercher directement à le rencontrer parce que c’était assez crucial. C’était comme une sorte d’euphorie qui s’était emparée des personnels du ministère en voyant donc le déferlement des agents par vagues successives. J’ai par devers moi ici l’ensemble des actes. Je crois que j’ai, au moins, une cinquantaine d’actes qui ont été pris par nécessité de service. Il est même arrivé que 2 ou 3 actes soient pris dans la même journée affectant 20 à 30 enseignants. Et on s’est demandé ce qui se passe, comme s’il y avait quelque part une course contre la montre pour faire rentrer le maximum d’enseignants qui malheureusement ne respectent pas les critères édictés.

On voit bien que c’est surtout le caractère arbitraire des affectations que vous dénoncez

Je le répète ici, il faut lire entre les lignes par rapport à notre déclaration. La session nationale d’affectation est la seule session où les syndicats siègent. A cette session, on a pourvu pour nous, tous les postes vacants. Maintenant, à contre cœur, nous avons vu des doyens, qui avaient la vingtaine d’années de service, qui se sont vu refuser l’accès au Centre, tout simplement parce qu’il y a des critères et d’autres personnes ont eu des points plus élevés qu’eux. A cette session, vous avez des enseignants qui ne peuvent même pas postuler, c’est-à-dite qui ne peuvent même pas déposer de demande à cette instance, tout simplement parce qu’au regard des textes, ils ne sont pas en règle. Car nos textes disent que tout enseignant recruté au compte d’une région à obligatoirement 6 années minimum à passer dans la localité avant de prétendre demander une affectation en dehors de ladite région. D’où viennent donc des enseignants qui ont moins de 6 ans de service et qui se retrouvent affectés à Ouagadougou ? En tant que partenaires sociaux, il est donc de notre devoir d’attirer l’attention de l’autorité politique par rapport à ce qui ne va pas. Nous sommes en train de dévoyer par nous-mêmes des textes que nous avons signés. Pour nous, ce type de textes se respecte. Je me rappelle encore que sous l’ancienne ministre, Odile Bonkoungou, des erreurs d’affectations de ce genre ont été faites, mais les intéressés ont été renvoyés sur le terrain. Pour les cas les plus spécifiques, où on a été obligé d’accéder à des affectations de ces personnels qui ne remplissaient pas les conditions, on a dû leur faire signer des engagements pour dire qu’ils sont affectés pour une période donnée. Par exemple, pour quelqu’un qui est malade et qui doit être suivi forcement par un médecin, nous ne sommes pas sans cœur qu’à même. On a, par moments, pu accéder à la demande de ces personnes pour qu’elles puissent rentrer au Centre pour se soigner, mais après guérison, elles retournent en campagne, c’est la seule exception. Ces dernières années, surtout à partir de 2012, où on a trouvé entre le ministère et ses partenaires sociaux, un modus vivendis qui autorise maintenant à partir de sa région à l’issue de 6 ans de service. C’est devenu un fourre-tout à travers les nécessités de service. Mais, nous pensons que le ministère de l’Education nationale est suffisamment vaste et que des choses peuvent échapper au premier responsable. Nous pensons que tout cela ne doit pas être délibérément fait. Mais des choses ont dû être faites sur le dos du ministre, parce que quand le ministre a pris service, la première bataille qu’il a lui-même souhaitée engager c’est comment résoudre le stock d’enseignants en suppléance à Ouagadougou ? C’est donc évident que nous soyons surpris de voir autant d’enseignants rentrer à Ouagadougou, parce que c’est contraire à ses propres engagements.

Quelles sont les conséquences
des nombreuses affectations
d’enseignants au Centre?

Les conséquences sont insoupçonnables. La première conséquence, c’est la démotivation de tous ces enseignants qui ont demandé, en appuyant leurs demandes avec des raisons fondées et à qui on a refusé les affectations, pour en définitive voir des jeunes enseignants qui viennent de sortir bénéficier des affectations. Mettez-vous à leurs places. Imaginez-vous, j’ai 20 ans de service et on me dit que ce n’est pas possible d’avoir le Centre. Et quelques jours après, je vois des enfants que moi-même j’ai formés atterrir à Ouagadougou. La deuxième conséquence, c’est le risque de voir beaucoup d’enseignants vaquer à autre chose qu’à l’enseignement pour lequel ils ont été recrutés. Si je suis affecté dans une école, où nous nous retrouvons à 15 enseignants pour 6 classes, la tentation est forte de faire autre chose, parce que je suis désœuvré, où même que je suis affecté dans une direction centrale où je n’ai même pas la simple place assise. Il n’y a qu’à vaquer à autre chose. La 3e conséquence est d’ordre budgétaire. L’Etat burkinabè engage des milliards chaque année pour payer les salaires. Au moins, nous devons nous assurer que ces milliards sont utilisés à bon escient. Il se trouve que ce n’est pas le cas. Nous nous retrouvons avec des milliers d’enseignants à payer gratuitement, alors qu’ils n’ont rien à faire. Voilà donc les 3 conséquences majeures qui peuvent découler de ce problème. C’est pour cette raison que nous avons formulé des exigences.

Au nombre de ces exigences, figure la relecture du décret portant modalités d’affectation des agents publics de l’Etat. Que souhaitez-vous concrètement changer dans ce décret ?

Nécessairement, lorsque l’autorité accèdera à cette requête, une commission sera mise en place. Et, en tant que partenaires sociaux, nous pourrons dire qu’est-ce qu’il faut changer à l’intérieur. Le vrai problème ne se pose pas au niveau de la Commission nationale d’affectation. Là-bas, je n’ai jamais vu un enseignant se plaindre parce qu’il n’a pas eu un grand centre. Les choses sont scientifiques. Il y a des critères qui sont appliqués à tout le monde. Il y a un logiciel qui a été installé au regard de nos effectifs. On loge les critères et le logiciel génère automatiquement un classement. Si on dit que pour le Centre on a besoin d’un tel nombre d’enseignants, le logiciel classe en affectant des points. Si l’enseignant n’a pas tel nombre de points, il ne peut pas être affecté. Et, je ne vois pas un seul enseignant qui s’est plaint par rapport à cela. Les plaintes sont toujours autour des mutations par nécessité de service. Donc, c’est cet aspect que nous sommes en train de viser par la relecture. Nous ne voulons pas qu’on affecte n’importe quelle personne qui se présente. Voilà un peu le changement que nous souhaitons voir introduit dans les textes. C’est limiter vraiment la force de l’autorité quant aux possibilités qui lui sont offertes pour procéder à des mutations par nécessité de service.

A la lumière de ce que vous venez de dire, on voit bien que le fait d’avoir plusieurs années d’expériences ne donne pas droit automatiquement à une affectation

C’est ce que je vous ai expliqué. Demander est un droit pour tout enseignant. A partir de trois ans d’année de service, vous avez la possibilité de demander à bouger à l’intérieur de la région. A partir de 6 ans de service, vous avez la possibilité de demander à changer de région. Il ne s’agit pas forcément de venir à Ouagadougou. Vous pouvez quitter la Boucle du Mouhoun pour le Centre-sud. Voilà des possibilités qui sont offertes. Ceci étant, chaque région fait le point de ses besoins annuellement. Ces besoins prennent en compte les décès, les départs à la retraite, les démissions, les mises à disposition et les disponibilités.

Et les femmes qui souhaitent rejoindre leurs époux ?

Ça, ce n’est pas un critère. On émet des besoins en tenant compte des aspects que je viens de citer. On a un certain nombre d’agents qui ont quitté ce bas monde. Cela laisse des postes vacants. On a des agents qui, par le truchement des concours, ont été reçus à une formation professionnelle. Cela crée des postes vacants. On a des agents qui, pour des raisons personnelles, prennent des disponibilités. Cela crée des postes vacants. On a des agents qui sont mis à la disposition d’autres ministères. Tout cela crée des postes vacants. Et les enseignants sont mis à compétition sur ces postes restés vacants.

C’est donc une démarche scientifique qui ne laisse aucune place à la subjectivité…

Cela ne laisse aucune place à la subjectivité. Voilà pourquoi un enseignant, s’il n’a pas eu le Centre, ne se plaint pas parce qu’il sait qu’il y a plus ancien qui a demandé et qui a eu. Donc, il attend patiemment l’année suivante. Mais là où le bât blesse, comme je vous l’ai dit, c’est quand quelqu’un qui n’était même pas autorisé à ‘’compétir’’, parce qu’il n’a même pas le nombre d’années requis, se retrouve dans cette même région qui m’a été refusée à moi, ancien, autorisé à ‘’compétir’’. Ça crée un véritable problème. Il y a une véritable démotivation au bout de la chaine et un gâchis financier parce qu’on fait rentrer des gens qui n’ont absolument pas quelque chose à faire puisqu’il n’y a même pas de besoin. Regardez à Ouagadougou, il y a combien d’enseignants dans les écoles ? Pour une école à 6 classes, vous pouvez vous retrouver avec 12 personnes. Pour une inspection qui a besoin de 14 agents attitrés pour l’ensemble des postes à pourvoir, vous vous retrouvez avec près d’une centaine. Ce sont des choses vérifiables. Pour 14 postes, vous vous retrouvez avec 96 personnes. Votre bureau, c’est un bâtiment de trois chambres avec un salon constituant le secrétariat. Dites-moi, où est-ce que vous allez faire asseoir 96 personnes ?

Faites-vous allusion à une direction en particulier ? Ou avez-vous des exemples concrets ?

Il suffit d’aller faire un tour à Saaba et à Ouaga 18. Je n’ai donné que ces deux exemples. Toutes les inspections sont comme ça. Je n’ai fait que donner des exemples sinon je n’ai rien contre ces inspections. C’est juste des exemples que j’ai donnés. Sinon, dans toutes les inspections, demandez au chef du personnel combien ils sont et demandez lui de combien de personnes a-t-il réellement besoin pour faire le travail. C’est toutes les inspections, les directions centrales, directions déconcentrées, que ce soit dans les DPNA ou les DRENA. C’est tout cela qu’il faut chercher à corriger si on veut être efficace.

Pour corriger toutes ces insuffisances, quel appel avez-vous à lancer à l’endroit du prochain ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation ?

La 4e République a fermé les yeux sur pas mal de dysfonctionnements qui ont fait le nid de l’affairisme et la démotivation des agents. Nous attendions que la Transition corrigeât un certain nombre de dysfonctionnements. Mais malheureusement, cela n’a pas été le cas. Aujourd’hui, si nous faisons le point des personnels du MENA qui ne sont pas à un poste de travail réel, peut-être qu’on peut se passer d’une année de recrutement. Je le dis en connaissance de cause. Et ce, même si on enlève nos malades. Il y a une mauvaise gestion des ressources humaines. Il faut qu’on ait le courage de le dire. Et, c’est ce à quoi la nouvelle autorité doit s’employer. Il faut faire en sorte que tout le monde soit traité sur le même pied d’égalité. Qu’il n’y ait pas des gens qui se présentent au guichet en fin de mois alors qu’ils n’ont rien foutu alors que pendant ce temps il y en a qui se chignent au travail. Ça, c’est démotivant. Les nouvelles autorités ont du pain sur la planche
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