Une expo réunissant quelques vingtaines de sculptures, de batiks et de peintures issues du Mécanisme d’achat des œuvres d’art pour les édifices publics a eu lieu au Musée de la musique de Ouagadougou le 30 décembre 2015. Des œuvres qui dessinent la carte d’un Burkina réel et fantasmé.
Grâce au mécanisme d’acquisition des œuvres d’art, une équipe a sillonné les régions telles Bobo, Koudougou, Boromo et quelques ateliers de Ouaga pour sélectionner des œuvres d’art en vue de décorer Kosyam.
A mi-parcours, cette expo en donne un aperçu. Autant une goutte d’eau contient toute la mer, autant cette mini expo est représentative de toutes les œuvres acquises par le Mécanisme en cette année 2015 car elle reflète les spécificités et les tendances de celles-ci. Elle est la photographie actuelle des arts plastiques au Burkina Faso.
Que ce soit la sculpture, le batik ou la peinture, on peut parler d’une création contemporaine qui puise dans le patrimoine artisanal, mais qu’elle tente de dépasser pour s’ancrer dans une actualité et une utopie nationales.
Ces œuvres dessinent la géographie d’une nation nouvelle où les communautarismes se dissolvent, les frontières bougent et les mythes et légendes s’arrachent de leurs origines ethniques pour devenir butin national.
Toutes les cultures du territoire deviennent butin national, bien commun de tous ! Anou, un jeune peintre bobo ainsi que Pemutet, un peintre d’origine camerounaise, peignent l’épopée moaga. Quant à Boureima Ouédraogo, il sculpte deux gardiens peulhs enturbannés avec des lances tandis que le sculpteur Gandéma Aboudoulaye propose un couple lobi. L’espace de l’art creuse un fleuve où se jetteraient les affluents de toutes les communautés !
En plus de cette dilution des histoires communautaires dans le patrimoine national, il y a des thèmes récurrents qui, tel un fil rouge, relient toutes ces œuvres. Comme l’amour dans ses multiples déclinaisons, le paysan, le vieil homme qui reste une figure tutélaire dans la famille, la femme, l’enfant, etc. Ces artistes ne donnent ni une vision idyllique ni désespérée du pays ; ils questionnent notre vivre-ensemble, notre être en ce territoire.
Sont-ce des œuvres contemporaines ? Assurément ! Si l’on peut regretter qu’au niveau de la sculpture de bronze, la césure entre l’artisanat et l’art soit moins nette, et que le batik peine à se démarquer des motifs généraux, il n’en demeure pas moins que chaque artiste est à la recherche d’un langage qui lui est propre et d’un matériau qui l’ancre mieux dans son terroir.
Si quelques rares peintres restent à la peinture à l’huile, la plupart travaillent les pigments et les couleurs des matériaux locaux. Sambo Boly va jusque dans la région du lac Bam pour chercher le calcaire ocre qui donne au fond de ses toiles l’aspect latéritique de cette zone. D’autres, comme Sanou André, tirent leurs couleurs de la macération de certaines espèces végétales.
C’est une création qui s’affirme dans un espace particulier mais qui ne s’enferme pas. Des dialogues et des passerelles avec d’autres artistes du monde, il y en a : les sculptures de Vincent de Paul font penser aux œuvres filiformes de Giacometti ; Jean-Marie Basquiat se devine derrière les œuvres de Liby Ousmane. Le tableau d’Hamed Ouattara, intitulé La Ceinture Dozo, rappelle les premiers tableaux du Malien Abdoulaye Konaté qui rendaient hommage aux chasseurs Dozos ; et dans les toiles de Lancina Comseimbo et d’Anou, il y a du cubisme.
Ces œuvres seront exposées à la Présidence du Faso. Elles sont toutes faites d’éléments pris sur le sol du pays (pigments, rebuts) et elles parlent du Burkina Faso. Puissent-elles au quotidien rappeler à ceux qui ont le destin de notre pays, qu’on attend d’eux qu’ils soient aussi des créateurs : d’une nation riche et unie !
Saïdou Alcény Barry