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Entraide judiciaire entre le Burkina et la Côte d’Ivoire : Blaise Compaoré, un colis piégé pour ADO
Publié le lundi 4 janvier 2016  |  Le Pays
L`ancien
© AFP par Sia Kambou
L`ancien président burkinabè, Blaise Compaoré, le 26 juillet 2014 à Ouagadougou




L’ancien président burkinabè, Blaise Compaoré, aujourd’hui en exil en Côte d’Ivoire, est en train d’être rattrapé par son passé dans l’affaire Thomas Sankara, qui, depuis l’avènement du régime de la Transition, a connu des avancées significatives. En effet, après le mandat d’arrêt international émis début décembre dernier contre lui, la Justice burkinabè a annoncé, le mercredi 23 décembre dernier, son intention de transmettre à la partie ivoirienne une demande d’extradition. Mais pour que cela soit effectif, le juge d’instruction doit réunir toutes les pièces pour motiver la demande. En attendant que les jours à venir nous situent sur l’évolution de cette demande, il est bon de rappeler que la convention bilatérale d’entraide judiciaire signée en juillet 2014 entre les deux pays, prévoit qu’en cas de refus d’une demande d’extradition, chacune des parties s’engage à juger la personne mise en cause sur son sol.

La grande question est de savoir si les autorités ivoiriennes vont accéder à la demande de la Justice burkinabè

Or, tout indique aujourd’hui qu’après le mandat d’arrêt contre l’ancien président, l’on a de fortes chances qu’une demande d’extradition de Blaise Compaoré dûment formulée par le Burkina soit adressée à la Justice ivoirienne. Dans cette hypothèse, le regard des Burkinabè en particulier et de tous ceux qui, de part le monde, sont épris de justice, seront tournés vers les autorités ivoiriennes. Il se posera alors la grande question de savoir si ces dernières vont accéder à la demande de la Justice burkinabè ou si elles vont s’engager à juger Blaise Compaoré en Eburnie. Pour le moment, il est difficile de prédire, au risque de se tromper, la conduite qui sera celle de la Côte d’Ivoire. Mais au regard des liens forts qui existent entre Alassane Dramane Ouattara (ADO) et Blaise Compaoré, pour des raisons que les uns et les autres peuvent aisément imaginer, la probabilité est forte que l’enfant de Kong opte pour le jugement de l’enfant terrible de Ziniaré sur les bords de la Lagune Ebrié. De ce point de vue, l’on pourrait s’attendre à deux scenarii. Le premier est le suivant. ADO, de manière délibérée, fait traîner les choses de manière à refiler le dossier à celui qui va lui succéder en 2020. Et pour justifier cette lenteur, il pourrait s’abriter derrière la séparation des pouvoirs pour objecter à tous ceux qui trépignent d’impatience que lui, Alassane Ouattara, n’a pas à donner des instructions à la Justice ivoirienne pour qu’elle fasse diligence. C’est d’ailleurs cette sempiternelle réponse qu’il a toujours apportée à tous ceux qui lui font le reproche de pratiquer une justice sélective dans le cadre de la crise post-électorale. Dans l’absolu, il peut ne pas avoir tort, mais l’on sait ce que vaut le principe de la séparation des pouvoirs sous nos tropiques. Il n’engage que ceux qui y croient. Et lorsque l’on observe bien le profil des Ivoiriens et des Ivoiriennes qui sont derrière les barreaux à la CPI (Cour pénale internationale) ou en Côte d’Ivoire dans le cadre des crimes liés à la crise post-électorale, l’on peut être conforté dans cette posture. Le deuxième scénario pourrait se ramener à ceci. ADO fait juger son « frère et ami » Blaise Compaoré. Et il s’arrange pour que le verdict soit digne des républiques bananières, c’est-à-dire une véritable parodie de justice, au terme de laquelle un verdict éhonté sera prononcé. L’un dans l’autre, Alassane Ouattara court le grand risque de se mettre à dos les acteurs suivants. D’abord, les Burkinabè, notamment les jeunes. Ces derniers, il faut le dire, vouent au chef de la révolution burkinabè une admiration quasi passionnelle. Et au-delà de l’affaire Sankara, ces jeunes ont une tradition de militantisme, qui a été forgée par les différentes luttes qu’ils ont menées courageusement contre les excès du système Compaoré et dont le point culminant a été atteint à l’occasion des évènements des 30 et 31 octobre 2014. Cette jeunesse- là ne décolèrerait jamais contre ADO, au cas où dans le traitement de l’affaire Thomas Sankara, il venait à privilégier les intérêts de son « ami » au détriment de ceux du peuple burkinabè. Et dans le cas d’espèce, les chefs d’accusation portés contre Blaise Compaoré sont si graves, qu’ADO n’a pas intérêt à se livrer à ce jeu.

Le moindre mal pour ADO est de sacrifier « son ami »

Les derniers acteurs qu’ADO risque d’affronter sont les Ivoiriens. Car même certains de son camp pourraient ne pas comprendre qu’il tente d’entourer le dossier Sankara du sceau de l’impunité. Quant à ceux du camp Gbagbo, ils pourraient trouver inacceptable que ADO refuse d’extrader Blaise Compaoré alors que pour l’extradition de leur mentor à la CPI, il n’a pas eu besoin de se faire prier. Comparaison n’est pas raison, mais dans le cas présent, cette comparaison semble bien pertinente. Le troisième type d’acteurs avec lesquels ADO pourrait avoir maille à partir est l’ensemble des mouvements de défense des droits humains de la planète. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire que Blaise constitue pour ADO un colis piégé. L’on peut donc lui suggérer de le retourner à son propriétaire légitime, c’est-à-dire la Justice burkinabè. Ce faisant, il s’en laverait les mains. Et lorsque l’on analyse les choses sous l’angle de la relativité, le moindre mal pour ADO est de sacrifier « son ami ». Car il ne gagnerait pas à prendre le risque de mettre au cœur des relations entre ces deux pays que tout lie, des considérations subjectives et émotives. Le Ghana, pour préserver les liens fraternels avec la Côte d’Ivoire, avait livré à la Justice ivoirienne Charles Blé Goudé et bien d’autres Ivoiriens. Alassane Ouattara serait bien inspiré de suivre cet exemple. Car les hommes passent mais les peuples et les Etats demeurent.
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