Les étudiants ivoiriens fument le calumet, pour ne pas dire qu’ils mangent l’attiékè, de la paix : en effet, le week-end dernier, à l’issue d’un séminaire, les responsables d’un certain nombre d’associations ont mis en place l’Observatoire de la Charte universitaire de non-violence ; un document signé par toutes les organisations présentes, et dont le but est d’améliorer la cohabitation entre étudiants et de promouvoir la non-violence sur le campus.
Ce geste est suffisamment insolite et d'une portée d’autant plus haute qu’il intervient, rappelons-le, dans un pays réputé pour l’extrême politisation de ses universités. C'est un événement qui, à défaut d’être historique, pourrait être qualifié de révolution sur les bords de la lagune Ebrié quand on connaît le poids politique dont bénéficient les associations estudiantines en Côte d’Ivoire. Ainsi, à Abidjan plus qu’ailleurs, le campus a toujours été un antichambre de l’arène politique, au point qu’à une époque pas si lointaine, on avait coutume de dire : qui tient les universités tient Abidjan, voire la Côte d’Ivoire tout entière.
De fait, les campus étaient devenus de véritables rings sur lesquels les états-majors rivalisaient d’agressivité pour espérer s’y implanter davantage. En témoigne le parcours de Guillaume Soro et de Charles Blé Goudé, deux leaders politiques qui, avant de devenir les figures de proue que l’on connaît, ont fait leurs classes au sein des organisations estudiantines.
Incontournables certes, ces associations, en dépit de leur poids, auront été trop souvent instrumentalisées à des fins purement politiciennes. Au point qu’entre elles, des rivalités ont vu le jour, faisant de leurs militants respectifs des adversaires, pour ne pas dire des ennemis de classe. On se souvient qu’au temps fort de la crise, une ligne de feu, pour ne pas dire de sang, séparait les étudiants pro-Gbagbo de ceux proches de Ouattara.
Aujourd’hui, on ne peut donc que se réjouir de voir, à travers la signature de cette Charte, que ces organisations, malgré leurs différences, ont pu mettre balle à terre. C’est un acte d’autant plus important que la Côte d’Ivoire peine toujours à parvenir à la réconciliation, si vitale et pourtant si difficile à obtenir.
Un bel exemple donné par le campus à ces politiciens qui, si la Charte tient toutes ses promesses, devront trouver un autre terrain d’affrontement, laissant enfin les étudiants se consacrer à leurs seules revendications corporatistes.