Le Niger n’en a pas fini avec les démons du terrorisme. Le pays vit depuis quelque temps une nouvelle étape de la dure bataille qu’il livre aux djihadistes ouest-africains, dont la dernière manifestation est la tentative d’évasion de membres de Boko Haram détenus dans une prison de Niamey. Une opération hardie, surprenante et malheureusement, comme d’habitude, sanglante. Deux gardes pénitentiaires nigériens sont restés sur le carreau. Le seul point de soulagement, c’est que les islamistes en cause n’ont pas pu s’échapper.
Mais il reste que les dégâts sont énormes, du point de vue des populations. La psychose s’installe désormais chez bien des Nigériens. Les conséquences de cette action terroriste sont aussi d’ordre économique, politique et sécuritaire. Après les attentats d’Arlit et d’Agadez, il est clair que le Niger aura de plus en plus de mal à attirer les investisseurs et les touristes. Politiquement, le président Mahamadou Issoufou devra aussi à terme revoir sa stratégie de lutte contre le terrorisme. Car pour l’instant, son pays a montré une extrême vulnérabilité face aux coups de boutoir des fous de Dieu. Lors des attaques de sites à Agadez et Arlit, le président nigérien avait pointé du doigt la Libye comme le nouveau sanctuaire des djihadistes chassés du Mali. Mais que dira-t-il de l’incident de la prison de Niamey où des extrémistes de Boko Haram sont mis en cause ? Toujours est-il que le Niger, qui est pris en tenailles entre le Mali, la Libye et le Nigeria, trois pays pourvoyeurs de terroristes, a fort à faire. Peut-il s’en sortir tout seul ? La réponse est non.
Il apparaît évident que la lutte contre un ennemi aussi insaisissable et sans aucune règle de combat nécessite une expertise et des moyens dont le Niger est loin de disposer. Où trouver la parade ? Il faut craindre que la solution ne vienne encore en grande partie de l’extérieur. A l’image de l’intervention française qui a été déterminante dans la libération du Nord Mali, l’Afrique de l’Ouest, visiblement, ne pourra pas se passer de l’Occident pour gérer ce passage difficile. Le président François Hollande l’a si bien compris, qu’il a proposé la tenue à Paris d’une conférence sur la question. N’en déplaise aux tenants d’un discours contre une prétendue ingérence française en Afrique, la France et les pays développés, en général, semblent incontournables en l’état actuel de la capacité opérationnelle de nos forces de défense et de sécurité. Aucun Etat sahélien ne crachera donc sur une proposition d’aide venant d’ailleurs. A ce titre, l’annonce faite par le Japon, de contribuer pour 750 millions de dollars à la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, est le symbole d’une prise de conscience internationale sur l’ampleur du fléau. C’est donc un signe encourageant pour la suite du combat.
Mais bien entendu, cette mobilisation naissante de la communauté internationale n’exonère en rien les Etats africains de leurs responsabilités. En plus des efforts propres à chaque Etat, en regard de ses spécificités, une synergie d’actions est de mise. Les tâtonnements constatés dans la gestion de la crise malienne doivent laisser désormais la place à une organisation rigoureuse, méthodique et concertée entre Etats. Car la crédibilité des pouvoirs en place est aussi en jeu. Au-delà de l’instabilité qui pourrait naître des attaques
terroristes, ils devront en effet, si la crise perdure, faire face à la grogne des populations. Soit on assistera à une stigmatisation d’une catégorie sociale ou religieuse, soit ce sera l’Etat lui-même qui sera accusé d’incompétence. Dans tous les cas, ce sont les fondements mêmes des institutions républicaines et des Etats qui pourraient être mis à mal s’il n’y avait pas une réponse vigoureuse et efficace au terrorisme. Ce fléau n’est plus une menace, c’est une réalité. Et la nouvelle folie des islamistes de Boko Haram, à Niamey, vient nous le rappeler, si tragiquement .