"Les attaques viennent du sud libyen, ces attaques confirment que notre voisin continue d'être une source de déstabilisation des pays du Sahel". Paroles du président nigérien, Mahamoudou Issoufou, le 23 mai 2013, lors de la cérémonie d'hommage aux victimes des attentats d'Agadez et d'Arlit.
L'affable et pondéré n°1 nigérien devait être excédé à juste raison (36 macchabées sont restés sur le carreau) pour tenir de tels propos, très durs, envers la Libye.
Et le chef de l'Etat nigérien de prévenir même que le Tchad pourrait être la prochaine cible des djiadistes.
Certes, une telle réaction est surprenante, surtout qu'elle vient de la part d'un président de la République qui n'est pas réputé être un va-t-en- guerre.
Mais, la colère noire de Mahamoudou Issoufou est d'autant plus légitime, qu'il n'avait cessé de répéter que tout le Sahel était devenu un sanctuaire pour les terroristes, qui pouvaient frapper à tout moment, à commencer par le Niger.
Quasiment, on avoue Mezza Voce à Niamey qu'un tel attentat n'est pas une surprise. Mais les autorités nigériennes doivent éviter de trop tirer sur la corde : que les assaillants soient venus du sud libyen ne fait pas des Libyens les premiers responsables de la double attaque ; en outre, selon d'autres sources, c'est à Tarkint à 150 km au sud de Gao que Hamoda Ould Mohamed Keirou, chef du MUJAO, et le tristement célèbre Moctar Belmoctar, patron des "signataires par le sang" qui avaient tué les travailleurs d'AREVA et les militaires nigériens, ont préparé leurs attaques contre le Niger.
Pour dire vrai, Niamey serait bien inspiré, une fois son ire passée, d'adopter une posture plus conciliante avec le voisin libyen. En clair, il devrait avoir la sagesse de coaliser ses efforts avec ce pays pour combattre ces phalangistes. Car c'est seulement dans la mutualisation des moyens que les Etats sahéliens pourront, sinon enrayer, du moins réduire la capacité de nuisance des fous d'Allah.
Ne pas laisser la proie pour l'ombre, telle est la sagesse qui doit animer Issoufou, qui sait que seule la mise en commun des efforts pourrait permettre d'annihiler cette hydre, difficile à cerner.
La Libye, de son côté aussi, devrait adopter un profil bas, car quoi qu'elle dise, elle est responsable, dans une certaine mesure, de ce qui est survenu dans la zone sahélo-saharienne, plus précisément au Mali.
En effet, c'est de l'ex-Cyrénaïque que les supplétifs de l'armée kadhafienne ont déferlé sur le septentrion de l'ancien Soudan français.
Hasard de calendrier ou relation de cause à effet entre cet accès de prurit diplomatique, Tripoli a réchauffé sa demande d'extradition de Saadi, le fils de Kadhafi assigné en résidence surveillée à Niamey. De plus, il y a quelque jours de cela, une centaine de Nigériens et de Tchadiens ont été expulsés de Libye. On ose croire que ces événements n'ont aucun rapport entre eux. L'urgence tant pour la Libye que le Niger est de ne pas laisser les terroristes les diviser pour mieux opérer. Déjà avec ces bisbilles, ils doivent boire du petit-lait.
