Ouagadougou, 29 déc 2015 (AFP) - Ancien baron du régime de l’ex-président
Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré va être investi mardi président de
ce pays pauvre d’Afrique de l’ouest, mettant fin à une transition d’un an
ayant suivi la chute de M. Compaoré.
Son élection, le 29 novembre au premier tour avec 53,46% des voix, a été
saluée par la communauté internationale. Son principal rival, Zéphirin Diabré,
arrivé deuxième avec 29,62% des suffrages, tout comme les autres perdants du
scrutin s’étaient empressés de reconnaître sa victoire.
A 58 ans, M. Kaboré va prendre la tête de ce pays à l’histoire ponctuée de
coups d’Etat pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.
Sur les huit dirigeants que le pays a connu depuis son indépendance en
1960, seuls deux ont été des civils. Le premier président Maurice Yaméogo, un
commis expéditionnaire de l’époque coloniale, a été balayé en 1966 par un
soulèvement populaire qui a porté les militaires au pouvoir.
Le deuxième, le diplomate Michel Kafando, est parvenu à la tête de l’Etat
grâce aux manifestations de rue qui ont chassé du pouvoir fin octobre Blaise
Compaoré, un ancien capitaine qui dirigeait ce pays pauvre depuis 27 ans après
un coup d’Etat perpétré en 1987.
Pour la première fois, un président civil remettra le drapeau du pays à un
autre civil démocratiquement élu.
Les autorités de la transition ont tenu leurs engagements. Lundi, le
gouvernement et le Conseil national de la transition (CNT) ont présenté leur
démission, conformément au calendrier de la transition, laissant le champ
libre à M. Kaboré.
- Apparatchik du régime Compaoré -
Les chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal, et le
président Alpha Condé de Guinée -arrivé dimanche à Ouagadougou- assisteront à
la cérémonie de prestation de serment et d’investiture prévue au Palais des
Sports de Ouaga 2000.
Plus de cinq mille officiels et partisans du nouveau régime devraient
également assister à cette cérémonie dont le moment-clé sera sans doute les
+youyou+¨qui accompagneront la transmission de la charge du président Michel
Kafando au nouvel élu.
Le nouveau président élu du Burkina a été un apparatchik du régime Compaoré
qu’il a servi pendant 26 ans, occupant les plus hautes fonctions
politico-administratives. Il a été ministre, conseiller du président, député,
président du parti au pouvoir, président de l’Assemblée nationale, Premier
ministre.
Tombé en disgrâce, il a créé avec d’autres apparatchiks le Mouvement du
peuple pour le progrès (MPP), avec lequel il a remporté la présidentielle du
29 novembre.
A la tête de ce pays de 17,4 millions d’habitants enclavé au coeur du
Sahel, M. Kaboré doit désormais relever de nombreux défis.
Selon de nombreux observateurs et analystes de la scène politique, le
premier d’entre eux sera la lutte contre le chômage des jeunes. A la pointe de
la lutte anti-Compaoré, la jeunesse burkinabè -- les moins de 30 ans
représentent jusqu’à 70% de la population -- est frappée par un chômage massif
endémique.
- Rassurer "des milliers de jeunes" -
Le président du Conseil national de la transition (CNT), Chériff Sy, a
appelé lundi le nouveau pouvoir à résoudre "l’équation" de l’employabilité des
jeunes lors de la cérémonie de clôture de la session parlementaire, marquant
la fin du mandat du CNT.
L’ombre du président déchu, exilé en Côte d’Ivoire, planera certainement
sur le mandat du nouveau président.
La justice militaire a lancé un mandat d’arrêt international contre Blaise
Compaoré, pour son implication présumée dans la mort de l’ancien chef d’Etat
Thomas Sankara, tué en 1987 lors du coup d’Etat qui porta au pouvoir M.
Compaoré.
M. Kaboré devra également remettre sur pied un appareil judiciaire
longtemps inféodé au régime Compaoré. Son action sur les dossiers sensibles,
en attente de jugement, seront particulièrement scrutés.
Outre les dossiers sur Thomas Sankara et le journaliste Norbert Zongo -
retrouvé assassiné en 1998 - qui ont connu un coup d’accélérateur judiciaire
après la chute de Compaoré, M. Kaboré doit également veiller à ce que "vérité
et justice" se fassent dans les assassinats liés à l’insurrection populaire
anti-Compaoré des 30 et 31 octobre 2014 et sur le putsch manqué du 16
septembre.
La justice militaire est chargée de l’enquête sur le coup d’Etat manqué
perpétré le 17 septembre par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP),
l’ancienne garde prétorienne du président Compaoré.
Une vingtaine d’officiers, majoritairement du RSP, parmi lesquels le chef
des putschistes, le général Diendéré, et l’ex-chef de la diplomatie de
Compaoré le général de gendarmerie Djibrill Bassolé, ont été arrêtés. Le
général Diendéré est poursuivi pour onze chefs d’inculpation dont celui de
"crimes contre l’humanité".
D’ores et déjà, Roch Marc Christian Kaboréa a promis que "la justice suivra
son cours jusqu’au bout".
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