Sous un soleil de plomb de Ouagadougou, près de 90 députés de la transition, courant à rythme lent dans plusieurs quartiers du Centre-ville, ont animé dimanche après-midi, un cross populaire à la veille de leur démission pour passer le témoin à des nouveaux élus.
Peu avant le démarrage du cross, vers 15H00 (GMT et locales), par petits groupes, ils échangent, bavardent chaleureusement, sur l’esplanade de la place de la Révolution, lieu de départ d’un circuit fermé passant successivement au Rond-point de la bataille du rail, le stade municipal avant de longer le côté Ouest de la cathédrale.
Alors que s’achève les 13 mois de transition burkinabè née d’un consensus entre partis politiques, armée et société civile, à la suite de violentes manifestations qui ont contraint l’ex-président Blaise Compaoré à la démission après 27 ans au pouvoir, "nous devons faire en sorte que notre pays ne vive plus une situation de genre", lance le président du CNT Chérif Sy, vers 15H30, avant de donner le coup d’envoi du cross.
Des députés, désireux de ne pas y participer, sautent dans la caravane, un véhicule aux cotés ouverts où des journalistes, photographes, Disc-Jockey et son staff, négocient l’équilibre au fur et à mesure qu’elle avance.
Dans les quartiers de Saint-Léon, Bilbalgo, que le peloton traverse, l’air mi-curieux mi-enthousiaste, des riverains au bord du macadam, stationne leurs regards, le temps que passe le vaste nuage blanc que peignent les t-shirts uniformes qu’ils revêtent.
"C’est simplement merveilleux", s’illumine l’écrivain Jean Hubert Bazié, député pour le compte de son parti La Convergence de l’Espoir, qui était membre de l’opposition qui a appelé à des manifestations qui ont renversé le pouvoir de M. Compaoré.
Dans la caravane, M. Bazié explique à ALERTE INFO qu’il est là pour "soutenir ses camarades" même s’il ne "court" pas. "J’ai 66 ans même si cela ne paraît pas", explique-t-il tout souriant, paré d’une petite tunique traditionnelle flanquée au côté gauche de la poitrine d’une médaille rayonnante.
Au trois quart de tour, certains de ses collègues, dont les visages dégoulinent de sueur, abandonnent et les rejoignent dans la caravane.
"C’est fatigant car depuis que nous avons commencé la session (parlementaire de la transition), je n’ai pas le temps de faire du sport", se justifie le député Yaya Karambiri, 27 ans.
Ceux qui sont toujours dans la "course", accompagnés par des membres de l’administration parlementaire, la population et certains corps (militaires et paramilitaires), chantent pour se galvaniser sur fond de sons de sifflets, s’aspergeant parfois d’eau mutuellement et esclaffant de rire.
Parmi eux, la députée Christine Sougué, salue "l’enthousiasme" entre coureurs qui la motive car, depuis le début de la transition en novembre 2014, "j’ai dû mettre un frein un sport parce que le rythme (des plénières) ne me permettait pas d’en pratiquer. Mais de temps en temps, je sors quand même faire quelques tours de terrain", raconte en trottinant la capitaine, qui siège au CNT pour le compte des Forces de Défense et de Sécurité (FDS).
Après environ 30 minutes de course, il regagne la place de la Révolution qui avait servi d’épicentre lors des manifestations anti-Compaoré. Là ils observent une brève pause, le temps de se désaltérer pour certains, avant de clôturer leur aventure sportive de fin de transition par d’une séance d’aérobic.
Selon le député Adama Séré, président du comité d’organisation du cross, "plus d’une centaine de lois ont été voté au CNT ainsi qu’une dizaine de résolutions" en 13 mois.
Sous le mandat des députés de la transition, "on a essayé de faire dans la mesure de notre possible vu que notre temps était limité. Mais l’idée première des insurgés, était de mener des réformes nécessaires pour que le pouvoir qui va être mis en place puisse aller sur de bons sillons", décrit-il brièvement.
Le CNT, depuis son installation à la suite de la désignation de ses membres par consensus, en lieu et place d’une Assemblée nationale, s’est particulièrement illustré par l’adoption d’un code électoral qui interdisait la participation des proches de M. Compaoré, "ayant soutenu le projet de révision" constitutionnelle qui devait lui permettre de se maintenir au pouvoir.
Aussi, sa mise en accusation devant la haute cour de justice pour "attentat à la Constitution, haute trahison, assassinat, complicité d’assassinat, coups et blessures volontaires, complicité de coups et blessures volontaires", avec l’ensemble de son gouvernement.
Le président du CNT Chériff Sy, journaliste avant son élection par les députés, lors d’un coup d’Etat avorté perpétré le 16 septembre par l’ex-garde prétorienne de Blaise Compaoré, le Régiment de Sécurité présidentielle (RSP), a usé de ses prérogatives pour s’autoproclamer "président par intérim" et appeler à la "résistance" sur une radio de fortune clandestine.
Les soldats de ce corps spécial d’environ 1.300 hommes avant sa dissolution, avaient retenu en otages le président de la transition Michel Kafando, le Premier ministre Isaac Zida et l’ensemble des membres du gouvernement qu’ils ont progressivement relâché avant la reddition de leur chef le général Gilbert Diendéré le 23 septembre.
Les manifestations anti-Compaoré d’octobre 2014 et le putsch manqué de l’ex-RSP, ont fait cumulativement au moins 40 morts et près de 900 blessés.
Un nouveau président élu, Roch Marc Christian Kaboré, un ex-collaborateur de Blaise Compaoré, qui est par la suite devenu l’un de ses farouches opposants, sera investi président mardi, pour marquer la fin de la transition.
A ce effet, "nous avons pensé qu’il était bon de se retrouver ici à la place de la Révolution, d’abord pour la symbolique, et puis pour se retrouver dans la fraternité, la solidarité et surtout la confiance mutuelle qui a caractérisé le CNT et les citoyennes et citoyens" du Burkina, explique le premier vice-président de l’institution, le colonel-major Honoré Lucien Nombré.
HZO